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Procès

Policiers devant l'Élysée, commissariat... Cinq hommes qui projetaient un attentat jugés à partir de ce lundi

L'une des cibles évoquées étaient des policiers en faction devant l'Elysée. (Image d'illustration)

L'une des cibles évoquées étaient des policiers en faction devant l'Elysée. (Image d'illustration) - Bertrand Guay

Cinq hommes comparaissent à partir de ce lundi devant la cour d'assises spéciale des mineurs pour un projet d'attentat visant l'Elysée en 2019. Des repérages d'autres lieux avaient été effectués.

En garde à vue, puis pendant les trois années qu'a duré l'instruction, ils n'ont jamais caché leur adhésion à l'idéologie islamiste radicale. Un commissariat, une église le samedi ou le dimanche pour faire un maximum de victimes ou encore les forces de l'ordre qui surveillent l'Élysée... autant de cibles évoquées sur les réseaux sociaux par cette cellule qui projetait de commettre un attentat en 2019 et pour lequel elle avait déjà fait des repérages.

Cinq hommes comparaissent à partir de ce lundi à Paris devant la cour d'assises spéciale des mineurs pour "association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteinte aux personnes". Une audience qui se tiendra à huis clos en raison de l'âge de l'un des accusés, mineur au moment des faits qui lui sont reprochés.

Cyberinfiltration et infiltration

En février 2019, sur la base de renseignements, la DGSI lançait une opération de cyberinfiltration puis d'infiltration physique. Au cœur de cette enquête, Alexandre B., 43 ans aujourd'hui, repéré sur les réseaux sociaux où il partage de nombreux contenus en faveur de l'organisation État islamique. Sur Telegram, il diffuse des vidéos d'exécutions ou d'égorgement. Il est aussi très actif pour rechercher des armes. Son but: s'en prendre principalement aux forces de l'ordre. "Au pire, la victoire ou le martyr", lâche-t-il dans un groupe de discussion sur la messagerie cryptée.

"Abou Mohamed", pseudonyme utilisé par l'agent cyberinfiltré, laisse rapidement place à "Abou Bakr", agent chargé de rencontrer physiquement Alexandre B. Ce qu'il va faire à sept reprises. Au cours de ses rendez-vous, des repérages sont réalisés au commissariat d'Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. L'agent infiltré fait la connaissance de Karim B., jugé lui aussi à partir de lundi - et de M., âgé de seulement 17 ans et déjà condamné pour avoir tenté de rejoindre la Syrie. Tous affichent leur volonté de passer à l'acte.

Le 4 avril 2019, la cellule évoque son intention de s'en prendre aux policiers en faction devant l'Élysée pendant la période du ramadan. "Il nous faut un grand nombre de munitions pour faire du sale, pas juste deux chargeurs", assume Alexandre B. dans un échange Telegram. "Une équipe dans chaque bout de la rue de l'Élysée. Comme ça, on les prend en tenailles", rétorque Karim B.

Une "victoire silencieuse" pour le Premier ministre

Les discussions se concentrent aussi sur le financement du projet et l'achat d'armes. L'agent infiltré disait fournir 800 euros, pour, selon l'accusation, ne pas éveiller les soupçons. Avec la cagnotte composée, "Abu Bakr" disait avoir fait l'acquisition de deux Kalachnikov, deux armes démilitarisées et mises à disposition de l'enquête par le service interministériel d'assistance technique, en charge de la préparation et de la réalisation des opérations d'infiltration.

Le 26 avril 2019, Alexandre B. et Karim B. sont interpellés alors qu'ils sortaient de l'appartement dans lequel l'agent infiltré avait entreposé les armes dans le Xe arrondissement de Paris. Le mineur M. est lui aussi arrêté le même jour, tout comme Anis M., accusé d'avoir fourni de l'argent pour acquérir des armes. En juillet, Movsar M., cinquième accusé à être jugé, considéré comme radicalisé, était interpellé.

À l'annonce de ce qui est qualifié de projet d'attentat déjoué, le Premier ministre d'alors salue une "victoire silencieuse" contre le jihadisme dans une France encore meurtrie par les attaques de ces dernières années.

"Leur vision radicale de l'islam, pour ne pas dire leur fanatisme, les a ainsi conduits à élaborer de leur propre initiative et de manière très opérationnelle un projet de passage à l'acte violent (...)", concluent les juges dans l'ordonnance de mise en accusation.

"Déloyauté" des enquêteurs

Une vision qui n'est pas partagée par la défense, qui a dénoncé lors de l'instruction la "déloyauté" des enquêteurs cyberinfiltrés et infiltrés qui, selon les avocats, n'ont pas seulement provoqué la preuve, comme la loi les y autorise, mais aussi provoqué l'infraction. Au cours de l'instruction, une requête avait été déposée pour faire annuler cette procédure, mais la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris y avait répondu défavorablement.

Pendant le procès va se reposer la question de cette limite à ne pas franchir dans la recherche de la preuve. Repérages, achat d'armes... La matérialité dans la préparation d'une attaque aurait-elle été celle que l'on retrouve aujourd'hui dans le dossier qui sera examiné par la cour d'assises spéciale pour mineurs? "La gravité des faits doit être regardée à l'aune des mesures prises pendant l'infiltration", estime Me Marc Bailly, l'avocat de M., mineur au moment des faits.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV