Marseille: dans les cités, les «choufs» guettent les flics

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Ces « contrôles » mis en place par les trafiquants de drogue ont pour objet de s'assurer que la police ne tente pas de pénétrer de manière camouflée dans les cités. Par exemple en se cachant dans un banal camion de transport alimentaire, comme celui de la Banque alimentaire arrêté et fouillé par une bande ce mardi dans les quartiers Est de Marseille.
Un vrai travail de policiers... effectué par des délinquants
Selon notre enquête, dans la plupart des cités marseillaises où l'on vend de la drogue, on se contente d'utiliser des guetteurs, surnommés « choufs » par les policiers. Ce sont eux qui préviennent de l'arrivée des forces de l'ordre. Seules les trois ou quatre cités de la ville considérées comme des supermarchés du cannabis bénéficient d'un dispositif plus élaboré. La logistique impressionnante et la quasi-immunité des dealers leur permet en effet de mettre en place ces fameux barrages filtrants. Contrôle d'identité, vérification de la marchandise, fouille au corps, interrogatoire... Un vrai travail de policiers, mais effectué par des délinquants.
Au pied de certaines barres, il y a même des « accompagnateurs » chargés d'aiguiller et de surveiller les visiteurs dans la cité. Kamel, éducateur dans les quartiers Nord de Marseille, en a lui-même fait l'expérience. « Maintenant on vous accompagne. J'ai une réunion dans un centre social, on va m'accompagner, on va me demander quel est le type de la réunion. Tu dis "sur la prévention de la délinquance", on te répond "bien sûr, on est au courant monsieur, ne vous inquiétez pas on va vous accompagner". C'est fou quand même ! ».
Les dealers possèdent parfois leur propre parc de logements
Dans certains quartiers, les dealers contrôlent tout. Ils sont chez eux partout, possèdent parfois leur propre parc de logements. On dit même qu'il faut leur autorisation pour organiser un simple tournoi de foot par exemple. Que fait la police face à cet effarant état de fait ? A vrai dire, elle semble considérer par moments que le combat est perdu d'avance. Lorsqu'elle agit et démantèle un réseau, elle sait qu'un nouveau va rapidement le remplacer. De plus, ses moyens sont par définition limités. « La police fait ce qu'elle peut avec ce qu'elle a », déplore David-Olivier Reverdy du syndicat de police Alliance. « Dès qu'on part d'un endroit, ça recommence. Dès qu'on est quelque part, ça bouge ailleurs. On ne peut pas être partout. C'est un casse-tête ».