Comment la police et les gendarmes enquêtent sur les feux de forêts

Six feux ont éclaté mardi dans les Bouches-du-Rhône. - Xavier Leoty
Restreindre le périmètre d'enquête à la plus petite zone. C'est le travail que devront faire les experts après le violent incendie qui a ravagé plus de 1000 hectares à Martigues et nécessité l'évacuation de 2700 personnes. Alors que les sapeurs-pompiers sont toujours en train de lutter contre les fumerolles toujours allumés, la question de l'origine du feu se pose. Accidentel, volontaire? C'est aussi à cette question que les enquêtes ouvertes par les parquets de Bordeaux et Bayonne vont devoir répondre après les feux à Tuzan et Anglet.
Quelque soit le feu de forêt, la première préoccupation des enquêteurs est l'observation. "D'un point de vue des investigations, la méthode utilisée est systématique", explique Guillaume Cognon, le chef du département environnement-incendies-explosifs à l'IRCGN, l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie. "Il faut rechercher l'origine de l'incendie, expliquer comment le feu s'est déclenché et évaluer si la propagation est compatible avec ce qui est observé."
Remonter le temps
Premiers intervenants, les pompiers sont primordiaux pour déterminer l'origine des feux, notamment par leurs clichés. Les vues aériennes des dégâts provoqués par les flammes qui peuvent détruites peuvent permettent d'identifier la zone d'où est partie l'incendie.
"Nous travaillons par exclusion", poursuit le lieutenant-colonel. "L'idée n'est pas de ratisser toute la zone touchée par l'incendie mais elle est d'exclure les zones sur lesquelles l'incendie n'a pas pris."
Ensuite, il s'agit de remonter le temps, la propagation du feu dépendant de la végétation, avec des arbres plus ou moins pyrophiles, de la topographie, avec un terrain en pente qui accélérera la vitesse du feu mais aussi le vent. Tous ces éléments vont dans un premier temps donner un cadre sur les causes du sistre. "S'il y a plusieurs départs de feu ou si quelque chose n'a pas brûlé comme le reste, l'origine apparaît suspecte, que ça soit criminel ou délictuel", estime Guillaume Groult, secrétaire national adjoint du syndicat de police scientifique Snipat.
Action fortuite ou volontaire?
Sur place, la zone est donc quadrillée, ratissée pour essayer de comprendre comment le feu a pu prendre à cet endroit-là précisément. Sur place, des chiens spécialisés dans la recherche en produits combustibles ou encore des enquêteurs dotés de détecteurs portables d'hydrocarbure sont déployés, notamment. La clé de cette phase d'enquête. La difficulté supplémentaire est que le feu a modifié la scène, détruit les preuves.
"Il faut qu'il y ait ce qu'on appelle le triangle du feu", commente Guillaume Cognon. "Pour qu'un feu prenne, il faut un combustible, de l'oxygène et une source d'énergie."
La source d'énergie va déclencher l'incendie. Si cette source n'est pas sur place, ou pas naturelle, la piste volontaire est privilégiée. "Il s'agit d'examiner les traces au sol, les calcinations, les dégradations", poursuit le lieutenant-colonel Cognon. "S'il n'y a pas de sources de chaleur, c'est qu'il y a une intervention humaine." Idem si le terrain est difficilement inflammable. La difficulté reste de savoir s'il s'agit d'une action fortuite, comme dans le cas des mégots jetés dans une végétation sèche, ou de manière volontaire.
Accident ou incendie volontaire?
Sur place, il y a des prélèvements techniques de matière, tous les objets suspects sont récupérés, que ce soit des résidus de briquet, de boîte d'allumette, des effets utilisés par des gens avant que le feu ne se déclenche. La seconde phase se passe alors dans les laboratoires d'expertises de la police ou de la gendarmerie. Ces prélèvements faits sur le terrain et ramenés dans des bocaux de verre, des sacs spéciaux ou encore un récipient métallique, sont analysés.
Identification d'un produit combustible, recherche d'ADN sur un mégot ou un objet... tous les services scientifiques de la police ou de la gendarmerie sont mêlés à l'enquête. La qualification criminelle peut alors être donnée en cas de victimes, de blessés graves, d'une superficie brûlée importante ou si le préjudice est élevé. Tous les éléments obtenus par ces experts policiers serviront ensuite à l'enquête judiciaire.