Réforme de la Justice: la CAF bientôt chargées de réexaminer les pensions alimentaires

Le tribunal de grande instance de Paris. (Image d'illustration) - AFP
Une "robotisation" de la Justice et une "atteinte au droit de la défense": voilà ce que dénoncent les avocats à la veille du début de l'examen du projet de loi Justice. A partir de mardi, la commission des lois va étudier ce texte défendu par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, avant sa présentation devant les députés à la fin du mois. Les avocats eux ne cessent de faire part de leurs inquiétudes. Ils dénoncent, entre autre, l'affaiblissement du droit de la défense, notamment en matière pénale, et la restriction de l'accès au juge.
Cette critique est particulièrement virulente en matière d'affaires familiales. Outre la suppression de l'audience de conciliation pour les divorces où se discute notamment la question de la garde des enfants ou du montant de la pension alimentaire, le texte prévoit de transférer les procédures de réévaluation de cette pension de la justice aux Caisses d'allocations familiales (CAF). Dans un premier temps, le texte prévoit une expérimentation sur trois ans de cette "déjudiciarisation" de la procédure.
"C'est une véritable rupture d'égalité devant la loi", s'élève Me Michelle Dayan, avocate au barreau de Paris et spécialisée en droit de la famille, qui craint que le dispositif soit testé dans des départements sinistrés économiquement, notamment en matière de moyens pour la justice.
Fin de l'individualisation des décisions
Chaque année, ce sont environ 170.000 demandes de revalorisation de pensions alimentaires qui sont engagées. Remariage, perte d'emploi et donc de revenus ou encore arrivée d'un nouvel enfant... le bénéficiaire de la pension alimentaire, tout comme l'ex-conjoint qui la verse, peut faire cette demande de révision. Jusqu'alors auprès d'un juge des affaires familiales du tribunal de grande instance. C'est alors au magistrat d'examiner la situation et les documents financiers apportés par les parties.
Si l'article 6 de la réforme judiciaire était voté tel quel, "selon une procédure simplifiée et plus efficace, et d’alléger la charge des juridictions judiciaires", les "organismes débiteurs des prestations familiales" seront chargés d'évaluer "la modification du montant d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants". "Les directeurs de CAF ne tiendra compte que des revenus déclarés, sans prendre en compte par exemple les charges", insiste Me Dayan. Pis, le représentant de l'organisme n'est "pas le garant de l'intérêt supérieur de l'enfant". A cela se superpose, la fin de l'individualisation des décisions: "les réévaluations des pensions se feront selon un barème", conclut l'avocate.