Cancers des dockers: "ce jugement fait jurisprudence"

Des cargos sur les docks de Saint-Nazaire, mars 2014. - Frank Perry - AFP
Trois ans après sa mort, le tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) de Nantes a reconnu le cancer de Jean-Luc Chagnolleau, un docker du port de Nantes Saint-Nazaire, comme maladie professionnelle vendredi. Un espoir pour des dizaines d'autres malades en France, comme le confirme Serge Doussin. Proche de Jean-Luc Chagnolleau, il est aujourd'hui président de l'Association pour la protection de la santé au travail des métiers portuaires qui a soutenu la famille du docker. Il réagit au jugement du Tass sur BFMTV.com.
Comment avez-vous réagi à l'annonce du tribunal?
L'épouse de Jean-Luc Chagnolleau n'ayant pu venir, elle nous avait donné mandat. Nous avons des liens d'amitié très forts. C'était un sentiment bizarre. On avait forcément des souvenirs de la souffrance physique et morale de Jean-Luc. Et à la fois, il y avait cet espoir de pouvoir avoir des réponses aux questions qui se posaient pour lui, sa famille, et ses copains dockers.
Quelle est l'histoire de Jean-Luc Chagnolleau?
Il a engagé une procédure pour contester les décisions de la sécurité sociale au sujet de son cancer du rein et de la thyroïde. Le dossier a été renvoyé à quatre reprises devant des comités de reconnaissance de maladie professionnelle. Tout le monde nous a dit qu'il n'y avait pas de littérature médicale qui établissait le lien entre la pathologie et le milieu de travail. Sa maladie n'était pas dans les grilles. Pourtant, le taux de pathologies est anormalement élevé chez les dockers. Nous avons finalement eu l'opportunité de monter une étude avec des scientifiques financée par le Conseil régional, la Direccte, les mutuelles…
Quel en a été le résultat?
Un chercheur, Christophe Coutanceau, a pu reconstituer la carrière d'ouvriers dockers malades à partir de leurs fiches d'activités. Les quais, la mission, le type de marchandises… tout y était répertorié. Le comité scientifique a ainsi pu établir qu'il y avait des cancérogènes dans les marchandises et que les dockers étaient poly-exposés à de nombreux polluants.
Quels sont les enjeux de la décision de vendredi?
Le Tass reconnaît l'ensemble des pathologies dont Jean-Luc Chagnolleau a souffert et établit un lien causal avec ses conditions de travail en s'appuyant sur le rapport scientifique. C'est un jugement particulièrement important pour lui, qui voulait savoir pourquoi il était malade. Ses motivations sont enfin reconnues. Mais il y a également un caractère collectif majeur. Ce jugement fait jurisprudence. Les dockers sont exposés à plusieurs cancérogènes et ils risquent plusieurs types de cancers: rein, prostate, thyroïde… L'argumentation du jugement va permettre de défendre d'autres dockers.
Qu'allez-vous faire désormais?