Des patients lancent une procédure judiciaire contre un médicament prescrit contre la calvitie

Une boîte de Propecia, le médicament prescrit contre la chute de cheveux pour les hommes - Ryan/Flickr
Le 7 juin 2016, Romain Mathieu, 25 ans, s'est donné la mort, ne pouvant plus supporter les troubles et les multiples douleurs qu'il subissait quotidiennement depuis plusieurs années. Depuis 2010, affirme sa mère, et le début de la prise d'un traitement: le Propecia. "Lors d'un rendez-vous, le dermatologue lui a prescrit ce médicament afin de prévenir la calvitie", témoigne Sylviane Millon-Mathieu, qui a vu son fils sombrer peu à peu dans la dépression, et ce malgré l'arrêt du traitement.
Pour faire reconnaître ce qu'ils considèrent comme un "défaut d'informations", plusieurs hommes traités avec du Propecia ou leur famille vont attaquer au civil le laboratoire MSD qui commercialise le médicament, a-t-on appris, confirmant une information d'Europe 1. Dès le mois d'avril, trois référés-expertise vont être déposés au tribunal de grande instance de Nanterre. Cette procédure vise à faire désigner un expert judiciaire qui doit "établir un lien de causalité", explose Me Charles Joseph-Oudin, l'avocat des patients.
Des problèmes de libido au suicide
En 2010, 32.000 patients par mois se voyaient prescrire la molécule finastéride, connue sous le nom de Propecia et commercialisée depuis 1999. Véritable pilule miracle, elle doit lutter contre la calvitie en bloquant l'action de la testostérone sur les follicules du cuir chevelu et ralentir la chute des cheveux. Un traitement à destination des 18-41 ans. "Comme tout perturbateur endocrinien, il perturbe les hormones et les hormones, c'est la vie", rappelle Sylvaine Million-Mathieu, qui préside l'association AVFIN, l'Aide aux Victimes du Finastéride.
Elle a créé cette association après la mort de son fils en 2016. Six ans plus tôt, alors âgé de 19 ans, il s'est vu prescrire du Propecia. "A l'époque, on nous assuré qu'il n'y avait pas d'effets secondaires", insiste Sylvaine Million-Mathieu. Le jeune homme a rapidement souffert de problèmes de libido, puis de pertes de mémoire, avant de vivre avec des multiples douleurs. Le rapprochement avec le traitement pour la calvitie n'a pas été immédiat mais Romain Mathieu a subi plusieurs protocoles sans succès. Diplômé et fraîchement embauché, le jeune homme s'est suicidé.
"L'autopsie a démontré que la rate et l'estomac de mon fils étaient fichus", explique Sylvaine Millon-Mathieu.
Retard d'information des autorités
En 2012, l'ANSM, l'agence du médicament, mettait en place une surveillance des effets secondaires du Propecia et mettait en garde contre les risques de troubles d'érection mais affirmait qu'"à ce jour le lien de causalité entre la prise de finastéride et la persistance des troubles de l’érection, après l’arrêt du traitement, n’est pas établi". Ce n'est que 5 ans plus tard, en 2017, que la notice du Propecia a été modifiée avec l'intégration des effets sur la fertilité mais aussi des conséquences sur l'humeur accompagnée de "pensées suicidaires". "Il n'y a rien sur les effets physiques", se désole la présidente de l'AVFIN citant les problèmes musculaires ou d'altération de l'immunité.
Au début du mois de février, l'Agence du médicament émettait un rappel à l'attention des professionnels de santé pour les alerter "sur les risques de troubles psychiatriques et de la fonction sexuelle lors d'un traitement par finastéride ainsi que de la conduite à tenir en cas de survenue de ces effets indésirables". L'ANSM a reçu 350 déclarations de pharmacovigilance, ce qui représenterait 5% des victimes réelles selon l'AVFIN. "Nous aurions été Suédois, Italiens ou Américains, les choses auraient été différentes", regrette Sylvaine Millon-Mathieu, rappelant que certains pays ont alerté les patients sur les effets secondaires et surtout leur persistance après l'arrêt du traitement.
Aujourd'hui, 14.900 patients se verraient toujours prescrire le médicament. L'objectif de la procédure judiciaire est d'obtenir une reconnaissance en tant que victimes, une information complète et un arrêt de la prescription de Propecia pour lutter contre la calvitie. Au total, ce sont 60 dossiers qui pourraient être présentés à la justice française.