Le fondateur de la Relève de Coluche accusé de détourner l'argent à son profit

Les avocats des héritiers de Coluche se sont saisis de l'affaire. - La relève de Coluche
A coup de vidéos publiées sur les réseaux sociaux, les partisans de chaque partie se dénoncent, se répondent et s'affrontent autour d'une cause, l'aide aux démunis. Au cœur de ce conflit, un homme: le fondateur du mouvement la Relève de Coluche, Mansour N., qui se présente comme le "Coluche noir". Depuis octobre 2016, il fédère autour de sa personne des centaines de bénévoles. Mais la belle aventure s'effrite aujourd'hui peu à peu au fil des plaintes pour escroquerie, vol, menaces et violences visant le jeune homme. Il est accusé de détourner l'argent qui devrait servir aux démunis.
"On ne peut pas voler les démunis, on ne peut pas voler les bénévoles, pour lesquels il est parfois difficile de s'en sortir, on ne peut pas profiter de l'argent destiné à ceux qui en ont besoin, on ne peut pas jouer avec les médias, jouer sur les réseaux sociaux", s'agace une ancienne bénévole, qui martèle que ce n'est pas le mouvement et les bénévoles qui sont dans son viseur, mais bien le fondateur.
Cette dernière a connu la Relève de Coluche dès son lancement. La jeune femme contacte à l'époque Mansour N. et souhaite s'investir. Le jeune homme, un ex-commercial, lui détaille le concept de son mouvement très médiatisé lors du lancement: "Chacun devait participer aux courses à la hauteur de ses moyens, les bénévoles faisaient les courses et on devait cuisiner ensemble avant de distribuer les repas aux démunis", raconte-t-elle.
L'ex-bénévole souhaite aussi donner des vêtements, acheter du matériel. Le responsable du mouvement lui donne alors une adresse où les faire livrer. Cette adresse, c'est celle d'Orianne*. Pendant dix mois, son appartement va servir de lieu de stockage, sans que la jeune femme n'ait son mot à dire. Son domicile, "qu'il s'est approprié tout comme (son) adresse", est devenu au fil des mois un véritable "dépotoir".
Des cagnottes non reversées?
Elle a rencontré Mansour N. par le biais d'une amie. Présidente d'une association, elle cherchait au début de l'année 2017 des contacts pour promouvoir son projet. Une relation se crée entre les deux, au cours de laquelle une "pression psychologique" s'exerce, jusqu'aux menaces et insultes.
Pendant ces mois, le trentenaire charismatique demande à Orianne de créer des cagnottes pour récolter des fonds pour les démunis et notamment pour les sinistrés de l'ouragan Irma. "Je lui ai reversé l'argent et rien n'a été envoyé", affirme auprès de BFMTV.com la jeune femme. Au total, les deux cagnottes auraient recueilli 210 et 709 euros, une somme qui n'aurait pas été utilisée pour la bonne cause. Les vêtements envoyés à son domicile n'ont jamais été redistribués.
"Je veux que les gens ouvrent les yeux sur le personnage,il y a des gens qui ont perdu jusqu'à 100 euros", déplore Orianne.

Au fil des anecdotes, plusieurs bénévoles se posent la question de la sincérité du fondateur du mouvement. C'est dans le but de dénoncer ses agissements qu'une ex-participante au projet caritatif a créé une page Facebook qui comptabilise aujourd'hui près de 400 membres, repérée et mise en lumière par le média suisse Genève Région Télévision. Actuellement, cinq plaintes contre Mansour N., que nous avons pu consulter, ont été recensées. Les plaignantes espèrent aujourd'hui que leurs demandes seront centralisées et traitées par la justice.
Parmi elles, celle de Jocelyne, qui a porté plainte le 14 mars pour "escroquerie". "J'ai vu le nom 'Coluche', j'ai relié ça aux Restos du Cœur", regrette cette habitante de Loire-Atlantique. Alertée par l'existence de l'association par sa fille, Jocelyne s'est interrogée dès sa première rencontre avec le jeune homme: "Il n'y avait pas de locaux, tout se passait dans un appartement", se rappelle cette mère de famille. Lors de la distribution des repas, elle s'étonne de l'attitude de Mansour N.: "Il ne nous a pas aidées à préparer les repas, il se filmait, se prenait en photo..."
