Gérard Miller: une femme qui accuse le psychanalyste de viol témoigne sur BFMTV

Dans son cabinet installé dans une petite commune non loin de Paris, Aude, psychologue clinicienne, a rendu l'atmosphère chaleureuse pour aider les patients qui viennent la consulter. Un canapé avec un plaid, des lampes à la lumière chaude, des albums de musique et des livres. Hier, lorsque nous la rencontrons dans cette pièce, elle n'est plus celle qui recueille la parole, mais celle qui la prend. Son récit débute en 2001.
"On est en cours de philo avec ma meilleure amie, j'ai presque 17 ans, quand on décide de contacter Gérard Miller pour l'interviewer pour le journal de notre lycée... sans savoir si ça va marcher. À cette époque là, il est tout le temps à la télé, à la radio. J'ai pris une feuille de classeur, on a écrit une lettre qu'on a signée avec nos prénoms, nos âges. Et on l'a envoyée à Europe 1.”
Peu de temps après, le jour de ses 17 ans - hasard du calendrier -, son téléphone sonne. Gérard Miller au bout du fil. L'adolescente est éberluée. Il leur propose une entrevue à son domicile parisien le dimanche suivant. Les deux amies acceptent, et viennent accompagnées d'un troisième copain. "Vous êtes venues avec votre garde du corps?”, aurait froidement lâché Gérard Miller en leur ouvrant sa porte. La rencontre sera expéditive.
Un brunch avec Laurent Ruquier
Deuxième rencontre à l'initiative du psychanalyste, cette fois-ci avec les deux jeunes filles seulement, encore un dimanche après-midi. Il leur propose une séance d'hypnose, nous raconte Aude. Mais son amie refuse. Gérard Miller les congédie poliment, dit-elle. Troisième et dernière rencontre, Aude se souvient qu'il lui suggère de se retrouver à Paris un dimanche midi après une conférence qu'il vient de donner. Une fois arrivée, elle se voit proposer d'aller bruncher avec lui, Laurent Ruquier et deux autres personnes dans un restaurant à proximité. Laurent Ruquier ne s'en souvient plus aujourd'hui.
"À ce moment-là, j'hallucine complètement, moi jeune fille de 17 ans, je me retrouve à table avec ces personnes que je vois à la télé! Ils parlent d'Elie Semoun, Liane Foly, je les écoute. Mes parents n'y voient rien d'alarmant, au contraire.” Le déjeuner touche à sa fin, le psychanalyste lui propose de passer à son domicile, elle le suit sans se rappeler pourquoi, dit-elle. "Rien ne laissait présager ce qui allait arriver, il était poli, courtois. Et là, arrivé dans une pièce à la décoration japonaise... Il m'embrasse."
"Il sort son sexe"
La jeune femme, âgée aujourd'hui de 39 ans, réprime un sanglot. Puis, comme en apnée, elle plonge dans sa mémoire et raconte la suite, en larmes. "Je le revois baisser son pantalon. Il sort son sexe. Il me demande si j'ai déjà couché avec un garçon, je lui dis que non, et là il me dit: “Je ne serai pas ton premier”. Il me met son sexe dans la main, puis il le met dans ma bouche, pour lui faire une fellation. Je suis bloquée psychiquement.”
Aude ressort hagarde de ce domicile. Puis le trou noir. "L'amnésie a été immédiate. Je me souvenais avoir rencontré Gérard Miller, je l'ai souvent raconté, mais j'ai complètement refoulé la suite, je n’en ai parlé à personne parce que je n’en avais même pas conscience. J'avais juste le sentiment qu'il était malsain quand je tombais sur lui à la télé, sans savoir pourquoi je pensais ça."
Les révélations de "Elle" comme déclic
Le 31 janvier 2024, le magazine Elle sort une première enquête sur Gérard Miller. Trois femmes accusent le psychanalyste de faits graves. C’est la première fois que de telles accusations sont portées publiquement contre lui. Lui nie immédiatement. Aude tombe sur le titre de l’article. Elle n’arrivera pas à aller plus loin dans sa lecture. Son esprit se déchire subitement, laissant surgir des images jusqu'à alors tapies dans son inconscient.
“À ce moment-là, tout tourbillonne, je me sens mal, j'ai envie de vomir. Ca m'a littéralement sauté au visage, puis j'ai eu besoin de parler, de raconter mon histoire. Cette violence m'a submergée d'un seul coup." Comme frappée par la houle, Aude reconstitue petit à petit son puzzle mental. En revoyant les 22 années écoulées à l’aune de ce trauma qui a ressurgi, j'ai compris plein de choses que j'avais pu faire : pourquoi j'avais toujours refusé d'avoir un thérapeute homme, pourquoi j'ai toujours été animée par la volonté d'aider les autres..."
Gérard Miller nie les faits
La semaine dernière, après avoir pris attache avec une avocate, Me Marie-Paule Pioli, Aude, épaulé par son mari qui la soutient sans faille, a déposé plainte auprès du parquet de Paris. Au moins cinq autres femmes ont signalé comme elle à la justice des faits de nature sexuelle qu'elles imputent à Gérard Miller. Plus d'une quarantaine se sont manifestées auprès du magazine Elle. Une enquête préliminaire a été ouverte et tous les protagonistes pourraient être entendus prochainement par les policiers.
Contacté hier soir, Gérard Miller n'a pas souhaité réagir à ce témoignage. Son avocate, Louise Tort, nous a indiqué qu'elle et son client souhaitaient réserver leurs déclarations à la justice, "ceci dans le respect de l’état de droit et de ses principes fondamentaux, comme celui de la présomption d’innocence ou du secret de l’enquête pour préserver la manifestation de la vérité."
Précédemment, Gérard Miller avait réagi par écrit aux accusations le concernant, niant formellement avoir un jour contraint qui que ce soit, mais admettant qu'ayant été "un homme de pouvoir", "un rapport inégalitaire existait objectivement dans les relations" qu'il pouvait avoir "avec des femmes plus jeunes" que lui. Gérard Miller est aujourd'hui âgé de 75 ans et en avait 53 au moment des faits relatés par Aude dans sa plainte. Ils ne sont pas prescrits.