Raphaël Enthoven jugé pour "injures publiques" après avoir qualifié LFI de mouvement "passionnément antisémite"

Le philosophe Raphaël Enthoven prononce un discours lors d'une réunion du Printemps Républicain le 30 novembre 2019, Paris - DANIEL PIER / NurPhoto / NurPhoto via AFP
Peut-on dire que la France insoumise est un "parti antisémite"? "Passionnément antisémite" même? La question va être examinée par le tribunal judiciaire de Paris à l’occasion du procès pour "injures publiques" de Raphaël Enthoven ce mardi 23 septembre. Le parti de Manuel Bompard et de Jean-Luc Mélenchon a, en effet, fait citer en justice le philosophe après un message posté sur le réseau social X qui avait créé la polémique.
L’affaire commence le 1er mai 2024 dans les rues de Saint-Étienne (Loire). Raphaël Glucksmann, le patron du mouvement Place publique, souhaite participer à la traditionnelle manifestation des travailleurs lorsqu’il est pris à partie par des militants insoumis. Jets de peintures, insultes… L’homme politique est contraint de quitter les lieux sous escorte.
Jean-Luc Mélenchon condamne les faits. Mais cela ne suffit pas aux yeux de Raphaël Enthoven. Sur son compte X, le philosophe se fend d’un message au vitriol. "La France insoumise est un mouvement détestable, violent, complotiste, passionnément antisémite…", attaque-t-il en commentant les images de l’exfiltration de Raphaël Glucksmann. "Et ils sont tellement cons qu’il n’est même pas nécessaire de les corrompre pour qu’ils reprennent à la lettre le narratif du Hamas ou de Poutine. On n’en peut plus de ce club de déficients…"
"On ne pouvait pas laisser passer"
Le parti politique réplique par une action en justice. "On a un tweet qui dérape complètement où il s’en prend au parti avec des termes extrêmement violents comme ‘déficient mental’, comme ‘tellement idiot’, comme ‘complotiste’, ‘antisémite’, etc.", justifie Matthieu Davy, l’avocat de La France Insoumise. "C’est un tweet totalement ordurier et qui sort de tout contexte. Et là, on s’est dit qu’on ne pouvait pas laisser passer vu la gravité des accusations."
Voilà pourquoi Raphaël Enthoven va comparaître devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris, spécialisée dans les délits de presse et les affaires d’opinions et de liberté d’expression. Ce qui réjouit presque Richard Malka, son avocat, qui entend bien transformer le prétoire en arène politique et philosophique.
"Evidemment, me semble-t-il, que l’on peut interroger l’antisémitisme d’un parti qui diffuse des affiches tout droit sorties du IIIe Reich", lance-t-il au micro de BFMTV. Une référence à la polémique qui a suivi la publication au printemps, par les insoumis, d'un visuel ciblant l'animateur Cyril Hanouna et reprenant les codes de certaines affiches antisémites des années 30. Jean-Luc Mélenchon avait alors assuré que les Insoumis n'avaient pas connaissance de ces codes.
Une audience qui s'annonce longue
Ce procès se tient dans un contexte d'accusations en ambiguïtés régulièrement formulées par les contempteurs des Insoumis depuis les attaques du Hamas du 7 octobre 2023. Le député Jérôme Guedj, qui fut longtemps un très proche de Jean-Luc Mélenchon mais a rompu avec LFI après les attaques du 7-Octobre, a notamment qualifié en juin au congrès du PS le triple candidat malheureux à la présidentielle de "salopard antisémite". LFI avait réclamé des excuses du PS pour des "propos inacceptables".
"On est dans un pays qui s’appelle la France où on peut critiquer les partis politiques. C’est extrêmement inquiétant qu’un parti cherche à empêcher la mise en cause de son programme…", affirme Richard Malka.
Reste à savoir si le tribunal de Paris considérera que le terme "antisémite" est une injure qui a pour but de "jeter le discrédit" ou, au contraire, une simple opinion politique au sens strict du terme.
Il peut en tout cas s’attendre à une audience longue. Richard Malka annonce venir avec un grand nombre d’exemples à l’appui de sa démonstration, une volonté de plaider longuement et a fait citer trois témoins, dont un historien, pour faire reconnaître l’innocence de son client. La décision devrait être mise en délibéré.