Bordeaux: verdict attendu dans le procès sous haute tension des meurtriers présumés de Lionel, tué par balle à 16 ans

À son ouverture, il y a deux semaines, une violente bagarre avait éclaté dans l'enceinte du palais de justice. Le procès tendu du meurtre d'un adolescent à Bordeaux, sur fond de rivalité entre quartiers, s'achève ce vendredi 23 mai devant la cour d'assises de la Gironde.
Trente ans de réclusion criminelle ont été requis contre deux jeunes hommes accusés d'avoir tiré mortellement sur Lionel, 16 ans, et blessé trois mineurs et un adulte aux Aubiers, quartier populaire du nord de Bordeaux, le 2 janvier 2021. Une peine de 20 ans a, quant à elle, été requise contre le chauffeur présumé du commando.
Tué au pied de son immeuble alors qu'il vendait des pâtisseries
Ce jour-là, la victime vendait des pâtisseries pour partir au ski, lorsque des tireurs ouvraient le feu au fusil automatique au pied de son immeuble. Si les trois mineurs, âgées de 13 à 16 ans, s'étaient réfugiés grièvement blessés dans les bâtiments à proximité, Lionel est lui resté inanimé au sol, touché par deux balles dont une dans le thorax.
Au premier jour d'audience, lundi 12 mai, une rixe avait éclaté entre deux groupes rivaux des quartiers Aubiers et Saint-Louis Chantecrit. "On a vu arriver une dizaine d'individus tous vêtus de noir, physiquement très impressionnants. Alors que l'audience s'était tenue dans un climat plutôt apaisé, une espèce de chappe de plomb s'est installée", a raconté Me Yann Herrera, avocat de la famille de Lionel. Le dispositif policier a depuis été renforcé et la jauge de l'assistance réduite.
Des intimidations et des menaces
Tout au long du procès, la tension est restée palpable, des témoins exprimant leur "peur" de représailles. "Il y a des vérités que je ne dirai pas", a déclaré l'un d'eux, deux femmes refusant de venir déposer devant la cour après des "intimidations".
"Vous avez des accusés qui gardent le silence, qui mentent, des éléments de preuves qui disparaissent, des témoins menacés", a résumé l'avocat général, Me Jean-Luc Gadaud.
Il a requis des peines allant de trois ans (dont deux avec sursis) à cinq ans de prison à l'encontre des cinq autres mis en cause, jugés pour association de malfaiteurs - tous nient aussi les faits.
Le quartier des Aubiers est en effet le théâtre depuis plusieurs mois de faits de violence. Le soir du 31 décembre, une quarantaine de jeunes s'en sont pris aux forces de l'ordre, blessant cinq policiers, avec des tirs de mortiers d'artifice.
Deux quartiers sous tensions
Pour ce procès, l'accusation s'appuie aussi sur des éléments de téléphonie, des appareils ayant été éteints puis rallumés avant et après les tirs, ainsi que sur l'achat, quelques heures avant la fusillade, de cagoules et de gants en latex - pour faire de la motocross et du ménage, selon les accusés.
"Ces achats signent le crime", a tonné mercredi Me Jean Gonthier, l'un des avocats des parties civiles.
Mais pour la défense, qui plaide l'acquittement général, rien ne prouve la culpabilité des mis en cause, tous issus de la cité Chantecrit. "On a retrouvé l'arme? Non. ADN? Non. Empreintes? Non. Témoin objectif? Non. Lien avec le véhicule volé? Non. Vidéosurveillance? Non plus", a énuméré jeudi à la barre Me Saïd Harir, avocat d'un des tireurs présumés.
Me Christian Blazy, qui défend l'autre, rappelle que selon les douilles saisies sur les lieux, l'arme utilisée le 2 janvier 2021 avait déjà été utilisée en 2019, mais cette fois contre les accusés. Ce qui accrédite, selon lui, la piste d'un règlement de comptes impliquant d'autres tireurs, qui serait lié au trafic de stupéfiants.
La rivalité entre les Aubiers et Chantecrit s'était exacerbée les semaines précédentes. Après une bagarre dans un bar entre jeunes des deux quartiers, une tentative de meurtre avait eu le 14 décembre 2021 sur un mineur des Aubiers, appelé à la rescousse par un autre qui s'était fait tabasser. Et la veille des faits, le frère d'un des principaux accusés avait été blessé par balle.
"La famille vous demande à jamais de faire taire les détonations, dans leur tête mais aussi dans les quartiers", a lancé aux jurés Me Yann Herrera, l'avocat des parents de Lionel. Le verdict est attendu en fin de journée.