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Police-Justice

Enquête RMC sur ces agences de location très douteuses

Sans permis et plusieurs fois condamné, un jeune homme de 22 ans a pu louer ce 4x4 sans difficulté. Ivre, il a ensuite percuté une voiture de la BAC, tuant deux policiers.

Sans permis et plusieurs fois condamné, un jeune homme de 22 ans a pu louer ce 4x4 sans difficulté. Ivre, il a ensuite percuté une voiture de la BAC, tuant deux policiers. - -

Le chauffard qui a percuté délibérément une voiture de police jeudi sur le périphérique parisien, tuant deux policiers, roulait sans permis et avait été plusieurs fois condamné. Il a pourtant pu louer un 4x4 sans difficulté. RMC a enquêté sur ces agences de location de voitures de luxe, sans scrupules.

Hier jeudi, deux policiers de la BAC sont morts après avoir été percutés par un chauffard sur le périphérique parisien. Un troisième policier reste également ce vendredi matin hospitalisé dans un état critique. D’après les premiers éléments de l’enquête, leur véhicule a été percuté délibérément par l'arrière, alors qu'il tentait de freiner la course folle d'un 4x4 Range Rover. Le conducteur de ce 4x4, un jeune homme de 22 ans, plusieurs fois condamné, avait refusé de s'arrêter à un contrôle quelques minutes avant. Il roulait en état d’ébriété, 1,4 gramme d'alcool par litre de sang, et sans permis. Un 4x4 qu’il avait loué sans difficulté à une société de location de voitures de luxe qui, depuis plusieurs mois, faisait l’objet, comme beaucoup d’autres du même genre, d’une surveillance de la police parisienne.
RMC a enquêté sur ces sociétés de location. Et nous vous le confirmons : même sans permis, on peut y louer des véhicules très puissants.

« L’important pour moi, c’est la caution »

Première tentative de notre reporter, Hugo Perrier, qui se présente à un loueur de voitures en expliquant qu’il n’a plus son permis de conduire mais qu’il souhaite louer et surtout conduire une belle voiture de sport :
« - C’est compliqué ce que vous êtes en train de me dire, répond le commerçant. C’est vous qui allez conduire la voiture avec un autre permis ?
- Oui, c’est ça.
- Ne quittez pas. Et vous avez besoin de quoi comme voiture ?
- J’ai vu que vous aviez des Ferrari…
- Moi je veux bien, mais vous savez combien coûte une Ferrari chez moi ? Je suis à 2 200 euros la journée.
- C’est ok pour moi !
- Eh bah on va faire ça. Par contre, il me faut aussi une caution, monsieur. Sur ce genre de voiture, c’est 20 000 euros.
- Oui ok, c’est bon. Après, c’est moi qui la conduis hein ?
- Oui, pas de souci ! Tout ce que vous voulez ; le plus important pour moi, c’est la caution ».
Une caution donc. Et si possible en cash.

«On n’est pas censé savoir que vous avez rendu votre permis, donc on s’en fout»

Deuxième tentative, chez un autre loueur. Cette fois, Hugo prétend qu’il n’a qu’une copie de son permis de conduire, l’original étant en préfecture :
« - Est-ce que cela me suffit ?, demande-t-il au loueur.
- Normalement non, il faut le permis original. Après, nous on n’est pas censé savoir que vous avez rendu votre permis, donc nous on s’en fout. Mais si ça vous arrive, comme c’est arrivé ce matin, vous tuez deux policiers, bah vous allez en prison à vie », conclut le commerçant, quasi-imperturbable.

« On enquête quand il y a inadéquation »

Le principe est simple : tant que vous êtes solvable, ces sociétés qui louent des voitures de luxe trouveront toujours une solution. On comprend donc que de nombreux voyous qui souhaitent rouler, pendant un week-end ou plus, en Ferrari ou dans n’importe quelle autre voiture de luxe, frappent simplement à la porte de ces sociétés.
Ce que Christian Flaesch, le directeur de la Police judiciaire (PJ) de Paris, déplore. « Depuis plusieurs mois dans Paris, la police, et spécialement la BAC de nuit, procède à des relevés d’identités de conducteurs de véhicules de luxe, qui circulent notamment sur les Champs-Elysées, explique le patron de la PJ. Et lorsque nous avons une idée d’une inadéquation entre le profil du conducteur et le montant de la location de ces véhicules, nous ouvrons une enquête ».

Des loueurs qui jouent les indics ?

Une inadéquation malheureusement très fréquente : près de la moitié des personnes qui louent ce genre de véhicules seraient suspectes. Pourquoi ? Tout simplement parce que leurs revenus ne sont pas du tout en adéquation avec le prix de ces bolides à la location. Une façon très simple pour les policiers d'identifier des trafiquants. Et il y a une qualification pénale pour cela : on parle de de « non-justification de ressources ». L’hypothèse que l’on peut donc émettre et qui nous a été confirmée, c’est que la police laisserait tranquillement travailler ces sociétés de location qui en retour joueraient le rôle d’indics.

J.V. avec Hugo Perrier