Paraplégique après avoir été défenestrée par son mari, elle se voit refuser la totalité de ses indemnités

Véhicule de pompiers (illustration) - AFP
"Considérer qu'une femme est responsable, même partiellement, même administrativement des violences qu'elle subit va à l'encontre de tout le travail de conviction que nous menons". Jeudi, la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa s'est dite profondément "choquée" par la décision du fonds d'indemnisation des victimes qui a refusé à une femme qui avait subi des violences conjugales la totalité de ses indemnités, considérant qu'elle est partiellement responsable de ce qui lui est arrivé.
L'affaire, révélée par Le Maine libre, remonte au 24 août 2013: des policiers intervenus dans l'appartement d'Aïda (le prénom a été changé) et de son compagnon, qui avait agressé un ami commun, conseillent à la jeune femme, âgée alors de 25 ans, de ne pas dormir chez elle. Selon ses avocats, Aïda envisage alors de se rendre dans sa famille à Alençon, mais il est trop tard pour prendre le train. Elle appelle le 115 et envoie des textos à des amis, en vain, et revient finalement chez elle.
"Aïda subissait des violences habituelles, qui n'avaient pas donné lieu à hospitalisation, mais ce soir-là, il ne l'avait pas violentée", a précisé son avocat Me Mathias Jarry.
A son retour, le compagnon d'Aïda s'en prend à elle. Alertée dans la nuit par des voisins, la police la découvre gisant au pied de l'immeuble: l'homme venait de la jeter par la fenêtre, inconsciente, du deuxième étage. Alors que la jeune femme est aujourd'hui paraplégique, son agresseur a été condamné à 15 ans de prison. Dans son arrêt civil de juin 2016, la cour d'assises a par ailleurs fixé la provision pour l'indemnisation de la victime à 90.000 euros.
Partage de responsabilités
Les avocats de la jeune femme saisissent alors la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi) pour que l'Etat, via le Fonds de garantie des victimes (FGTI), verse cette provision pour financer les conséquences du handicap. Mais le Fonds propose une indemnisation partielle, estimant "qu'il y a partage de responsabilités" car Aîda a commis une faute civile en retournant ce soir-là à son domicile, malgré les conseils de la police.
Jugeant cette position "aberrante", les avocats saisissent la Civi, qui siège auprès de chaque tribunal. Le 13 février 2018, elle retient également le partage de responsabilités et propose de verser 67.500 euros. Dans ses conclusions rendues fin novembre, l'avocat général de la cour d'appel d'Angers a confirmé la faute partagée de la victime et demandé une provision encore réduite.
"Ce qui nous a choqués, c'est qu'il a écrit le mot victime entre guillemets, comme si notre cliente n'était pas une vraie victime", dénonce Me Jarry. "La position du Fonds de garantie est très choquante", a réagi Me Dodin. "Il n'y a pas de jurisprudence sur la question et aucune Civi n'a encore jamais eu l'audace de retenir la faute d'une victime de violences conjugales".
Les deux avocats ont fait appel et une audience se tiendra le 27 mai 2019.