"Scandale", expertise "bâclée": les avocats de la famille d'Aboubakar Cissé dénoncent l'expertise qui conclut à l'abolition du discernement du suspect

La mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard, le 27 avril 2025. - Miguel MEDINA / AFP
Des conclusions qui dérangent. BFMTV a révélé lundi 30 juin l’expertise psychiatrique explosive qui conclut que le suspect de l'attaque de la mosquée de la Grand-Combe (Gard), Olivier Hadzovic, était au moment du crime atteint d’un "trouble psychotique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes". Mais pour les avocats de la famille d’Aboubakar Cissé, ce diagnostic, remis le 25 juin au juge d’instruction par un médecin psychiatre de Perpignan (Pyrénées-Orientales), ne passe pas.
"Une expertise bâclée, rédigée par un prétendu expert, aussi aromathérapeute sur les réseaux", dénonce vertement Yassine Bouzrou, avocat de la famille, joint par BFMTV.
"C’est un véritable choc, un profond sentiment d’injustice", réagit de son côté Me Mourad Battikh, autre avocat de la famille Cissé. Cette expertise pourrait entraîner une cascade de conséquences et conduire la justice à déclarer le suspect irresponsable pénalement. Et par conséquence l’amener à ne jamais juger cet homme, soupçonné d’avoir porté 57 coups de couteau à ce jeune Malien de 22 ans, devant une cour d’assises.
"L’exonérer de sa responsabilité"
"Comment admettre qu’un homme qui a planifié ses actes, qui s’est armé, qui a ciblé ses victimes, puisse être déclaré totalement irresponsable de ses actes? Ce diagnostic vient heurter de plein fouet la douleur des victimes", estime Me Battikh.
"Les faits criminels sont survenus dans un contexte de décompensation aiguë, sous l'emprise d'hallucinations auditives impératives et de phénomènes dissociatifs", avait tranché l’expert psychiatre, arguant que le suspect souffrirait de troubles "de type schizophrénique".
Dans sa réaction, au vitriol, Me Bouzrou déplore que ce diagnostic suffise "à faire passer un meurtrier pour un schizophrène après un seul entretien". Celui-ci viserait à "l’exonérer de sa responsabilité", tempête l’avocat, qui réclame que ces faits soient requalifiés en attentat depuis le mois d’avril. "C’est la première fois qu’un auteur d’acte terroriste bénéficie d’une telle complaisance judiciaire – et sort de prison un mois et demi après les faits, insiste Me Bouzrou. C’est un scandale".
Olivier Hadzovic avait pris la fuite et s’était rendu fin avril à la police après une cavale de trois jours jusqu’en Italie. Mis en examen et écroué à la maison d’arrêt de Perpignan (Pyrénées-Orientales), il en avait été extrait le 20 juin pour être hospitalisé sous contrainte dans un centre psychiatrique de Thuir, comme l’a révélé BFMTV.
Une "envie obsessionnelle de tuer une personne"
Le médecin-psychiatre attaqué a examiné le suspect le 11 juin en détention, à la demande du juge d’instruction. Olivier Hadzovic a alors attribué l'ensemble des faits commis à l'influence de "voix": les préparatifs, les vidéos, les paroles menaçantes, la cavale en Italie.
Des "voix" qu’il entendrait depuis l’âge de 7 ou 8 ans et qui auraient "pris le contrôle", guidant sa main le jour du crime et désignant la victime. "Quand j’ai tué, je n’étais pas moi-même. J’étais comme aspiré dans une boule. Je ne voulais pas tuer moi... Quand j’ai tué la personne, ce n’était pas moi", assure Olivier Hadzovic, qui indique que ces voix auraient été "contentes" de son crime. Il aurait agi "sous l'influence de ses hallucinations", concluait l’expert psychiatre.
Sans attaquer de front le médecin, Me Mourad Battikh estime pour sa part que cette expertise "donne le sentiment que l’on cherche à médicaliser l’horreur pour l’atténuer, voire l’excuser".
Au cours de l’instruction, le suspect a reconnu avoir porté des coups de couteau, mais a toujours nié avoir agi par haine de l’islam. La procureure de Nîmes, Cécile Gensac, avait expliqué au cours d'une conférence de presse que le suspect était animé par une "envie obsessionnelle de tuer une personne".
Les avocats des parties civiles et le parquet de Nîmes disposent de 15 jours pour demander une contre-expertise.