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Malaise policier: en première ligne à Saint-Etienne-du-Rouvray, Dominique témoigne

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Manque de moyens, de reconnaissance, d'effectifs: depuis près d'une semaine, les policiers expriment leur colère dans la rue. Près de Rouen, le mécontentement des agents intervenus lors de l'attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray est particulièrement vif. En exclusivité, BFMTV a recueilli le témoignage de l'un d'entre eux.

C’est une intervention dont il se souviendra toute sa vie. Pour la première fois, cet agent de la paix accepte de témoigner de cette matinée du 26 juillet. Ce jour-là, deux terroristes attaquent l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray. En poste dans son commissariat de Rouen, Dominique reçoit l’ordre de se rendre sur place.

Il fait partie des quelques simples policiers qui se sont retrouvés aux côtés des forces d’élite lors de l’assaut, et qui aujourd'hui ne s'estiment pas assez reconnus par leur hiérarchie. BFMTV a pu le rencontrer et recueillir son témoignage, alors que la grogne des forces de l'ordre ne faiblit pas, depuis près d'une semaine.

Manque d'équipement

"On s’est retrouvé en première ligne sur l’assaut avec la plupart de mes collègues", se souvient-t-il. "Il faut savoir qu’on n’est pas équipés comme les groupes d’intervention, notre corps n'est pas protégé de la tête aux pieds, on a quelques boucliers balistiques mais tout le monde n’en avait pas. On a juste un gilet pare-balles qui nous arrive plus ou moins au niveau du nombril. La seule chose que l'on a, c’est notre arme, et au pire un chargeur de remplacement. Mais c'est tout", détaille Dominique. 

Mais malgré ce manque d’équipements, l'agent des forces de l'ordre prend tous les risques. Des coups de feu sont échangés entre les terroristes et les forces d’élite, mais lui s’avance pour prendre en charge les otages.

"A chaud, on part dans l’intervention, on réfléchit pas, il faut sauver les gens, faire notre travail. Même si on n’est pas équipé, même si on doit se prendre une balle, ou se faire sauter, c’est le boulot", martèle Dominique. "On ne réfléchit pas à ce moment-là. C’est après, à froid, qu'on se rend compte qu'on n’était pas formé, qu'on n’était pas équipé et que s’il y avait eu des explosifs, il y aurait eu beaucoup de morts".

Simple gratification

Dominique et ses collègues attendent une reconnaissance de leur hiérarchie. Mais plutôt que la montée en grade que tous espèrent, c’est une simple gratification qu’ils se sont vus proposer la semaine dernière par le préfet.

"On n’a pas besoin d’avoir l’impression d’être des pions, de la chair à canon qu’on a envoyé sans se soucier de savoir si on allait rentrer le soir à la maison. On a besoin de nous entendre dire: 'bravo vous êtes tous intervenus avec professionnalisme et dévouement'", fait valoir Dominique. 

Pour Frédéric Desguerre, secrétaire régional d'Unité-SGP-Police, cette situation illustre un sentiment de mal-être plus profond chez beaucoup de policiers. "Cela fait plusieurs années que les syndicats expriment ce manque de reconnaissance, cette colère qui monte. Aujourd’hui on en est là, les collègues sortent dans la rue ils ont raison de sortir dans la rue. Maintenant c’est à nous syndicats de reprendre les négociations avec le gouvernement", estime-t-il. Les syndicats de policiers devraient être reçus en début de semaine par François Hollande.

A.S. avec Guillaume Garet, Jules Chiapello et Hortense Gérard