Pédophilie: un prêtre lyonnais avoue, le silence de l'église dénoncé

L'église du couvent des Petites-Soeurs de Saint-Joseph de Montgay à Fontaine-sur-Saône - Philippe Desmazes - AFP
Alors que sort le film Spotlight sur les scandales pédophiles qui ont ébranlé l'église de Boston, un prêtre lyonnais soupçonné d'agressions sexuelles sur des mineurs de moins de 15 ans a été mis en examen mercredi et placé sous contrôle judiciaire. La fin d'un silence de 25 ans autour de cette affaire qui s'étale du début des années 1970 à 1991, mais pour laquelle seules quatre plaintes allant de 1986 à 1991 ont été retenues.
Le père Bernard Peyrat, aujourd'hui âgé d'environ 70 ans, a reconnu les faits à la suite des dépôts de plaintes effectués au mois de mai 2015 par des anciens scouts du groupe indépendant Saint-Luc. Une structure qui a pu accueillir jusqu'à 400 adolescents à une époque.
Vers un procès canonique?
Doyen de plusieurs paroisses dans la région de Roanne jusqu'en août dernier, réputé "charismatique" et "autoritaire", le prêtre avait été relevé de ses responsabilités pastorales et interdit de tout contact avec des mineurs par le diocèse de Lyon fin août 2015. Le diocèse avait ensuite avancé l'hypothèse d'un procès canonique "à l'issue de la procédure civile, selon les règles prévues par l'Eglise".
Problème, selon son avocat, le religieux qui résidait au couvent des Petites-Soeurs de Saint-Joseph de Montgay à Fontaine-sur-Saône, dans la banlieue lyonnaise, a expliqué au juge "que les faits étaient connus par les autorités ecclésiastiques depuis 1991". "Il m'a tout de suite reconnu et avait gardé une mémoire très précise des faits et des lieux", a confirmé au Parisien une victime confrontée à son bourreau par les enquêteurs. Mais au-delà du prêtre, c'est la gestion par l'Eglise de l'affaire qui est mise en cause par plusieurs plaignants.
"J'ai tout fait pour mettre des distances"
Rassemblés au sein d'une association, "La Parole Libérée", ces ex-scouts de Saint-Luc, pour la plupart aujourd'hui quadragénaires, veulent "rompre l'omerta". Ils critiquent en particulier le maintien jusqu'en 2015 du prêtre au contact d'enfants, après qu'il avait pourtant été écarté du groupe Saint-Luc en 1991, à la suite d'un signalement d'une famille au cardinal Albert Decourtray, alors Primat des Gaules.
A l'époque, l'affaire avait alimenté les rumeurs et les spéculations, sans déboucher sur une saisine de la justice. L'association a publié sur son site internet de nombreux témoignages, ainsi qu'un échange épistolaire avec le cardinal Decourtray et une lettre du prêtre mis en cause, adressée au père d'une victime en 1991:
"Je n'ai jamais nié les faits qui me sont reprochés. Ils sont pour moi une blessure profonde dans mon coeur de prêtre", peut-on lire dans ce courrier manuscrit et signé. "Je vous jure que depuis la rentrée de septembre il ne s'est absolument rien passé entre moi et les enfants. Au contraire, j'ai tout fait pour mettre des distances."
Le diocèse de Lyon a-t-il minimisé un témoignage?
Le diocèse de Lyon, dans un communiqué publié il y a deux semaines, avait jugé qu'il était pourtant "impossible de connaître précisément les éléments dont disposait Mgr Decourtray (décédé en septembre 1994)".
Le cardinal Barbarin, en tête de cortège des anti-mariages pour tous en 2012, "a reçu les premiers témoignages au sujet de ce prêtre à l'été 2014: il a donc demandé que soit conduite une enquête, avant de prendre l'avis de la congrégation pour la doctrine de la foi. C'est à l'issue de cette enquête et de cet avis, et quoique les faits reprochés soient anciens, qu'il a décidé de lui retirer toute forme de ministère au 18 mai 2015", avait ajouté le diocèse.
L'association conteste en partie cette version en affirmant qu'une ex-victime, prénommée Laurent, s'était manifestée auprès du diocèse dès 2011. Son témoignage est entre les mains de la justice, avant un éventuel procès à venir pour, une dernière fois, libérer la parole de ces adolescents devenus des hommes.