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Police-Justice

Meurtre de Me Sollacaro: «Pour tous les avocats, c’est gravissime»

La police scientifique analyse la voiture criblée de balle de Me Sollacaro après son assassinat près d'Ajaccio.

La police scientifique analyse la voiture criblée de balle de Me Sollacaro après son assassinat près d'Ajaccio. - -

L’assassinat mardi en Corse de Maître Sollacaro, l’avocat d’Yvan Colonna, pour un motif encore inconnu, a provoqué de nombreuses réactions dans le milieu de la justice. « Sollacaro, c’est d’abord un grand avocat. Assassiner un avocat, c’est sacrilège », raconte un de ses confrères.

Un avocat exécuté, cela ne s'était pas produit en France depuis 20 ans. Mardi matin, Antoine Sollacaro a été tué d'une dizaine de balles de gros calibre, dont plusieurs tirées dans la tête, au volant de sa Porsche noire, dans une station-service d'Ajaccio, en Corse. A 63 ans il était un ténor du barreau Corse, l'un des plus connus, et des plus reconnus par ses confrères. Il avait notamment assuré la défense d'Yvan Colonna, condamné à la prison à perpétuité pour l'assassinat, du préfet Erignac en 1998.
Aucune piste n'est privilégiée par les enquêteurs, même si « le mode opératoire fait penser de façon évidente à un règlement de comptes » a dit le procureur d'Ajaccio, Xavier Bonhomme. Le procureur a indiqué que les enquêteurs exploitaient les enregistrements de deux caméras de surveillance installées dans la station-service. Une autopsie sera pratiquée ce mercredi. Tué de 9 balles de pistolet automatique par un tueur casqué accompagné de son pilote, il a pu être victime de son engagement auprès des nationalistes, du banditisme corse (deux de ses clients, membres d'une société de sécurité impliquée dans un affaire de fraude aux marchés publics ont été assassinés dernièrement), ou encore une affaire privée, puisque Antoine Sollacaro avait depuis peu diversifié ses activités dans l'immobilier de la région de Porto-Vecchio.

« Une tradition importante de vendetta »

Le décès d'Antoine Sollacaro est le 15è sur l'île depuis janvier, ce qui fait de la Corse la région la plus criminogène d'Europe ramenée aux nombres d'habitants. Selon Frédéric Ploquin, spécialiste des questions corses, « on observe encore plusieurs passerelles entre d’un côté les nationalistes armés et les gangsters de l’autre. Et on a une tradition importante de vendetta, d’élimination. Depuis toujours dans l’île, on règle les problèmes comme ça ».

« Jusqu’à présent, notre robe d’avocat nous protégeait »

« Quand un avocat est victime d'une agression, c'est la justice toute entière qui est touchée », a réagi la garde des Sceaux, Christiane Taubira. Maître Jérôme Gavaudan, le bâtonnier du barreau de Marseille, parle même de « sacrilège ». « Sollacaro, c’est d’abord un grand avocat ! Un avocat courageux, talentueux, qui défendait avec grandeur ses clients, explique-t-il. Après, on pouvait ne pas être d’accord, il pouvait y avoir des engagements. Et ce n’est pas une question de Corse ou pas Corse, mais la question, c’est qu’assassiner un avocat, sans doute parce qu’il a défendu dans un sens ou un autre, c’est vraiment sacrilège. Jusqu’à présent, notre robe nous protégeait. Pour tous les avocats, de Corse et d’ailleurs, c’est gravissime ».

« Un métier qui nous expose, par définition, à des risques »

Le président de la Conférence des bâtonniers de France, Jean-Luc Forget, va même plus loin. Si le métier était épargné jusqu’à aujourd’hui, les choses sont en train de changer. « Je crois que c’est un métier qui nous expose par définition à des risques à partir du moment où des gens n’arrivent pas à mesurer la différence qu’il y a entre notre fonction et ceux que nous défendons, raconte-t-il. Nous ne sommes pas assimilables avec nos clients. Nous défendons tous les hommes, dans quelque situation qu’ils soient. Cela nous place dans des situations de risque, de tension permanente. Je n’arrive pas à vous dire que c’est un métier dangereux, même si aujourd’hui, l’actualité semble nous inviter à reconnaître la dangerosité de cet exercice professionnel ».

Un autre assassinat le même jour

L'assassinat d'Antoine Sollacaro, conseil d'Yvan Colonna, pourrait d'ailleurs entraîner le report du procès en appel, prévu jeudi, sur la longue cavale du berger corse. Jeudi, une heure avant l'assassinat d'Antoine Sollacaro, le cadavre d'un ancien militant nationaliste, Jean-Dominique Allegrini était découvert dans sa voiture en Haute-Corse, même s’il n’y aurait pas de lien entre les deux affaires selon le procureur.

M. Chaillot avec Claire Andrieux