Attaque au couteau à Nantes: pour le psychocriminologue Florent Gathèrias, Justin P. avait tout d'une "bombe à retardement"

Pourquoi Justin P. est-il passé à l’acte? Au lendemain de l'attaque au couteau dans le lycée privé de Notre-Dame de Toutes Aides (Nantes) ; une attaque perpétrée ce jeudi 24 avril par un adolescent de 16 ans inconnu de tous les services (police, justice et renseignements), c’est tout un établissement qui se retrouve sous le choc. Avant de cibler ses camarades, le mis en cause a adressé sur les boîtes mails de ces derniers un "manifeste" dans lequel il dépeint une société particulièrement sombre.
Son geste, incompréhensible, a coûté la vie d’une lycéenne de 15 ans poignardée à 57 reprises au sein même de sa salle de classe. Une jeune fille avec qui, selon Antoine Leroy, le procureur de la République de Nantes, était "la seule avec qui il (le mis en cause) entretenait de bonnes relations".
Trois autres lycéens, deux garçons et une fille, ont également été attaqués dans un cours (d’anglais) voisin, avant que l’assaillant ne prenne la fuite poursuivi par un membre du corps enseignant. L’une de ses victimes, grièvement blessée et hospitalisée en urgence absolue dans la soirée, a vu son état de santé s'améliorer comme l'a indiqué le procureur de la République de Nantes ce vendredi 25 avril.
L’état de santé de Justin P., jugé "incompatible" avec le régime de la garde à vue dès jeudi soir, rend inenvisageable tout interrogatoire. Le procureur a annoncé que l’adolescent allait être hospitalisé en service psychiatrique spéciali.
Des "éléments persécutifs"
"Il fallait s'attendre à la psychiatrie", réagit le psychocriminologue Florent Gathèrias auprès de BFMTV.com. Durant sa carrière, ce spécialiste explique avoir croisé la route "d'adolescents à la recherche d'un idéal poussé à l'extrême", voire même "hostiles au monde entier".
"Mais ceux-là ne passent pas systématiquement à l'acte", précise-t-il.
Pour l'expert, en revanche, le cas de Justin P. est plus sérieux: sous les traits de la "rébellion romantique propre à jeunesse", Florent Gathèrias relève des symptômes s'apparentant à ceux d'une "pathologie mentale sous-jacente". Le psychocriminologue pointe également du doigt l'incohérence du "manifeste" transmis par l'adolescent à ses camarades quelques instants seulement avant de passer à l'acte.
Dans ses 13 pages à la syntaxe parfaite, structurées en trois parties, le jeune homme qui, selon les premiers éléments de l'enquête éprouvait une fascination pour Hitler, détaille avec précision les multiples "agressions" dont "notre système" serait victime depuis plusieurs années. Un système "transformé en machine à décomposer l’humain", selon ses propres termes, et dans lequel "lutter", "crier", "résister" serait la "solution".
Un langage peu anodin d'après Florent Gathèrias qui y voit "une suite d'éléments persécutifs", de la colère et une "paranoïa caractérisée". Pour lui, cela ne fait presque aucun doute: couplés à une fascination pour la violence et les extrémismes, les mots de Justin P. correspondent à ceux d'un "individu en pleine crise de schizophrénie paranoïde".
Comme l’a précisé le procureur, l’attitude du mis en cause inquiétait sa propre mère. qui l’élevait seule. A la demande de celle-ci, il avait d'ailleurs vu à six reprises, depuis janvier, les éducateurs de la Maiso des adolescents de Loire-Atlantique (MDA).
Un événement déclencheur ?
Cette angoisse qui le submerge et qui est palpable dans son récit, Florent Gathèrias l'assimile à un "état de tension extrême". "C'est cette angoisse, nourrissant un discours confus de haine basé sur des pseudo-convictions politiques qui laisse penser à la possibilité d'un passage à l'acte", confie-t-il.
"Il y a sûrement eu un événement déclencheur, très probablement quelconque pour un adolescent lambda, qui a fait exploser Justin P. la bombe à retardement".
"Dans tous les cas, son passage à l'acte reflète une méthode de soulagement. C'était peut-être, pour lui, la bonne solution, celle qui lui aurait permis de sortir de ses souffrances. Bien évidemment, il est totalement à côté de la plaque", explique le spécialiste qui souligne également le mode opératoire singulier de l'assaillant ainsi que sa tenue.
"Se masquer le visage, les yeux, cela fait penser à une volonté d'expression de force virile, presque masculiniste. Il arrive de manière chevaleresque après avoir livré un écrit qu'il veut être "manifeste" et donne la mort. C'est à la fois confus, désordonné et précis, rigide."