"Ils ne peuvent plus diriger leur organisation": comment fonctionnent les prisons réservées aux mafieux en Italie

Il a fallu passer plusieurs contrôles de sécurité pour approcher celui qui est considéré comme "l'homme le plus protégé d'Italie". Impossible de filmer en dehors de son bureau, un véritable bunker. Procureur italien antimafia et antiterroriste, Giovanni Melillo a néanmoins accepté de parler à BFMTV.
Et plus précisément, de revenir sur le régime de détention italien mis en place dans les années 1990 et connu sous le nom de 41-bis, dont Gérald Darmanin veut s'inspirer pour rassembler les "cent plus gros narcotrafiquants" de France dans "une prison de haute sécurité" à partir du mois d'août prochain.
Isolement total pour le prisonnier
Créé en 1975 dans le but d'éviter des mutineries, il s'est ensuite plus largement développé après la vague d'attentats et d'assassinats perpétrés par la mafia dans les années 1980 et 1990.
Il est régulièrement dénoncé par les ONG de défense des droits et est appliqué essentiellement à des prisonniers poursuivis pour crimes mafieux et terroristes. "Ce système sert à empêcher des chefs, même depuis la prison, de diriger leur propre organisation. Il y a une limitation des échanges. Pas de contact à l'extérieur et ils sont exclus des activités de la prison", résume Giovanni Melillo.
Dans le détail, ce régime prévoit un isolement total pour le prisonnier, sauf deux heures à l'air libre dans un groupe ne pouvant pas dépasser quatre détenus soigneusement choisis pour éviter plusieurs risques: d'un côté celui de la connivence avec d'autres personnes appartenant au même groupe criminel, de l'autre d'éventuels conflits avec un groupe criminel opposé.
Les personnes concernées ont en outre droit à un seul entretien par mois avec des membres de leur famille, derrière une paroi de verre, et cet entretien est enregistré par les autorités carcérales. Des limites sont également introduites concernant les sommes d'argent et autres biens que ces détenus peuvent recevoir.
"Je ne conseillerai cette vie à personne"
En poste depuis juillet 2022, Giovanni Melillo était auparavant à la tête du plus grand parquet d'Italie à Naples. Il s'occupait notamment de la lutte contre la Camorra, la mafia implantée dans le sud du pays. À 61 ans, il passe ses journées entouré de plusieurs hommes armés pour sa sécurité et ses libertés sont restreintes.
"Je ne conseillerai cette vie à personne, mais c'est la vie que j'ai choisie. (...) Bien sûr qu'il faut que j'accepte ce système de protection", nous confie-t-il.
Aujourd'hui, ce régime carcéral est appliqué en Italie à 730 détenus. Près de 90% des détenus soumis au carcero duro sont des membres de la mafia, selon un rapport parlementaire cité par Sky TG24.
Le garde des Sceaux, qui a fait part de sa volonté d'isoler les "cent plus gros narcotrafiquants" dans "une prison de haute sécurité", s'est rendu à Rome ce lundi. Le ministre a visité dans la matinée le Centre pénitentiaire romain de Rebibbia, où une cinquantaine de détenus appartenant au crime organisé sont soumis à un régime d'isolement et de surveillance particulièrement draconien.
Grâce à leur "régime de détention particulier antimafia", les Italiens "ont réussi à empêcher la continuité des activités criminelles", a déclaré Gérald Darmanin lors d'un point-presse en fin de journée avant de s'entretenir avec son homologue Carlo Nordio. Cet établissement sera "réalité" fin juillet, et deux autres d'ici deux ans, pour détenir "plus de 600" narcotrafiquants "particulièrement dangereux", a-t-il par la suite précisé.
Le trafic de drogues en Italie pèse environ 16 milliards d'euros par an, selon l'Institut national de la statistique, en hausse régulière, alimenté pour une bonne part par la 'Ndrangheta, la mafia calabraise, qui règne sur la distribution de cocaïne en Europe. L'impact de ce régime carcéral sur le narcotrafic est difficile à mesurer. Mais selon Gérald Darmanin "le plus important, c'est que l'autorité de l'État soit respectée".