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Police-Justice

Culture du viol: le juge estime que la victime s'est soustraite à son "devoir conjugal"

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - AFP

Un magistrat du tribunal de Nanterre risque des sanctions pour avoir fait remarquer à une femme menacée de mort par son mari qu'elle ne remplissait pas son "devoir conjugal".

Se soustraire au "devoir conjugal", un motif valable de violences conjugales? Lors du procès d'un homme qui était jugé la semaine dernière pour menaces de mort réitérées par conjoint, le juge des comparutions immédiates du tribunal de Nanterre a rappelé à plusieurs reprises que sa compagne, qui était menacée, se soustrayait au "devoir conjugal". 

"Le président se permet cette remarque sidérante: 'Ah effectivement madame, si vous vous soustrayez à votre devoir conjugal, on peut comprendre...''', rapporte Migueline Rosset, l'avocate de la victime, à L'Express.

"Je vais t'asperger d'essence"

Hocine, 48 ans, employé de mairie dans les Hauts-de-Seine, harcelait son épouse et lui promettait de repartir "en Tunisie entre quatre planches". Ou encore: "Je vais t'asperger d'essence". La victime assure avoir été victime de violences physiques et psychologiques depuis dix ans. 

L'accusé n'a pas nié les faits -les propos avaient été enregistrés par la victime qui avait décidé de faire chambre à part depuis près d'un an afin d'échapper à son mari. "C'est terrifiant! C'est une violence de plus faite à cette femme", a regretté Migueline Rosset pour Les Nouvelles News. Elle appelle à des sanctions à l'encontre du magistrat.

"Il a insisté. Par trois fois, il est revenu sur le 'devoir conjugal' en expliquant même qu'il avait été juge aux affaires familiales et qu'il savait de quoi il parle! Mais enfin, le 'devoir conjugal', ça n'existe pas. On n'est plus dans les années 1960", a-t-elle ajouté, interrogée par Le Parisien.

"La caricature de ce qu'il ne faut pas faire"

Le Code civil en effet ne mentionne pas de "devoir conjugal", rappelle La Parisienne. Dans l'article 212, il précise néanmoins que "les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie".

Le jour même, l'avocate a adressé un courrier au président du tribunal de grande instance de Nanterre, qui a convoqué le magistrat dans la soirée. Ce dernier doit à nouveau être convoqué en début de semaine, des "mesures conservatoires" pourraient être prises, selon Le Parisien.

"De tels propos tiennent de la caricature de ce qu'il ne faut pas faire", a regretté un responsable du tribunal pour le quotidien. "Cette triste affaire va à contre-courant de tout ce que l'on a mis en place et ce que l'on continue à faire pour traiter les violences conjugales."

L'expression a enflammé les réseaux sociaux. De nombreux internautes ont dénoncé le sexisme et la culture du viol diffusés par de tels propos. D'autres ont également tenu à rappeler que le "devoir conjugal" n'existait pas.

L'accusé a quant à lui été condamné à six mois de prison avec sursis assortis d'une mise à l'épreuve de 18 mois.

Céline Hussonnois-Alaya