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Procès des viols de Mazan: l'"immaturité" et les "fantasmes" d'un suspect construits par la pornographie

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Charlie A. avait 21 ans lors de sa première venue au domicile des Pelicot, faisant de lui le plus jeune des accusés au moment des faits. Décrit comme immature par les experts, il a nié "toute intention de viol".

Charlie A. n'est "pas responsable de ses fantasmes mais responsable de ses actes". Enfance peu rassurante, entrée dans la sexualité de façon dysfonctionnelle, immaturité... Pour tenter de comprendre le passage à l'acte du plus jeune accusé du procès des viols de Mazan - 21 ans lors des premiers faits en janvier 2016 - il faudra écouter les experts davantage que le jeune homme interrogé ce vendredi.

Alors que la cour a consacré une bonne partie de la journée de ce vendredi sur son cas entre expertise psychiatrique et interrogatoire, Charlie A. reste toutefois toujours une énigme.

T-shirt blanc, collier de barbe et bouc brun, Charlie A. était le premier des sept accusés de ce dernier groupe à être jugé à répondre aux questions de la cour. Comme de nombreux hommes avant lui, il maintiendra sa position. À savoir qu'il n'a pas violé Gisèle Pelicot lorsqu'il est venu à son domicile les 21 janvier 2016, 8 et 28 décembre 2018, 12 janvier, 13 mai et 10 juin 2020, car il n'en avait "pas l'intention". Lui a toujours cru à un scénario libertin, dit-il, présenté par un homme "rassurant".

- "Encore aujourd'hui, vous dites que ce n’est pas des viols?", insiste Me Stéphane Babonneau, l'un des deux avocats de Gisèle Pelicot, qui l'appelle à "prendre la main tendue" par sa cliente.

- "C’est pas exact, je n’avais pas l’intention", répète l'accusé interrogé pendant quatre heures.

- "Avoir cru M. Pelicot, ca fait vous déresponsabilise? Le fait de ne pas avoir eu l’intention, même si vous y êtes retourné six fois, ça fait de vous quelqu’un qui n’a pas commis un viol?"

- "Je ne voulais pas faire de mal à cette famille, moi aussi j’en ai une."

"Un scénario qui m'a été donné"

Comme les autres, Charlie A. a échangé avec Dominique Pelicot pour la première fois sur le site Coco.gg. "Il m’a envoyé un message en privé. Il m’a proposé une date, j’ai dit oui. Deux-trois jours après, il m’a rappelé, il m’a dit 'c’est bon tu peux venir', j’y suis allé", explique-t-il. Selon lui, aucune modalité particulière n'était précisée. Il n'est pas question de rapports filmés. "Il dit que sa femme sera allongée endormie, qu’elle fera semblant de dormir, il n’en dit pas plus", poursuit le jeune homme aujourd'hui âgé de 30 ans.

Puis, dans la nuit du 20 au 21 janvier 2016, il se présente au domicile des Pelicot à Mazan. "Il me demande de me déshabiller dans le salon. Je suis tout nu du coup. Il me demande de mettre les mains sur le radiateur pour me réchauffer les mains", décrit-il. Quand il entre dans la chambre à coucher du couple, il voit "une dame endormie", "une femme faisant semblant d'être endormie", se reprend-il à plusieurs reprises.

Gisèle Pelicot réagit-elle aux premiers gestes que Charlie A. a sur elle? Se comporte-t-elle comme une personne participant à un rapport sexuel? À chaque fois, l'accusé repond par la négative. "Je pense que c’est le scénario qu’il m’a donné, je pense que c’est normal", estime-t-il.

"Moi, on m’a dit qu’elle simule, donc je pense qu’elle fait semblant de dormir."

Se pose alors la question du consentement, a-t-elle pu le donner? Non, reconnaît l'accusé qui se réfugie derrière l'accord du mari.

Une initiation à la sexualité par la pornographie

Sa version résiste mal aux deux photos et trois vidéos diffusées devant la cour. Gisèle Pelicot ne peut pas être considérée comme un personne faisant semblant de dormir. D'autant que Charlie A. est venu à six reprises. Ces vidéos révèlent également la différence d'âge entre l'accusé et celle qui, comme l'a avancé un autre accusé, qui pourrait avoir l'âge de sa grand-mère. Charlie A., souvent, ne se souvient plus, ne sait plus, ne comprend pas la question.

Pour comprendre sa volonté de participer au scénario proposé par Dominique Pelicot, c'est l'expert-psychiatre Mathieu Lacambre qui donnera une piste concernant Charlie A. en évoquant "le script normatif" proposé par la pornographie dont l'accusé était un grand consommateur. "Ces jeunes mineurs qui accèdent à des contenus porno, ces propres contenus proposent systématiquement, pour le porno standard, le scénario habituel, celui du plombier qui vient déboucher l’évier et la dame, ce n’est pas une jeune, c’est une MILF (une "mère bonne à baiser", NDLR)", détaille le spécialiste.

"Il y a une princesse endormie, une MILF, l'objet de ses fantasmes pré-fabriqués, elle à 30 minutes de route de chez lui, il y va", résume le psychiatre évoquant "les facteurs facilitateurs du passage à l'acte".

Un projet de soumission chimique de sa mère abandonné

Charlie A. dit avoir évolué depuis les faits. Pourrait-il recommencer si Dominique Pelicot se présentait aujourd'hui avec le même scénario? "Aujourd’hui je lui dirai ‘va te faire e******. Si j’ai pas le consentement, si j’ai pas ça, j’irais clairement lui dire d’aller se faire voir chez les Grecs. Je poserais la question à la dame", assure l'accusé qui dit avoir mis fin aux rencontres chez les Pelicot après "un déclic". Pas celui d'avoir le sentiment de commettre un crime, mais quand Dominique Pelicot est devenu "insistant" au sujet de sa mère.

"Je le confirme expressément, je n'ai jamais, jamais donné de médicaments à ma mère".

L'instruction a permis d'établir qu'un projet de passage à l'acte sur la mère de Charlie A., à son initiative, avait été envisagé avec Dominique Pelicot. L'accusé avait évoqué sa mère, "le premier truc" qui lui était venu à l'esprit. Il est acquis que Dominique Pelicot lui avait donné des comprimés, l'un dit les avoir jetés, l'autre affirme que le premier lui a rendus avant la fin de leurs échanges en juin 2020. "Vous avez suffisamment de caractère pour refuser un projet avec votre mère, que vous aviez initié, vous l’aviez dit à la barre, mais pas pour résister pour revenir", s'étonnera Me Bétarice Zavarro, l'avocate de Dominique Pelicot.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV