Procès des attentats du 13-Novembre: face à l'absence de réponses, la grande frustration des victimes

Le procès des attenatts du 13-Novembre doit se tenir jusqu'en juin. - Alain Jocard
Olivier Laplaud devait assister ce vendredi à la 95e journée du procès des attentats du 13-Novembre, mais le besoin de prendre un peu de distance était nécessaire. Après une nouvelle semaine éprouvante, marquée par les provocations de Salah Abdeslam, pour certaines parties civiles, comme pour le vice-président de l'association de victimes Life for Paris, une certaine lassitude se fait ressentir.
"Nous sommes nombreux à ressentir une véritable lassitude, de la frustration par rapport à ce que ces dernières semaines ont apporté comme réponses aux questions que se posent les parties civiles", précise Olivier Laplaud, rescapé du Bataclan.
Un besoin de prendre ses distances
Mardi, "la tension s'est électrifiée et ça a fini par exploser", résume Philippe Duperron, président de l'association 13Onze15. La journée était à nouveau particulièrement suivie alors que Salah Abdeslam, le seul terroriste du commando encore en vie, était interrogé sur les préparatifs des attentats. Niant sa participation à certains faits qui lui sont reprochés, minimisant d'autres, assurant ne pas avoir été au courant du projet, frôlant à plusieurs reprises l'insolence, il avait fini par provoquer en lançant: "Vous avez bousillé ma vie".
"On savait que quand lui parlerait, ce serait dur, estime Sophie Parra, rescapée du Bataclan, qui ne cite pas le nom de Salah Abdeslam. Si ça s'était passé au début du procès, cela aurait été moins grave, moins marquant, mais après six mois de procès, nous sommes fatigués."
"De plus en plus de parties civiles prennent leurs distances, même si nous sommes toujours tiraillés entre le besoin d'en savoir toujours plus et le besoin de se préserver", reconnaît Olivier Laplaud. C'est le cas d'Arthur Dénouveaux, le président de l'association Life for Paris, qui a annoncé se retirer "pendant quelques semaines". "Il n'est vraiment pas le seul, il faut s'économiser un peu", commente son ami.
Absence de réponses
Interruption du procès à plusieurs reprises en raison du Covid, multiplication et répétition des questions par des avocats, la lassitude des victimes s'explique aussi par l'attitude des accusés, entre droit au silence, dénégation et provocation. "Ce qu'on veut, ce sont de vraies réponses, insiste Sophie Parra. Même si on n'attendait rien d'eux, on espère quand même, ça reste décevant. Ils vont être condamnés, oui, mais on n'aura pas de réponses." La jeune femme décrit "un état de détresse impressionnant" réveillé par ces semaines de procès.
À cela s'ajoute l'organisation du procès. La cour d'assises spéciale a fait le choix de découper les séquences et d'interroger accusés et enquêteurs par période. À ce jour, les faits du 13 novembre 2015 n'ont pas encore été abordés. "On approche des faits, on est tous sur les nerfs", reconnaît Sophie Parra. L'association Life for Paris et ses adhérents réclament que la cour diffuse des enregistrements sonores et des images de la tuerie du Bataclan, comme ça a été le cas pour les attaques des terrasses. "Une certaine manière" pour eux "d'avoir des réponses là où les accusés n'en donnent pas".
"Le procès est séquencé mais est-ce qu'il aurait fallu faire autrement?, nuance Philippe Duperron. Compte tenu des faits, du nombre de témoins, d'enquêteurs, l'important c'est que le procès suit son cours."
Starification d'Abdeslam
Pour ce père de famille, qui a perdu son fils Thomas au Bataclan, il ne faut rien attendre des accusés, dont il le rappelle, c'est avant-tout le procès. "Les accusés n'ont pas vocation à faire des déclarations qui plaisent aux parties civiles, aux avocats des parties civiles ou à la cour", rappelle le président de l'association 13Onze15, qui souhaiterait que certains avocats de la défense se désolidarisent "sur la forme" de leur client pour les appeler à "plus de maîtrise et plus de respect" alors que les débats sont appelés à durer jusqu'en juin.
"Sur le fond, nous avons toujours dit que ceux-là n'avaient pas d'intérêt à parler car ils pensent, comme le dit Mohamed Bakkali (soupçonné d'être un des logisticiens des attentats, NDLR), que ce qu'ils diront ne modifiera pas l'idée que se font d'eux les parties civiles et la cour. Il ne faut donc rien attendre sur ce plan. Mieux vaut se préparer à leur silence, préférable à des déclarations fantaisistes et provocatrices telles que celles de Salah Abdeslam."
Accusé le plus exposé et le plus loquace, Salah Abdeslam attire autant les médias que les parties civiles à chacun de ses interrogatoires. "Pourquoi c'est toujours lui qu'on starifie, s'agace Sophie Parra. C'est une double peine pour les victimes." Après avoir adopté une attitude correcte, polie, le seul terroriste encore en vie des commando du 13-Novembre fait preuve d'insolence voire d'arrogance. "Il faut le laisser à sa place d'accusé parmi les 11 dans le box et les trois jugés libre", en appelle Philippe Duperron, pour que "le procès avance".