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Cinq ans après l'incendie du Cuba Libre à Rouen, "toujours la même douleur" pour les familles

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Les familles des victimes se sont rassemblées cette nuit devant la stèle érigée en hommage aux 14 jeunes tués dans la nuit du 4 au 6 août 2016. Les gérants du bar, condamné en 2019, ont depuis bénéficié d'une libération anticipée.

A Rouen, un rassemblement a eu lieu cette nuit pour rendre hommage aux 14 victimes tuées dans l'incendie du bar transformé en discothèque, le Cuba Libre, en août 2016. Si les responsables ont depuis été condamnés, la douleur demeure intacte au sein des familles des victimes.

"C'est toujours la même douleur"

Parents, frères et amis se sont réunis cette nuit, silencieusement, devant la stèle érigée près de l'établissement où a été tué l'un de leur proche: "On se sent obligés de venir, pour retrouver les familles. On se soutient moralement, explique à BFMTV Alain Legros, venu avec sa femme Jeanne-Marie. Ils ont perdu leurs deux fils, Steeve et David, ce soir-là:

"Cinq ans après c'est toujours la même douleur. Avec le temps ça ne s'estompe pas. Je pensais qu'on pourrait oublier, mais il y a des nuits, ce ne sont que des cauchemars."

Dans la nuit du 5 au 6 août 2016, un incendie s'est déclaré dans ce bar où les victimes fêtaient les 20 ans d'une jeune femme. Dans le sous-sol de l'établissement, aménagé sans autorisation en boîte de nuit, deux bougies du gâteau d'anniversaire, des fontaines à étincelles, enflamment le plafond de l'escalier.

Certains participants parviennent à s'échapper mais l'incendie provoque la panique dans le sous-sol de 24,4 m² où l'unique issue de secours était verrouillée. Brahim, David, Donatienne, Florian, Jennifer, Julie, Karima, Mavrick, Mégane, Ophélie, Romain, Sarah, Steeve, Zacharia, tous âgés de 18 à 25 ans, périssent dans l'incendie - l'un d'eux mourra un mois après à l'hôpital des suites de ses blessures.

Libération anticipée

En octobre 2019, le tribunal correctionnel de Rouen a condamné les deux gérants du bar le Cuba Libre à cinq ans d'emprisonnement, dont trois ferme. Ils ont été reconnus coupables d'une longue liste de manquements à la sécurité, dont ceux d'avoir laissé verrouillée l'unique porte de secours du sous-sol, alors que les murs et les plafonds étaient recouverts de plaques de mousse en polyuréthane insonorisante mais extrêmement inflammable et fumigène.

Dix mois après leur condamnation, ils ont pu quitter la maison d'arrêt du Havre en janvier, bénéficiant d'une libération anticipée, sous bracelet électronique. Une situation insupportable pour les familles des victimes:

"Ce soir, c'est vraiment la colère et la haine qui prennent le dessus parce que quand je regarde la plaque, je vois les prénoms de nos enfants. Et je pense que les coupables sont tranquillement chez eux, avec leurs familles", s'indigne auprès de BFMTV Johnny Autain, le père d'une des victimes.

Et de poursuivre:

"Depuis cinq ans, j'ai une déchirure. J'ai une plaie au cœur qui ne se refermera jamais. Ma vie est terminée."

Aucun contrôle à l'échelle nationale

Depuis le drame, la municipalité de Rouen a intensifié des contrôles inopinés dans les établissements de nuit. Après le drame, le préfet avait organisé une inspection des autres bars de la ville, en particulier dans les 35 établissements bénéficiant d'un sous-sol ou d'un étage. A l'époque, seule une dizaine d'entre eux était conformes aux règles de sécurité.

A l'échelle nationale, ces contrôles concernant la sécurité face aux incendies ne sont toujours pas obligatoires, au grand dam de certains élus. Le député de Seine-Maritime Sébastien Jumel avait ainsi déposé une proposition de loi pour que les bars "avec boîtes de nuits improvisées fassent l'objet de contrôles plus strictes", rapporte France 3 Normandie. Mais la proposition n'a jamais abouti.

Esther Paolini Journaliste BFMTV