"Des conditions hors normes": ce que l'on sait du premier transfèrement de narcotrafiquants à la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil

La première prison de haute sécurité de France a officiellement accueilli ses premiers détenus ce mardi 22 juillet à Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais. 17 narcotrafiquants sont désormais incarcérés dans ce centre pénitentiaire hors norme, aux conditions de détention très strictes, sur les 100 qui y seront transférés à terme.
• 17 détenus en provenance de la région parisienne
La prison de Vendin-le-Vieil avait été vidée dernièrement de la grande majorité de ses occupants, à l'exception de quelques grands condamnés tels que le braqueur aux évasions spectaculaires Rédoine Faïd ou encore le terroriste des attentats de novembre 2015 Salah Abdeslam.
Les 17 narcotrafiquants sélectionnés ont ainsi pu être déplacés de leur prison initiale jusqu'au tout nouveau quartier de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) ce mardi matin, "dans des conditions de sécurité hors normes", souligne le garde des Sceaux.
Selon nos informations, ces premiers détenus étaient jusqu'ici incarcérés en région parisienne, à la prison de la Santé ou encore dans celle de Meaux (Seine-et-Marne).
Ils présentent des profils différents. Au moins un trafiquant de stupéfiants œuvrait à Marseille, l'une des villes les plus concernées par le narcotrafic en France.
Un autre détenu a été mis en examen dans une procédure ouverte par une juridiction interrégionale spécialisée, et n'est donc pas encore condamné. Enfin, un autre homme a été condamné il y a plus de dix ans à une lourde peine dans le cadre d'un trafic de stupéfiants très médiatisé à l'époque.
• Des conditions de détention durcies
Dans l'esprit de Gérald Darmanin, les QLCO sont destinés à empêcher les narcotrafiquants de pouvoir poursuivre leur trafic depuis les cellules où ils demeurent. De nombreuses mesures sont ainsi mises en place pour leur empêcher tout contact extérieur.
Des travaux d'aménagement, au coût total de 4 millions d'euros, ont donc été menés au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil pour en faire un lieu de haute sécurité.
Des parloirs hygiaphones ont ainsi été installés, empêchant tout contact physique avec les détenus lors d'une visite. Les cellules sont désormais équipées d'un double menottage à la porte, et des grilles et caillebotis ont été fixés aux fenêtres.
Des salles de visio-conférence ont également été créées pour favoriser les auditions par les magistrats, et tout est fait pour priver les détenus de téléphones portables.
Dans l'ensemble, les conditions de détention des prisonniers ont été particulièrement durcies. Les plages horaires auxquelles ils ont accès aux cabines téléphoniques ont été réduites, pour atteindre au maximum deux fois deux heures par semaine. Les autorités ont garanti de pouvoir effectuer des écoutes en temps réel des échanges.
Des fouilles intégrales à nu sont prévues à chaque fois qu'un détenu croise quelqu'un d'extérieur à la prison, tel qu'un intervenant, ou son avocat. Les unités de vie familiale, où les détenus avaient la possibilité de voir leurs proches, sont également supprimées.
• Les avocats des détenus "très inquiets"
Des conditions de détention très strictes et lourdement dénoncé par les avocats des détenus concernés, qui alertent sur un "recul absolu de nos libertés".
"Ce qui est en train de se passer est largement considéré comme une honte pour la République", a estimé Me Marie Violleau sur BFMTV, alors qu'au moins un de ses clients a été transféré à Vendin-le-Vieil.
"Très inquiets", de nombreux avocats entendent contester l'incarcération de leurs clients dans ces conditions de haute sécurité, notamment en s'appuyant sur le cas de Rédoine Faïd.
La chambre d'application des peines de la cour d'appel de Douai a reconnu ce lundi 21 juillet que ses conditions de détention, très similaires aux conditions qui attendent les narcotrafiquants, étaient "contraires à la dignité de la personne humaine".
"Notre ministre utilise la peur que génère le narcotrafic comme un argument électoral", a dénoncé Maître Marie Violleau sur BFMTV, qui critique également le manque de débat contradictoire avec l'État.
• De nouveaux transfèrements à venir dont Amra
D'ici au 31 juillet, d'autres vagues de transfèrements doivent être organisées afin de remplir le quartier de lutte contre la criminalité organisée de Vendin-le-Vieil et y intégrer 100 détenus.
Pour mener à bien ces transfèrements, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, a envoyé un télégramme aux préfets afin de renforcer la sécurité autour des établissements pénitentiaires mais aussi autour de "tous les lieux qui incarnent l'autorité ou la représentation de l'État".
"La bonne réussite de cette opération constitue un test important pour l'autorité de l'État", a souligné le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.
Parmi les personnes attendues pour intégrer la prison de haute sécurité, un détenu est particulièrement scruté: Mohamed Amra. Toujours détenu à Condé-sur-Sarthe (Orne), il a reçu le 15 juillet dernier une notification lui indiquant qu'il allait être transféré, sans que la date exacte ne soit communiquée.
Le narcotrafiquant à l'origine de l'attaque de fourgon mortelle sur un péage de l'Eure "n'a pas souhaité de débat contradictoire" sur son transfèrement, selon son avocat Me Benoît David qui s'est exprimé sur BFMTV.
Un autre avocat de Mohamed Amra, Me Lucas Montagnier, a d'ailleurs écrit lundi à Gérald Darmanin pour lui demander un assouplissement des conditions de détention de son client, avec notamment l'installation d'une cabine téléphonique dans sa cellule, et le fait qu'il puisse voir ses avocats sans être menotté.
• Bientôt le tour de la prison de Condé-sur-Sarthe
Après l'arrivée de tous les détenus à Vendin-le-Vieil, Gérald Darmanin va se tourner vers sa deuxième prison de haute-sécurité, à Condé-sur-Sarthe. D'ici au 15 octobre, l'établissement doit subir lui aussi des travaux pour accueillir à terme 100 autres narcotrafiquants.
Gérald Darmanin estime qu'il y a entre 600 et 700 détenus présentant un profil similaire et inquiétant qui méritent, à ses yeux, d'être incarcérés dans les conditions dictées par ces centres pénitentiaires de haute sécurité.
Un troisième QLCO devrait un jour ouvrir ses portes en Guyane. Fort d'un investissement de 400 millions d'euros d'ici 2028, cette initiative doit permettre "d'éloigner durablement les têtes de réseaux du narcotrafic", selon la promesse de Gérald Darmanin.