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"Quelque chose de très préparé": pourquoi le revirement de Nordahl Lelandais interroge

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Nordahl Lelandais a surpris en changeant de version au neuvième jour de son procès pour meurtre. Un revirement calculé, estime un avocat des parties civiles.

Revirement au procès Lelandais. Vendredi soir, l'ancien maître chien Nordahl Lelandais a reconnu pour la première fois avoir tué "volontairement" la petite Maëlys, ne parlant donc plus cette fois d'accident, lors de son procès pour le meurtre de la jeune fille de 9 ans. "Je reconnais l’intégralité des faits qui me sont reprochés", a déclaré Lelandais. Ce changement de version peut surprendre, mais pourrait avoir été organisé à l'avance avec sa défense.

A "la manière dont ça a été amené", "ça a donné l'impression de quelque chose de très préparé", assure Yves Crespin, avocat de l'association l'Enfant bleu, porté partie civile au procès auprès de BFMTV.

Les aveux de Nordahl Lelandais sont intervenus après plus de cinq heures d'interrogatoire de la part de son avocat Me Alain Jakubowicz. De longs échanges avec les parties civiles et avec la présidente de la cour avaient également eu lieu auparavant, mais n'avaient rien donné.

"Je me dis très clairement que Nordahl Lelandais n'est pas au clair avec ce qu'il s'est passé le soir de la mort de Maëlys de Araujo", avait pour sa part noté vendredi sur BFMTV Fabien Rajon, l'avocat de la mère de la petite fille.

"La moindre des choses qu'il pouvait faire"

Ces aveux, qui constituent un pas en avant dans le cadre du procès, font contraste avec les propos tenus jusqu'à présent par Nordahl Lelandais qui parlait d'un accident. Mais cette thèse ne tenait pas, selon les enquêteurs.

Les investigations ont en effet apporté des "éléments incontestables" concernant les circonstances de la mort de la fillette, selon Yves Crespin. L'enlèvement et le meurtre de Maëlys par Lelandais? "Tout le monde en était convaincu. (Les aveux de Lelandais) ne faisaient que conforter ce qui était dans le dossier", assure l'avocat des parties civiles. C'était "la moindre des choses qu'il pouvait faire".

Pour Marjorie Sueur, experte criminologue, psychologue clinicienne, si les déclarations de Lelandais ont "sûrement été préparées par la défense", la tenacité de la présidente de la cour d'Isère a cependant certainement aussi contribué à obtenir ces aveux.

"Il a été acculé par la présidente qui n’a rien lâché", a-t-elle assuré sur BFMTV. "Quand il est agacé, on a tendance à voir un Nordahl Lelandais qui craquèle un petit peu le visage qu’il donne habituellement", précise-t-elle.

Les soupçons d'agression sexuelle: "l'ultime tabou"

L'ancien maître chien n'a en revanche pas changé de version concernant les soupçons de viols ou d'agressions sexuelles sur la jeune fille, niant catégoriquement tout mobile sexuel. Et pas de risque que ça change pour Yves Crespin.

"S'il reconnaissait le viol de Maëlys (en plus du meurtre), ce n'est pas la perpétuité qu'il risquerait, c'est la perpétuité réelle", empêchant donc toute libération possible au-delà de la période de sûreté, avance l'avocat. Il était donc question, selon lui, de "limiter la portée des aveux" de Lelandais.

"C'est vraiment l'ultime tabou", appuie Aude Bariéty, journaliste et autrice de "Nordahl Lelandais, Du procès Noyer au procès Maëlys" qui rappelle qu'il n'existe aucune "preuve matérielle" permettant de valider ou d'invalider la possibilité d'abus sexuels sur Maëlys.

Le corps de la petite fille a en effet été retrouvé seulement 6 mois après sa mort, abandonné dans la nature, dans un état rendant toute conclusion sur ce plan impossible.

L'accusé n'est d'ailleurs pas renvoyé devant la cour pour des faits de cette nature concernant Maëlys. Il l'est revanche pour des faits d'agression sexuelle sur ses petites cousines. Ces actes, documentés par des vidéos, ont été reconnus par Nordahl Lelandais.

Des questions en suspens

Si ces aveux constituent une "étape importante pour les familles", selon Marjorie Sueur, ils ne peuvent pas satisfaire les parties civiles. "La famille ne veut pas (de ses excuses). Elle veut qu'il assume totalement ses actes", assure-t-elle, faisant référence notamment aux soupçons de violences sexuelles.

De nombreuses questions restent aujourd'hui encore en suspens, concernant les derniers moments de Maëlys, mais aussi concernant un téléphone portable, brusquement détruit par Lelandais juste après sa première garde à vue et qui aurait pu contenir des vidéos de Maëlys.

"Est-ce qu’il va encore nous surprendre en allant jusqu’au bout de sa vérité ou est-ce qu’il va rester sur les dires?", s'interroge Marjorie Sueur à propos de la suite du procès. Mais pour Yves Crespin, Lelandais "est allé au bout de ce qu'il était possible pour lui de reconnaître".

Le procès reprendra lundi avec l'espoir pour les parties civiles de pouvoir revenir sur ces aveux. Les experts psychiatres doivent ensuite être entendus sur la personnalité de l'accusé. Nordahl Lelandais encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Juliette Desmonceaux