Plus grands escrocs de l'Histoire: Hans Van Meegeren, le faussaire aux doigts d'or

Cette toile est la première "création" de Van Meegeren, qui l'a faite passer pour un Vermeer. - Rotterdam.info - BFMTV.com
Hans Van Meegeren grandit dans les années 1920 en Hollande, dans une famille rigoriste et dénuée de fantaisie. Cancre à l’école, le garçon, sensible et fragile, n’a de goût que pour le dessin, ce qui horrifie ses parents. Faisant fi de leur avis, l’adolescent décide de se lancer dans des études d’art, et devient un peintre doué à l’âge adulte, estimé dans la bonne société.
Pourtant, malgré sa popularité croissante parmi les notables qui le sollicitent pour des portraits d’intérieur, Hans Van Meegeren laisse les critiques d’art indifférents. Ces plumes qui font et défont les destins des artistes le rendent furieux. Un jour, il décide de se venger et fomente ce qui deviendra la plus grande escroquerie de l'Histoire de l'art.
Craquelures et poussière d'époque
Il jette son dévolu sur Vermeer, génie du 17e siècle, dont on ne connaît à l'époque qu’une vingtaine de tableaux profanes. Hans Van Meegeren décide alors qu’il va “inventer” la peinture religieuse que le grand maître aurait pu faire de son vivant: il ne va pas copier du Vermeer, mais créer du Vermeer. Durant plusieurs années, il peaufine sa technique pour l’imiter à la perfection: choix de la toile et des pigments, usure du temps, craquelures de la peinture, et même poussière dans les interstices… Le faussaire a une ambition folle.
Loin de vouloir devenir riche, Hans Van Meegeren n’a qu’un objectif en tête à ce moment-là: prouver au monde entier le caractère ignare des critiques d’art, et étaler son propre génie. Il a bien l’intention de révéler le subterfuge une fois le piège refermé sur eux. Son premier chef-d’oeuvre terminé, Les Disciples d’Emmaüs, il fait appel à un intermédiaire qui présente “l’oeuvre” inédite de Vermeer à un critique renommé, Bredius.
Des "créations" de maître en série
L'homme brode l'histoire farfelue d’une héritière qui veut se défaire de la collection familiale après un revers de fortune. Le critique d’art est subjugué: il a devant lui une toile sensationnelle et jusqu'alors inconnue du grand maître. Il l’authentifie sur le champ, et la peinture se retrouve sur le marché, pour 2.400.000 francs de l’époque. Hans Van Meegeren exulte. Il essaye alors de ridiculiser le critique d’art, en mettant en doute l’authenticité de la toile, mais personne ne le suit: pourquoi vouloir saboter cette merveilleuse découverte artistique?
Las, Hans Van Meegeren décide de continuer ses pastiches, et se lance dans de nouvelles “créations” de Vermeer et d’autres maîtres néerlandais. La fortune lui sourit, et le peintre devient rapidement très riche. En 1939, l’un de ses intermédiaires commet pourtant une erreur: il vend un “Vermeer” au maréchal nazi Göring, féru d’art. Van Meegeren est en colère, mais empoche tout de même une partie de la transaction.
Une vérité aussi insensée que peu crédible
Arrive l’heure de la Libération et avec elle, celle des procès pour collaboration. Les tableaux de Göring sont découverts, et les enquêteurs remontent la trace de chaque tableau... y compris celle du faux Vermeer. Le 29 mai 1945, Van Meegeren, dont la supercherie n’est toujours pas connue, est arrêté. Alors qu'il risque la peine de mort, il prend la décision de dire la vérité.
Le 12 juillet 1945, le fantastique faussaire hurle aux enquêteurs: “Ce Vermeer est un faux! C’est moi qui l’ai créé et qui l’ai peint, comme d’autres toiles de lui!” Les policiers tombent des nues. Sceptiques, ils exigent de lui qu'il reproduise le miracle, et lui fournissent une toile dans sa cellule. Le détenu s’exécute avec brio. L'histoire fait grand fracas, et il devient une célébrité mondiale.
En 1947, lors de son procès, Van Meegeren accuse le marché de l’art d’être un milieu de dupes. Gênée, la justice expédie l’audience, suivie par une nuée de journalistes, en une courte journée. Les accusations de collaboration tombent, mais le génie est condamné à un an de prison pour ses faux. Un mois plus tard, à peine célèbre et reconnu pour son talent, il meurt, terrassé par une crise cardiaque.
"Les plus grands escrocs de l'Histoire" de Pierre Lunel, Ed. First, 317 pages, 17,95 euros.
