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Police-Justice

Meurtre de Lola: au procès de Dahbia Benkired, le témoignage du policier qui a obtenu les aveux de l'accusée

Le portrait de Lola Daviet, 12 ans, tuée à Paris le 14 octobre 2022.

Le portrait de Lola Daviet, 12 ans, tuée à Paris le 14 octobre 2022. - Photo par AMAURY CORNU / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

Au premier jour du procès de Dahbia Benkired, accusée d'avoir violé, torturé et tué la jeune Lola en octobre 2022, le directeur d'enquête est revenu sur son interrogatoire. Il était parvenu à obtenir les aveux de la jeune femme alors en garde à vue.

L'urgence d'identifier la scène de crime. C'est dans cet état d'esprit qu'un des deux directeurs d'enquête a rejoint Dahbia Benkired en salle d'interrogatoire en octobre 2022. La jeune femme, alors âgée de 24 ans, est en garde à vue. Elle est suspectée d'avoir tué la jeune Lola dont le corps a été découvert le 14 octobre 2022 dans une malle au 40, rue Hautpoul, dans le 19e arrondissement de Paris.

Ce vendredi 17 octobre, au premier jour du procès de Dahbia Benkired, le policier est revenu sur cet interrogatoire guidé par une unique volonté: identifier une scène de crime, mieux encore, lui arracher des aveux.

En effet, le temps joue contre les enquêteurs. La jeune femme, entendue sous le régime de la garde à vue depuis déjà plus de 24 heures, n'a fait aucun aveux. La scène de crime, elle, n'est pas encore totalement identifiée.

"On n'était pas sûr que ce soit l'appartement", explique le policier à la barre. L'appartement dans lequel loge Dahbia Benkired est celui de sa sœur. Il est situé dans l'un des immeubles au 40, rue Hautpoul. Dans cet ensemble d'immeubles vivent aussi Lola, 12 ans, ses frères et ses parents. Les plus anciens sont les concierges.

Le 14 octobre 2022, après avoir signalé la disparition de leur fille, ses parents apprennent l'indicible. Dans la soirée, le corps de leur fille est découvert dans une malle située dans la cour extérieure de l'ensemble d'immeuble. Dahbia Benkired est la principale suspecte.

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La jeune femme de 24 ans vit chez sa sœur, dans un appartement situé au sixième étage d'un des immeubles. Si les enquêteurs découvrent des traces de sang, grâce au révélateur dénommé bluestar, sur le sol de la salle de bain, ainsi que sur la lame d'un couteau, la scène de crime n'est pas encore réellement identifiée.

"On a découvert du scotch et un cutter au sous-sol", expose le policier à la cour d'assises. Cet adhésif correspond à celui retrouvé sur les différentes parties du corps de la petite Lola. Sous-sol, appartement… Les policiers doivent identifier cette scène de crime "pour retourner sur place et confondre la mise en cause qui se dit étrangère aux faits".

Le policier qui dépose ce vendredi devant la cour d'assises de Paris tente aussi d'obtenir des aveux de la suspecte. Il raconte à la barre son premier face-à-face avec elle en octobre 2022. "Je vais vous décrire une personne très différente d'aujourd'hui", prévient-il tandis que l'accusée, cheveux relevés en chignon et gilet noir sur le dos, l'écoute.

"Quand je descends en garde à vue, je suis tout de suite interpellé par son jeune âge", expose-t-il. "Je me présente, et je suis saisi par son regard saisissant. Elle me regarde droit dans les yeux, elle tient le regard."

De cette audition, le policier retient trois moments clé qui aboutiront aux aveux de la jeune femme. "Je lui fais relire toutes ses déclarations et je lui pose la question de savoir si elle est vraiment au courant, car elle est très détachée."

D'abord sur la défensive, "voire agressive", selon le policier, la jeune femme lui demande de lui expliquer la raison de sa présence.

"Encore"

"Je lui dis qu'une fille a été tuée, torturée, que son corps a été retrouvé dans une malle et qu'on la soupçonne d'être l'auteur", poursuit le policier. "Et là, j'ai l'impression qu'elle prend conscience, car elle dit: 'ah oui c'est grave'", expose-t-il à la barre, sa cravate nouée autour de son cou.

Le policier abat sa deuxième carte: des photos d'elle qui semble manipuler la malle, mais aussi une série de cinq clichés du corps de Lola au moment de sa découverte.

"On y voit l'horreur qu'elle a pu faire", souligne le policier. Il lui glisse une première photo, et la regarde. "Il y a un silence total dans la salle", se rappelle-t-il. "Elle regarde la photo, et là, elle va me regarder dans les yeux et me dire: 'encore'."

Des vidéos extraites des interrogatoires de Dahbia Benkired sont diffusées dans la salle. Elle apparaît sans émotion, les bras parfois posés de chaque côté de son buste, parfois croisés. Surtout, elle formule une demande dès qu'une photo du martyre de Lola est déposée sous ses yeux: "encore".

"Je lui en montre une autre, et elle me sort: 'et elle s'est faite violer?'", rapporte le policier. "Ça te fait quoi?", lui demande-t-il. "Ni chaud, ni froid. J'ai déjà été violée, mes parents sont morts devant moi", lui répond Dahbia Benkired.

"J'ai toujours voulu être policier"

Il poursuit son réçit, expliquant les minutes qui ont précédé le passage aux aveux. L'homme s'est absenté quelques secondes de la salle d'audition. À son retour, il voit Dahbia Benkired en train de regarder les photos.

"J'ai toujours voulu être policier", lui glisse-t-elle. Le moment tant attendu arrive, le directeur d'enquête le sait, il le sent. "Je lui propose d'être policier, de faire équipe avec moi", raconte-t-il. Il lui explique ce qu'est son métier. "Je vois qu'elle jubile, qu'elle sourit", poursuit-il.

"Je ne me reconnais pas"

"Elle me demande si je n'ai pas une tenue." Elle ne l'obtiendra jamais. "Et là, on va obtenir des aveux circonstanciés pendant trente minutes" sur le meurtre, le couteau, les ciseaux qu'elle a utilisés pour mutiler l'adolescente. Elle dit aussi l'avoir abusé sexuellement, en mimant la scène.

À la barre, le policier confie avoir été marqué par cette audition. "Je l'emporterais avec moi, je pense", dit-il. "Ce n'est pas son audition, c'est le comportement qu'elle a eu avec moi. C'était costaud, solide."

L'accusée, elle, dit ne pas s'être reconnue dans ces extraits diffusés. "Je me suis dit que j'étais folle, que ce n'était pas moi", lance la jeune femme. "Je ne me reconnais pas."

Charlotte Lesage