De directeur de la station de ski à homme d'affaires sulfureux, qui était Ziad Takieddine, personnage central de l'affaire libyenne?

Il était l'un des personnages clé de l'affaire Sarkozy-Kadhafi. Ziad Takieddine est mort à l'âge de 75 ans à Beyrouth, a appris BFMTV ce mardi 23 septembre auprès de son avocate, confirmant une information du Point. À deux jours de la décision du tribunal correctionnel de Paris sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle 2007 de l'ex-président Nicolas Sarkozy.
D'après son avocate, Me Elise Arfi, il "était détenu à la prison de Tripoli (nord du Liban) depuis un mois sur la base d’une action en justice intentée par son avocat (libanais) qui affirmait qu’il ne l’avait pas payé", et est décédé à l'hôpital après une crise cardiaque.
Ce sulfureux homme d'affaires franco-libanais était l'un des principaux intermédiaires présumés dans le dossier Sarkozy-Kadhafi. Ziad Takieddine était également le principal accusateur de l'affaire des soupçons de financement libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy.
Connu pour ses déclarations fluctuantes, il avait mis en cause à de multiples reprises l'ancien chef d'État pour avoir reçu, prétendait-il, des financements de la part du dictateur libyen Mouammar Kadhafi et de ses lieutenants. L'ancien président de la République avait en retour dénoncé les propos de ce "grand manipulateur".
Volte-face et coup de théâtre
Issu de la bourgeoisie libanaise, Ziad Takieddine, d'abord publicitaire, est arrivé en France dans les années 80, fuyant son pays déchiré par la guerre civile. Il y était devenu directeur général de la station de ski Isola 2000. Il s'était alors noué d'amitié avec des personnalités publiques. Notamment François Léotard, avant qu'il ne devienne ministre de la Défense d'Edouard Balladur. "Au début des années 90, dans l'avion, il va croiser un vieux copain de fac qui est devenu vendeur d'armes", rappelle Fabrice Arfi, journaliste à Mediapart, auprès de BFMTV.
Dès mai 2012, Ziad Takieddine avait assuré à la presse que le financement de la campagne de l'ex-chef de l'État français par la Libye était "la vérité". La même année, il avait déclaré devant un juge détenir des preuves de ce financement.
L'homme d'affaires s'était exprimé sur cette affaire à de nombreuses reprises dans la presse. Dans une interview en 2013, il avait affirmé que de l'argent avait été versé par la Libye à Nicolas Sarkozy et Claude Guéant. Fin 2016, l'intermédiaire avait réitéré ses propos. Dans une vidéo publiée par Mediapart, il avait affirmé avoir remis cinq millions d'euros en liquide, provenant de Libye, en 2006 et 2007 à ces mêmes Nicolas Sarkozy et Claude Guéant. Ces derniers avaient farouchement démenti. Ziad Takieddine avait été mis en examen dans cette enquête sensible, notamment pour complicité de corruption et trafic d'influence. Il avait ensuite confirmé à plusieurs reprises ses accusations devant le juge d'instruction. "Ce qui est certain, c'est que de l'argent lybien a été versé en France, la question est de savoir s'il a servi à financer la campagne de Nicolas Sarkozy, c'est à la justice d'y répondre", explique Alexandra Gonzalez.
Volubile et parfois confus dans ses explications, Ziad Takieddine avait connu en parallèle d'autres soucis judiciaires sur des dossiers plus anciens. La cour d'appel de Paris a en effet confirmé début 2025 sa condamnation à cinq ans de prison ferme dans le volet financier de la tentaculaire affaire Karachi, un système de commissions occultes sur des contrats d'armement français avec l'Arabie saoudite et le Pakistan au mitan des années 1990.
Fin 2020, coup de théâtre: le septuagénaire, en fuite au Liban après sa condamnation en première instance dans l'affaire Karachi, avait dédouané Nicolas Sarkozy auprès de BFMTV et Paris-Match. Il expliquait que l'ex-président "n'a pas eu un financement libyen pour la campagne présidentielle" de 2007.
Mais en janvier 2021, Ziad Takieddine avait de nouveau incriminé l'ex-président de la République lors d'une audition par les juges français, en assurant que ses propos avaient été "déformés". Cette rétractation temporaire avait entraîné l'ouverture d'une information judiciaire en juin 2021 pour subornation de témoin et association de malfaiteurs. Une douzaine de personnes sont mises en cause à des degrés divers, dont Nicolas Sarkozy, Carla Bruni-Sarkozy et la reine de la presse people, Mimi Marchand.
Ziad Takieddine, en fuite au Liban, était visé par un mandat d'arrêt dans le dossier Sarkozy-Kadhafi dans lequel le tribunal correctionnel de Paris doit rendre jeudi son jugement. Ce même tribunal qui, en raison du décès de présumé intermédiaire, devrait déclarer l'action publique éteinte à son encontre.