Le tribunal de Nantes, coeur de la révolte des juges

Juges en grève des audiences, rejoints par des avocats, policiers et fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, sont réunis dans la cour d'assises du tribunal de Nantes, devenu le coeur de la révolte de la magistrature, mise en cause par Nicolas Sa - -
par Guillaume Frouin
NANTES (Reuters) - Mis en cause par l'Elysée pour une supposée faute dans l'affaire Laëtitia, le tribunal de Nantes s'est transformé vendredi en quartier général d'une contestation nationale insolite dans l'univers judiciaire.
Dans la cour d'assises du Palais de justice, théâtre habituel des procès criminels, magistrats et fonctionnaires de justice, réunis en assemblée générale, sont rejoints par des avocats, des fonctionnaires pénitentiaires et des syndicalistes policiers.
Les représentants nationaux des syndicats de magistrats se sont déplacés en urgence pour organiser la semaine de grève des audiences décidée jeudi à la quasi-unanimité lors d'une assemblée
"Evidemment, nous ne sommes pas très audibles sur cette question des moyens, car cela fait des années que l'on en parle. Pourtant, c'est ça la réalité de cette histoire, qu'on le veuille ou non", dit à l'assemblée Mathieu Bonduelle, secrétaire national du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).
"En face, on a des communicants, qui essaient de se refaire une virginité politique sur le drame de la mort de Laëtitia", estime-t-il.
Dans la salle, une centaine de personnes applaudissent ses propos. Certains arborent un badge blanc avec ces mots "Vos droits en danger, magistrat mobilisé" au revers de leur robe noire.
Des affichettes annonçant la "semaine sans audience" du tribunal ont été placardées sur les murs, comme dans une université en grève.
"COUP POLITIQUE"
"Cette attaque de Nicolas Sarkozy serait incompréhensible, si ce n'était pas un coup politique ", souffle une juge de 38 ans, qui requiert l'anonymat.
"Nous avons tous une conscience professionnelle assez aiguë et un investissement professionnel sans faille. Tous les juges travaillent jusqu'à tard le soir et rapportent des dossiers chez eux, sans pour autant être payés plus", raconte-t-elle.
Les avocats se disent solidaires. "On vit au quotidien le manque de moyens terrifiant de la justice. Cela se répercute sur les usagers, dans l'accès au droit ou les droits de la défense", dit Danielle Frétin, une avocate.
Les travailleurs sociaux du Service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) de Loire-Atlantique, qui n'avaient pu assurer faute d'effectifs la mise à l'épreuve de Tony Meilhon, suspect de l'affaire Laëtitia, se disent "blessés dans leur chair" par le crime et les propos présidentiels.
"Tout ce qui a été fait l'a été avec l'aval de la hiérarchie", dit Alexis Grandhaie, secrétaire régional de la CGT Pénitentiaire.
L'administration pénitentiaire avait accepté que ses agents se consacrent en priorité au suivi des condamnés pour violences, infractions sexuelles et accidents mortels de la circulation en état d'ivresse.
Les 17 agents du Spip de Loire-Atlantique ont refusé d'assister vendredi à la réunion de service où devait leur être réaffectés en urgence les quelque 800 dossiers laissés jusqu'ici de côté.
Ils ont décidé en outre de reporter tous leurs rendez-vous avec les ex-détenus après le 10 février, et n'assureront d'ici cette date que les "urgences".
La grève des audiences doit se prolonger jusqu'à jeudi prochain à Nantes. Elle pourrait faire tache d'huile dans le pays et culminer par une manifestation nationale, à laquelle tous les magistrats français sont appelés à participer.
Edité par Patrick Vignal