Des t-shirts jamais distribués
Le responsable du mouvement demande également aux bénévoles de signer une charte d'adhésion. On y parle des collectes de nourriture - uniquement des produits frais, des collectes de vêtements, mais aussi d'une adhésion de 20 euros "relatifs au fonctionnement de l'ensemble des actions menées". En échange, Mansour N. promet un t-shirt utilisant l'image de Coluche "pour être reconnaissable lors des prochaines maraudes". Jocelyne raconte avoir avancé l'argent pour sept t-shirts - 140 euros - qu'elle n'a jamais reçus. En revanche, elle raconte les menaces dont elle a été victime quand elle a réclamé son dû.
Dounia non plus n'a jamais reçu son t-shirt en échange des 20 euros versés. Elle a également dû héberger Mansour N. lors d'une maraude à Lille. "Il m'a mise devant le fait accompli, je n'ai pas eu le choix, il m'a dit ne pas avoir d'argent pour reprendre un train", raconte la jeune femme cible de messages injurieux.
"Je me bats pour toutes les autres victimes", clame Jocelyne. "Je me bats pour qu'il donne des preuves de la trésorerie."
Le trentenaire présente bien, est "charismatique", "a du bagou". Autrement dit, il inspire confiance quand il vante son projet aux aspirants bénévoles. C'est le cas de Céline, qui a œuvré à Annecy. La jeune femme est d'abord intriguée par cette adhésion à 20 euros. "J'ai ensuite fait des recherches, l'association n'a pas de statuts légaux", explique-t-elle. "Quand j'ai demandé des explications, il est devenu fuyant." Julie, elle, a porté plainte pour "menaces" et a déposé une main courante pour "tentative d'escroquerie". Désignée responsable de l'antenne d'Annecy au début de l'année, elle aussi s'est vue insulter quand elle a posé des questions. "C'était des 'Regarde bien autour de toi quand tu es dans la rue'", raconte la jeune femme, qui s'étonne que la Relève de Coluche n'ait pas de statut légal et ne soit pas déclarée en préfecture. Une obligation pour la réalisation de toute collecte.
"Par le peuple, pour le peuple"
"La relève de Coluche est née le 14 octobre 2016 d’un statut Facebook, se défend sur la page du réseau social Mansour N.. La relève de Coluche n’est pas une association, c’est un mouvement indépendant régi par le bon vouloir du peuple. (...) Notre fonctionnement est de se réunir chez un bénévole, comme c’est par le peuple, pour le peuple, et bien on agit de chez le peuple." Fort de ses 10.000 abonnés sur sa page Facebook et de ses 37 antennes en France, en Belgique et en Suisse qu'il revendique, Mansour N. tient à présenter des excuses à certaines victimes, comme Jocelyne et Julie, qui ont témoigné.
"Sincèrement je suis désolé pour toutes les fautes que j’ai pu faire. Avant j’étais pas du genre à aider la personne. Ca m’est arrivé d’un coup. Gérer une organisation qui prend de l’ampleur aussi vite, c’est pas facile", se justifie le trentenaire, qui estime que "des personnes lui en veulent personnellement". Depuis plusieurs semaines, l'homme opère depuis la Suisse.
"Nous on cherche seulement à voir ta bonne foi, on te demande juste de publier les comptes de l’association", lui rétorque Anka, une ancienne bénévole de Strasbourg, dans une vidéo postée sur sa page Facebook. La jeune fille raconte comment elle a été bernée, l'argent des courses qu'elle a avancé sans jamais être remboursée, "aveuglée par le fait d’être contente de faire quelque chose de bien". Un autre acteur pourrait aussi entrer dans cette affaire, il s'agit des Restos du Cœur. Contactée, l'association de Coluche rappelle que le collectif n'a rien à voir avec elle. Les avocats de la famille de l'humoriste se sont saisis de l'affaire concernant l'utilisation de son image sur les t-shirts du mouvement.
* Le prénom a été modifié.