Soupçonnée d'abus de faiblesse après le suicide de deux de ses amants

- - Beatrice Huret devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer le 27 juin 2017 - PHILIPPE HUGUEN, AFP
Elle est soupçonnée d'avoir "manipulé", pour obtenir de l'argent, deux de ses amants qui se sont donné la mort. Une quinquagénaire doit comparaître jeudi, aux côtés de son ex-mari, pour abus de faiblesse au tribunal correctionnel de Narbonne.
Le procès, qui doit s'ouvrir jeudi à 14H00, avait été renvoyé une première fois le 25 novembre 2016, suite à une demande de la prévenue, aujourd'hui âgée de 53 ans, d'être assistée par un avocat.
Le 19 juin 2005, Didier B., maçon de profession, était retrouvé mort dans sa voiture, un pistolet à la main, à Sigean (Aude). Cinq mois plus tard, c'est l'un de ses employeurs, Jean-Pierre G., qui était découvert pendu dans un hangar à Narbonne, à une vingtaine de kilomètres de là.
Endettés, angoissés, devenus très croyants
Rapidement, l'enquête montre que les deux hommes entretenaient une relation avec Yolande Moustrou, qu'ils avaient rencontrée à travers une agence matrimoniale, et que leur comportement avait changé depuis cette rencontre.
Selon leurs familles, les deux hommes étaient devenus plus angoissés, nerveux, et traversaient des difficultés financières. Alors qu'ils se disaient athées, ils étaient devenus très croyants et s'étaient mis à porter des croix ou des chapelets.
Selon l'accusation, Yolande Moustrou, qui s'était fiancée aux deux hommes, les "manipulait" avec la complicité de son ex-mari, Eric Bourceau, dans le but d'obtenir de l'argent.
Elle disait avoir une santé précaire et transmettait des messages péremptoires à ses amants, notamment par l'intermédiaire de ce dernier ; elle affirmait aussi avoir des pouvoirs de medium et pratiquait avec son entourage le reiki, une technique de relaxation japonaise.
Une autre victime refuse de porter plainte
Au fil des mois, selon les enquêteurs, les deux hommes ont donné à Yolande Moustrou, alors sans emploi, plusieurs milliers d'euros en espèces ou en biens, dont une partie était reversée à Eric Bourceau: "50 à 60.000 euros" chacun, estime ainsi Me Yann Méric, avocat des parties civiles.
Ces pratiques ont fait, selon l'accusation, au moins une autre victime, un homme qui a pourtant nié les faits et refusé de porter plainte.
Le chef de "provocation au suicide", un temps envisagé au cours de l'instruction, a fait l'objet d'un non-lieu au profit de l'abus de faiblesse.
Placée sous contrôle judiciaire, tout comme son ex-mari, la prévenue pourrait ne pas se présenter au procès ni être représentée, craignent les avocats des autres parties. Au cours de l'enquête, cette dernière avait déclaré que c'était sur l'idée de son ex-mari qu'elle avait rencontré des hommes à travers une agence matrimoniale dans le but d'obtenir de l'argent.
Veuve noire
Une expertise psychiatrique avait conclu à des troubles pyschologiques, mais sans altération du discernement.
"Elle était passée maître dans la manipulation", estime Me Méric, qui parle d'une "veuve noire" ayant "empoisonné" les deux hommes. Le procès "va être très frustrant" pour la famille de Didier B., craint-il: "il n'y aura pas toutes les réponses".
"Mon client a toujours reconnu les faits", souligne Me Philippe Calvet, avocat d'Eric Bourceau, aujourd'hui âgé de 55 ans, "même s'il est évident qu'il est lui aussi une des victimes de cette dame. Il était sous son emprise, incontestablement", a-t-il assuré.