"Elle avait le jargon, la robe": comment la fausse avocate qui tentait de voler au tribunal s'est fait repérer

Un avocat tient une copie du Code pénal, le 30 juin 2017 à Quimper. (Photo d'illustration) - Fred Tanneau - AFP
"On était au cœur de l’action". Ce jeudi 27 mars, une fausse avocate, suspectée d’avoir volé de vrais avocats, a été interpellée en plein procès des financements libyens où était jugé l’ancien président Nicolas Sarkozy.
Me Marine Schwalbert, avocate au barreau de Paris, avait repéré celle qui se faisait passer pour une avocate, robe noire sur les épaules, quelques minutes plus tôt. "J’étais au tribunal et plusieurs confrères ont expliqué qu’elle se trouvait dans une salle d’audience. Je me suis dit que j’allais y passer pour savoir s’il s’agissait bien d’elle", explique-t-elle à BFMTV.com.
"Il était question d'une personne, apparemment en robe"
Cette jeune femme est l’un des sujets de discussion des avocats ces derniers mois. "Ça a commencé vers le mois de février. On a commencé à avoir des alertes sur les groupes de discussion", relate Me Marine Schwalbert.
"Il était question d’une personne, apparemment en robe, consœur ou pas consœur, à l'époque on savait pas, qui profitait de voler dans les affaires des avocats qui les laissaient, en confiance, dans la salle d’audience."
Mercredi, veille de son interpellation, un nouveau message tombe. "Une consœur nous explique avoir été victime d’un vol de 500 euros", indique l’avocate. Une autre rapporte avoir, elle aussi, été volée. Une première description de la suspecte tombe. "Je me dis que j’ai déjà croisé cette personne", détaille Me Marine Schwalbert.
C’était en tout début de semaine, lundi. "J’étais de permanence en comparution immédiate. Elle était venue se présenter." Me Marine Schwalbert se souvient d’un comportement étrange: "on ne savait pas trop ce qu’elle faisait là." Celle qui se dit avocate botte en touche quand on lui demande dans quel dossier elle doit intervenir. "On ne savait pas dans quel dossier elle intervenait ou pas, c’était très bizarre", pense avec du recul l’avocate inscrite au barreau de Paris.
Me Marine Schwalbert reçoit la photo de la suspecte. C’est confirmé, elle l’a bien croisée lundi au tribunal. Jeudi, après avoir reçu l’alerte de ses confrères, l’avocate reconnaît immédiatement la suspecte qui sort d’une salle d’audience.
"Ne pas l'arrêter pendant que les réquisitions sont en cours"
"Je me suis dit: 'c’est elle' et j’ai prévenu un de mes confrères", explique Me Marine Schwalbert. "On se dit qu’on va lui suivre un peu pour voir si elle se rend dans une nouvelle salle d’audience."
La fausse avocate entre dans la salle d’audience du procès Sarkozy. "On appelle à ce moment-là notre bâtonnier." Les personnes qui doivent l’être sont prévenues. "Il est décidé de ne pas l’arrêter pendant qu’elle est dans la salle d’audience et que les réquisitions sont en cours", souligne Me Marine Schwalbert. "On a attendu la suspension, on pensait qu’elle sortirait."
L’audience est suspendue, mais elle ne sort pas. "Une consœur sort de la salle d’audience et nous explique qu’une personne qui porte la robe a un comportement assez étrange, car elle regarde dans le sac d’une collaboratrice sur le banc des parties civiles.”
"On entre tous dans la salle, il y avait en plus un officier de police judiciaire sur place", détaille Me Marine Schwalbert qui reconnaît la jeune femme. "Elle est sortie de la salle d’audience." La suspecte, qui n'a aucune carte d'avocat, est escortée dans une petite pièce à l’abri des regards, interrogée puis emmenée par les policiers.
"Elle discute, elle parle de ses dossiers"
Un avocat parisien a déposé, ce jour, plainte contre la suspecte pour des faits qui remontent au 27 février dernier. Ce jour-là, l’avocat rencontre ce qu’il pense être une consœur. "Son histoire collait, elle est restée assise sur le banc de la défense", détaille l’avocat. Elle affirme être le conseil d’un des commanditaires de l’évasion de Mohamed Amra.
"Elle avait le jargon, elle avait la robe, je n’aurais pas pu me douter", poursuit-il. "Sur le banc des avocats, elle discute, elle parle des dossiers dans lesquels elle est intervenue: des vraies histoires de dossier qu’elle a dû entendre ailleurs", pense Me Anne-Sophie Lagens.
L’avocat parisien, lui, se rappelle avoir été surpris "qu’elle soit dans le dossier Amra". Il se souvient d’une femme "qui parlait fort, racontait sa vie". Comme à son habitude, il laisse son sac un instant dans la salle d’audience où la confiance règne entre confrères.
En rentrant chez lui, il découvre qu’il lui manque une centaine d’euros d’argent liquide. "J’ai eu une intuition, j’ai pensé à cette personne", explique l’avocat parisien qui obtient une photo de la fausse avocate: c’est bien elle qu’il a croisée dans cette salle d’audience où il plaidait en comparution immédiate.
Le parquet a indiqué à BFMTV.com que l'intéressée était présentée ce samedi 29 mars à un magistrat instructeur dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs de "vol", "tentative de vol", "port illégal de costume" et "exercice illégal de la profession d'avocat". Des réquisitions de placement sous contrôle judiciaire devraient être prises, précise le parquet.