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Police-Justice

Suicide d'Evaëlle: le procès de l’enseignante s'ouvre ce lundi pour harcèlement sur mineur

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L'enseignante âgée de 62 ans est jugée ce lundi 10 et ce mardi 11 mars au tribunal correctionnel de Pontoise. Elle est également mise en cause pour avoir harcelé deux autres collégiens, en plus d'Evaëlle, une collégienne de 11 ans qui s'était suicidée en juin 2019, dans le Val-d'Oise.

Un procès dense qui pourrait durer jusqu'à mercredi. Le procès de l'enseignante d'Evaëlle, une collégienne de 11 ans qui s'était suicidée en juin 2019 dans le Val-d'Oise, s'ouvre ce lundi 10 mars à 9h30 au tribunal correctionnel de Pontoise qui la juge pour harcèlement sur mineur.

Cette femme aujourd'hui âgée de 62 ans avait aussi été poursuivie pour "homicide involontaire", mais a bénéficié d'un non-lieu à l'issue de l'instruction. La juge avait estimé qu'il n'était pas "possible de déterminer les éléments précis ayant conduit à son décès" car la pré-adolescente avait été confrontée à de nombreuses difficultés, notamment relationnelles, les jours précédant son décès.

La professeure encourt 2 ans de prison et 30.000 euros d'amende. Sous contrôle judiciaire depuis 5 ans, l'enseignante ne peut plus faire cours à des mineurs et a des obligations de soins. Son dossier administratif fait état d'une "professeur expérimentée, sérieuse et dynamique", mais l'enquête a brossé un autre portrait.

La majorité des élèves interrogés ont rapporté qu'Evaëlle était une cible récurrente de la professeure qui lui criait dessus et l'isolait au fond de la classe. L'enseignante est également mise en cause pour avoir harcelé deux autres collégiens. Elle a obtenu un non-lieu pour une quatrième élève.

Des tensions datant de plusieurs mois

Le 21 juin 2019, le père d'Evaëlle retrouve sa fille de 11 ans pendue à son lit dans leur pavillon à Herblay (Val-d'Oise). Six mois plus tôt, l'adolescente avait tenté de mettre le feu à une poutre de la maison après une rupture amicale.

Depuis l'entrée d'Evaëlle en sixième au collège Isabelle-Autissier d'Herblay, les problèmes s'étaient multipliés pour la jeune fille, déjà victime de brimades en primaire.

Au-delà du comportement insultant et violent de camarades, elle faisait face à des tensions avec son enseignante de français au sujet de la mise en place d'un protocole médical relatif à des problèmes de dos.

Dans un premier temps, la situation avait été réglée en interne et Evaëlle, décrite comme précoce, joyeuse, mais ayant des difficultés dans les relations sociales, n'appréhendait plus de se rendre en cours de français.

Pourtant, quelques mois plus tard, durant une session consacrée au harcèlement scolaire, l'enseignante avait demandé aux élèves d'exprimer leurs reproches à Evaëlle qui devait ensuite s'expliquer. Face à ses pleurs, l'enseignante s'était énervée et lui avait intimé de répondre aux questions, d'après les récits des élèves.

L'enseignante conteste les faits

Dans l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, il lui est reproché d'avoir "humilié régulièrement" Evaëlle devant sa classe, de l'avoir "isolée au fond" et d'avoir organisé "des heures de vie de classe portant sur le harcèlement scolaire au cours desquelles elle l'a stigmatisée comme étant victime de harcèlement par ses camarades et l'a contrainte à répondre aux questions de ceux-ci".

L'ensemble de ces comportements ont eu "pour effet une dégradation très importante des conditions de vie de la jeune fille qui s'isolait de plus en plus", écrit la juge.

"J'aimerais rappeler que je ne suis pas mise en cause dans le décès d'Evaëlle. On me reproche des supposés faits de harcèlement moral, que je conteste. J'ai adoré mon métier, je l'ai exercé avec passion. C'est difficile d'être incriminée de la sorte. J'espère que ma parole sera entendue par le tribunal", a réagi l'enseignante dans une déclaration transmise à l'AFP par son avocate Marie Roumiantseva.

"Ni consciente, ni informée"

Interrogée dans Le Parisien, l'enseignante assure qu'elle "ne pense pas avoir commis d'erreur". Affirmant avoir été "ni consciente, ni informée" d'un quelconque harcèlement d'Evaëlle par des camarades de classe, la professeure de français dément "la parole d'élèves" sur un harcèlement de sa part.

"Il y avait un climat très compliqué dans l’établissement. Après, toutes les interprétations sont possibles", avance-t-elle.

Et de conclure: "J’ai quand même plus de trente-trois ans d’expérience. Des erreurs, on en fait tous, mais spécifiquement et spécialement là, je ne pense pas en avoir commis."

Deux adolescents renvoyés devant le tribunal

Quant aux trois adolescents poursuivis pour avoir harcelé Evaëlle, deux d'entre eux ont été renvoyés devant le tribunal pour enfants pour harcèlement sur mineur.

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Harcèlement scolaire: pourquoi il faut en parler
8:01

"Les parents sont déterminés à ce qu'il n'y ait plus jamais d'affaire Evaëlle", a déclaré à l'AFP leur avocate Delphine Meillet.

"L'espoir de ce procès est de pouvoir établir les défaillances multiples de l'institution à trois égards", a-t-elle poursuivi, évoquant une défaillance institutionnelle du collège, une défaillance administrative et une défaillance législative, palliée depuis. Depuis une loi de mars 2022, le harcèlement scolaire est reconnu comme un délit.

D'après Delphine Meillet, "les parents d'Evaëlle ont fait le maximum et l'institution a fait le minimum".

En février 2019, les parents d'Evaëlle avaient porté plainte contre des élèves et retiré leur fille du collège. Celle-ci était depuis suivie par un psychologue mais elle avait fait face à un nouveau comportement violent dans son nouveau collège.

L'Éducation nationale a indemnisé la famille au titre du préjudice moral, selon le rectorat de Versailles, en échange de l'abandon d'éventuelles poursuites envers l’État. 

Mélanie Bertrand avec AFP