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Police-Justice

Cibles d'attaques, les militaires ont le blues

Au lendemain de l'attaque dont ont été victimes six militaires de l'opération Sentinelle à Levallois-Perret, de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer le dispositif et réclamer sa suppression.

"L'armée, elle est faite pour défendre notre territoire, l'armée, elle est faite pour faire la guerre dans les opérations extérieures. On ne peut pas demander à l'armée de se substituer ou d'être des supplétifs des forces de police." A l'instar de Georges Fenech, ex-député LR et ancien président de la commission d'enquête sur les attentats de 2015, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer la fin de l'opération Sentinelle estimant que les militaires ne remplissent pas leur rôle s'ils sont déployés sur le sol français. Et parmi elles, celle des principaux concernés, les militaires.

Depuis 2015 et les attentats contre Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, 7.000 hommes - et 3.000 réservistes - sont déployés sur le territoire pour assurer la sécurité de 1.500 sites sensibles. Si les gardes statiques, plus contraignantes, ont été abandonnées au profit de missions mobiles, la fatigue des militaires est présente. Car, physiquement, l'effort reste le même: chaque jour, ces militaires parcourent près de 25 km à pied, avec un gilet de protection pesant entre 20 et 25 kilos entre autre comme équipement.

Des insultes tous les jours

50% des soldats disent ne plus pouvoir concilier vie professionnelle et vie de famille, selon l'ex-chef d'état major des armées, Pierre de Villiers. "Ils n'en peuvent plus, on ne va pas tourner autour du pot. Ils n’en peuvent plus. Ils font plus de 200 jours de Sentinelle pour certains par an", tranche sur BFMTV cet ancien militaire, qui s'exprime sous anonymat. Car, les soldats, en raison de leur devoir de réserve, n'ont pas le droit de s'exprimer publiquement. Alors, ce sont leurs proches qui expriment leur malaise qui se ressent au quotidien. "On voit que ce sont eux qui sont pris pour cible de plus en plus souvent, reconnaît Laetitia, la femme d'un militaire. Mais c’est tous les jours qu'ils ont des incivilités, qu'ils se font insulter, qu'ils se font cracher dessus, qu'ils se font bousculer."

Avant de redouter le pire: "Qu’est-ce qu’il faut qu’on attende? Qu’il y ait un mort? D’accord, ce sont des militaires, mais pour nous, avant tout, ce sont nos maris et les pères de nos enfants."

Outre la surcharge de travail, l'Etat ne mettrait pas à leur disposition tous les moyens nécessaires pour assurer dans de bonnes conditions leurs missions. "On les loge dans le nord de Paris, à côté des quartiers de Roms, dans des quartiers malfamés où ils ne pouvaient plus sortir par crainte des agressions", déplore l'ex-militaire. Un constat partagé par les policiers qui complètent le dispositif de sécurité Sentinelle, alors que les cas d'insalubrité de leur cantonnement se multiplient ces dernières semaines.

Des "preuves d'amour" attendues

L'annonce d'une coupe budgétaire de 850 millions pour l'exercice 2017, annoncée par le gouvernement au milieu du mois de juillet, est forcément mal passée. "Les militaires sont de grands sentimentaux, ironise Dominique Trinquand, général de brigade. Les discours d’amour, ils aiment bien, mais ils préfèrent les preuves d’amour. Les preuves d’amour, ça se concrétise par un budget. A partir du moment où on dit que les armées doivent être prioritaires, les armées ont du mal à comprendre de payer une partie du déficit public français.

"On veut que nos soldats fassent rempart et d’un autre côté on ne leur donne pas un minimum de respect pour qu’ils puissent se reposer et se nourrir décemment pour pouvoir assumer les missions qu’on leur donne", renchérit l'ancien militaire.

Au delà de cette reconnaissance, les militaires de l'opération Sentinelle seraient également déstabilisés par l'essence même des missions qu'ils ont à accomplir depuis deux ans et demi. "Cela ne correspond pas à la volonté qu’ils avaient en s’engageant qui était d’aller combattre pour la France, bien sûr, mais d’aller à l’étranger même si les conditions sont très certainement beaucoup plus dures au Mali", estime Dominique Trinquand. Tout ne serait pourtant pas si noir: "Il y a une fatigue mais les militaires ils sont là pour servir", rappelle Jacques Bessy. Pour le président de l'association de défense des droits des militaires, les remontées "très défavorables" du terrain ont été prises en compte.

"Il y a eu une amélioration assez notable des conditions matérielles", conclut-il.

Justine Chevalier