La prison plutôt que l'aménagement de peine: le vote des députés pour créer un "électrochoc"

Prison (PHOTO D'ILLUSTRATION) - Kenzo Tribouillard - AFP
Revirement à l'Assemblée nationale sur les aménagements de peines courtes. Jeudi 3 avril, les députés ont adopté à 63 voix contre 42 un texte visant à redonner la possibilité aux juges de prononcer des peines inférieures à un mois, et à supprimer l'obligation d'aménager la peine lorsqu'elle est inférieure à six mois.
Cette proposition, portée par le groupe Horizons et plus précisément par le député Loïc Kervran, revient sur la loi de 2019 qui faisait de la lutte contre la surpopulation carcérale et contre la récidive des points centraux.
Cette loi avait ainsi supprimé la possibilité de prononcer des peines de prison de moins d'un mois, et encourageait très fortement les juges à demander des aménagements pour les peines inférieures ou égales à six mois.
Parmi les mesures d'aménagement possibles, "il existe la détention à domicile sous bracelet électronique, la semi-liberté, la liberté conditionnelle", rappelle auprès de BFMTV.com Me Grâce Favrel, avocate au barreau de Paris spécialisée dans les droits de l'homme, le droit pénal et le droit de l'environnement.
"Enfermés dans un parcours de délinquance"
Dans sa proposition, le député Loïc Kervran dénonçait à propos de la loi de 2019 une "idéologie qui voudrait que les courtes peines soient systématiquement de mauvaises peines". Chiffres de la Cour des comptes à l'appui, il déclare que les objectifs de cette loi n'ont pas été remplis en matière de lutte contre la surpopulation carcérale et de réinsertion.
"Les auteurs de crimes et délits accumulent les faits et ne connaissent la prison que bien trop tard, alors même qu'ils sont déjà enfermés dans un parcours de délinquance", explique le député.
Son groupe dénonce une "absence de sanction réelle" et souhaite à présent créer "une justice plus dissuasive" en redonnant le pouvoir aux magistrats de prononcer la peine la plus adaptée à leurs yeux, sans être forcés d'avoir recours à des aménagements de peine.
"On risque d'avoir plus de surpopulation"
Dans les faits, ces aménagements de peine ne sont pas systématiques, mais sont fortement encouragés, rappelle Me Grâce Favrel. En l'état, "la loi dit que le juge peut choisir de ne pas prononcer d'aménagement sur une peine courte. Il y a déjà des personnes qui n'en bénéficient pas."
Alors que la France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme concernant le taux de surpopulation de ses prisons, l'avocate estime qu'il serait "en réalité très difficile pour ces établissements pénitentiaires d'accueillir des personnes condamnées à des peines courtes. On risque d'avoir encore plus de surpopulation carcérale".
Pour justifier le recours à des peines courtes, des magistrats déclarent parfois qu'elles permettent à des personnes condamnées pour la première fois de recevoir un "électrochoc" en fréquentant sur une période réduite l'univers carcéral. "Cet électrochoc est déjà créé par la solennité du procès. Cela ne marche pas pour tous les profils et ça risque de les ancrer encore plus dans un parcours de délinquance", répond Me Grâce Favrel.
Si la proposition de loi a reçu le soutien d'une partie du bloc central (Horizons, Modem et LR) ainsi que du RN et ses alliés, elle a été boudée par la gauche dans son ensemble.