Erika : 12 ans de procédure contre Total pourraient être annulés

Jean-Pierre Bernard, maire de Mesquer, commune sinistrée de Loire-Atlantique - -
La Cour de cassation dira mardi en début d'après-midi si elle valide ou annule les condamnations, dont celle de Total, prononcées pour la marée noire déclenchée par le naufrage du cargo pétrolier Erika il y a presque 13 ans au large de la Bretagne.
Dans cette affaire, Total a déjà versé 171 millions d'euros aux victimes du naufrage, dont l'Etat, au titre de dommages et intérêts. Le pétrolier aurait parallèlement mobilisé un budget de 200 millions d'euros pour le nettoyage du littoral souillé. Mais la bataille juridique continue.
L'enjeu est de taille, puisqu'il s'agit de pérenniser le principe juridique d'un préjudice écologique qui avait lui-même été reconnu en première instance par la 11e chambre correctionnelle de Paris, le 16 janvier 2008, puis confirmé en appel dans un arrêt du 30 mars 2010.
Cette reconnaissance du préjudice écologique en dehors de tout intérêt économique constituait alors une avancée majeure pour la protection de l'environnement. Mieux, la cour en avait donné une définition : "Toute atteinte non négligeable à l'environnement naturel, à savoir notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité (...), qui est sans répercussion sur un intérêt humain particulier, mais affecte un intérêt collectif légitime". La condamnation au pénal avait été saluée par nombre d'élus concernés par le naufrage et défenseurs de l'environnement.
Vers un naufrage judiciaire ?
Tout aurait pu en rester là, mais le pétrolier s'est pourvoyé en cassation le 6 avril 2010.
En outre, en avril dernier, contre toute attente, l'avocat général Didier Boccon-Gibod a plaidé pour la "cassation sans renvoi". Autrement dit, la cour d'appel n'aura pas seulement à revoir sa copie, mais c'est toute la procédure qui pourrait être annulée. Le motif ? La justice française n'était pas compétente pour juger du naufrage d'un navire battant pavillon maltais, qui plus est en dehors des eaux territoriales françaises.
Naturellement, la réaction des élus des communes concernées a été violente. "Moi, de toute façon", si l'avocat de Total "a gain de cause, je lui amène tout le pétrole devant ses bureaux avec un tractopelle", a lancé la maire UMP de Batz-sur-Mer, Danielle Rival. Si les conclusions de l'avocat général étaient suivies cela signifierait "qu'on n'a strictement rien fait depuis l'Amoco Cadiz", a-t-elle encore estimé.
Le principe pollueur-payeur remis en cause ?
La pollution elle, a pourtant bien touché les côtes françaises, a inisté également Maître Corinne Lepage, avocate d'une dizaine de communes souillées à la suite du naufrage. "Il faut que tout pays dont la côte est touchée, où que se soit passé l'accident, puisse être le juge des dommages dont il est l'objet", a-t-elle ajouté.
Vidéo : Johanne Portal et Pierre-Emmanuel Becet