"Quand il leur arrive quelque chose, il n'y a plus personne": nouvelles cibles de home-jackings, les influenceurs livrés à eux-mêmes

L'influenceuse Soraya Riffy a été victime d'un violent home-jacking à Marseille vendredi 7 juillet - BFMTV
Pendant deux heures, elle a été l'objet d'un déferlement de violences à son domicile. Soraya Riffy, influenceuse de 30 ans suivie par un million d'abonnés sur Instagram, a été victime d'un home-jacking, vendredi 4 juillet au soir, chez elle à Marseille. À cette occasion, pendant deux heures, la jeune femme a raconté avoir été ligotée, frappée et menacée par deux personnes qui se sont introduites dans son appartement. Elle affirme également avoir été violée par ses agresseurs.
"J'ai été une boucherie pendant une heure et demi, c'est horrible", a témoigné auprès de BFMTV Soraya Riffy, qui a déposé plainte pour "vol avec violence" et "viol". "Je ne veux plus toucher à mes réseaux sociaux, je ne veux plus me montrer, je ne suis pas bien."
Après Just Riadh, victime d'un home-jacking en 2024, ou encore Inoxtag, qui a affirmé avoir été la cible d'un cambriolage et d'une tentative l'an dernier également, Soraya Riffy s'inscrit dans une liste de créateurs de contenus pris pour cibles par les malfaiteurs.
Ces personnalités exposent-elles trop leurs biens sur les réseaux sociaux? Pour Me Tom Michel, l'avocat de l'influenceuse, dire cela revient à éluder une partie du problème.
"Certains, comme Soraya, ne montrent pas ce qu'ils possèdent. C'est plutôt un fantasme. Ce sont des personnalités dont on pense qu'elles sont milliardaires", indique-t-il à BFMTV.com.
Parfois suivis par plusieurs millions de personnes sur leurs réseaux, ces influenceurs "ont une proximité énorme avec leur public, donc ils sont traqués en permanence", poursuit Me Tom Michel. "Beaucoup sont pris en photo et cela crée un risque pour eux lorsque l'on parvient à identifier leur lieu de vie."
"Pas de protections spécifiques"
Alors qu'une réflexion a été engagée au gouvernement à la suite d'une série d'enlèvements et de tentatives d'enlèvements de patrons de la cryptomonnaie ces derniers mois, la situation des influenceurs semble peu intéresser au niveau politique. "À chaque fait divers, on voit des réactions politiques affluer. Pour Soraya Riffy, rien, pas même au niveau local... Ils sont traqués toute la journée par les pouvoirs publics, et quand il leur arrive quelque chose, il n'y a plus personne", estime son avocat. "Le problème de leur sécurisation n'est pas du tout pris en compte."
Pour Me Jonathan Pouget, avocat à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), un "vide juridique" existe autour des risques qu'encourent les créateurs de contenus: "Contrairement aux personnalités politiques ou aux agents de l’État, les influenceurs ne disposent d’aucun régime de protection spécifique malgré une exposition médiatique massive et des risques croissants", détaille-t-il auprès de BFMTV.com.
"Il n'existe pas de traitement privilégié pour ces victimes. Qu'importe leur notoriété ou leur métier, toutes les victimes sont prises en charge de la même manière", confirme Agathe Foucault, porte-parole de la police nationale.
Selon les deux avocats, les créateurs de contenus victimes de ce type de cambriolages ont peu de recours face à ces menaces. Ils peuvent demander une protection rapprochée au préfet, mais celle-ci "est rarement accordée", seulement "lorsqu'il existe des menaces précises, graves et avérées". Lorsqu'une procédure pénale est en cours, ils peuvent parfois bénéficier de protections judiciaires. Mais encore faut-il que les faits soient jugés assez graves, c'est-à-dire pour des faits passibles d'au moins trois ans d'emprisonnement.
"En France, le système de protection repose sur une logique réactive: les mesures de protection policières ou judiciaires sont principalement mises en place après qu’un danger ou une agression ont eu lieu", commente encore Me Jonathan Pouget.
Des malfaiteurs jeunes, habitués des réseaux sociaux
Du côté des autorités, les messages de prévention sont, là encore, les mêmes que pour tout particulier. "Notre message s'adresse à tout le monde, que l'on soit influenceur ou boulanger", explique Agathe Foucauld. À savoir: éviter au maximum d'exposer ce que l'on possède et où l'on vit sur les réseaux sociaux.
"Forcément, quand on s'expose avec des bijoux ou de la maroquinerie de luxe, on attise la convoitise de certains auteurs", poursuit la porte-parole de la police nationale. Elle ajoute que ces cambrioleurs sont souvent très jeunes, parfois mineurs, et sont donc particulièrement exposés à ce qu'ils voient sur les réseaux sociaux.
"On conseille de limiter la publicité sur les objets qu'ils détiennent... En sachant que ce message n'est peut-être pas forcément audible pour les influenceurs, puisqu'ils vivent de ça", admet Agathe Foucault.
Des solutions du côté de la sécurité privée
En l'absence de réaction des pouvoirs publics, une solution s'impose à ces personnalités ultra-connectées: avoir recours à des sociétés de sécurité privées. "Les influenceurs sont à la croisée des personnes normales et des stars, donc elles n'ont pas le réflexe de faire appel à ces sociétés privées", indique Me Tom Michel, qui représente plusieurs créateurs de contenus.
"On leur recommande de dédier une part de leur budget à cette sécurité privée. C'est-à-dire prendre un garde du corps, installer des caméras de vidéoprotection, installer des applications qui permettent de les localiser en temps réel...", précise l'avocat. "Cela représente un coût important, mais reste l’un des rares moyens de protection préventive en l’absence d’intervention de l’État", abonde Me Jonathan Pouget.
Le cambriolage de Kim Kardashian en pleine Fashion Week à Paris en 2016 a à ce titre marqué un tournant pour les influenceurs. Après avoir été ligotée dans sa chambre d'hôtel par des malfaiteurs qui lui ont dérobé plusieurs millions de bijoux, la milliardaire a pris plusieurs dispositions pour mieux se protéger. Lors du procès de ses braqueurs, en mai dernier, l'influenceuse avait notamment raconté qu'elle ne postait plus en temps réel sur ses réseaux sociaux, afin de donner le moins d'indications possibles sur sa localisation à des personnes mal intentionnées.
À son image, cela fait déjà plusieurs années que des influenceurs français ont également pris ces habitudes. Certains ne tournent plus de contenus à leur domicile, mais dans des studios loués pour l'occasion. Mais ces solutions ne sont pas suffisantes pour Me Tom Michel, qui appelle l'État à se saisir de cette problématique. "Les influenceurs ont de bonnes raisons de se sentir seuls. Nous demandons à ce que les pouvoirs publics s'emparent de cette question de leur sécurisation."
Selon les chiffres de la police nationale, on recense 200.000 à 220.000 vols avec effraction chaque année. Parmi eux, environ 500 sont des vols à main armée commis au domicile, avec usage de la violence, quel que soit le statut de la victime.