Affaire Marinescu: le parquet de Grenoble demande le renvoi du père devant les assises, 32 ans après le double meurtre

Michèle Marinescu et sa fille Christine - BFMTV
L'affaire Marinescu pourrait bien connaître un dénouement judiciaire, 32 ans après les faits. C'est en tout cas ce que souhaite le parquet de Grenoble, qui demande ce mardi 9 septembre à ce que le principal suspect soit renvoyé devant les assises. En 1993, Michèle Marinescu et sa fille Christine ont été retrouvées mortes, assassinées, à leur domicile de Sassenage en Isère.
Il aura fallu que de nouvelles expertises ADN soient réalisées en 2021 pour qu'un homme soit mis en examen, soupçonné du double meurtre: il s'agit de Marian Marinescu, mari et père des deux victimes.
Ce mardi 9 septembre, le procureur de Grenoble demande le renvoi du suspect devant la cour d'assises de l'Isère à la fois pour "meurtre sur conjoint", et pour "meurtre précédé d'un viol" concernant sa fille.
Si Marian Marinescu a toujours nié son implication, un faisceau d'indices porte à croire qu'il est l'auteur des faits, précise Etienne Manteaux ce mardi, lors d'une conférence de presse.
Le père d'abord écarté de la liste des suspects
Le 7 janvier 1993, des gendarmes entrent au domicile des Marinescu. Le patron de Michèle Marinescu les a alertés, s'inquiétant de ne plus avoir de nouvelles de son employée. À l'intérieur, les enquêteurs découvrent cette femme de 43 ans sans vie, égorgée, dans sa chambre.
Sa fille Christine, 13 ans, a elle aussi été tuée à l'arme blanche. Son jean a été retrouvé déboutonné, ce qui laisse à penser qu'elle a pu subir une agression sexuelle.
Marian Marinescu, mari de Michèle et père de Christine, est rapidement écarté de la liste des suspects au vu de son alibi: il se trouvait en Roumanie avec son fils Julien, 7 ans au moment des faits, déclare-t-il. "Il avait un alibi inattaquable en apparence (...) et n'était rentré en France que le 9 janvier", soit deux jours après la découverte des corps, explique ce mardi le procureur de Grenoble.
Un nombre "considérable" de témoins ont été entendus dans le dossier, sans que les enquêteurs ne parviennent à identifier un scénario et un suspect vraisemblables. La piste d'un différend avec l'une des femmes de ménage du couple autour d'un impayé a un temps occupé les gendarmes. Le compagnon de cette dernière a notamment été placé à deux reprises en garde à vue, avant que la piste ne soit refermée, faute d'éléments suffisants.
Le sperme du père de famille retrouvé sur les scellés
En 2020, le parquet de Grenoble se pose alors la question de continuer à s'obstiner ou non sur ce dossier vieux de près de 30 ans. Dans un dernier élan d'investigation, un juge d'instruction ordonne une nouvelle expertise sur les scellés qui, par chance, avaient été bien conservés, à l'abri de l'humidité.
Cette dernière tentative est payante: sur le pantalon de Christine Marinescu sont retrouvées diverses traces de sperme appartenant à son père.
Les enquêteurs se penchent alors sur ce suspect, le premier depuis des dizaines d'années. En-dehors de cette trace de sperme, aucun élément ne le relie de manière accablante au double meurtre. Mais un faisceau d'indices mènent à envisager son implication, à l'image des tensions présentes au sein du couple Marinescu à cette époque: Marian Marinescu souhaitait divorcer, mais son épouse le refusait, craignant de ne pas obtenir la garde des enfants et d'être désavantagée au niveau matériel.
Par ailleurs, selon les expertises menées dans le dossier, l'homme entretenait avec sa fille une relation "œdipienne" très importante, souligne le procureur. Relation qui s'est peu à peu distendue lorsque Christine Marinescu est entrée dans l'adolescence, prenant davantage le parti de sa mère.
Selon les experts psychiatres qui l'ont examiné, Marian Marinescu, qui n'a pendant longtemps pas su expliquer comment son sperme s'est retrouvé sur le pantalon de sa fille, fait preuve de psychorigidité et d'une volonté de contrôle et de domination, ajoute Etienne Manteaux.
Placé sous contrôle judiciaire
Bien des années après, les enquêteurs identifient un creux de 48 heures dans l'emploi du temps de l'homme, les amenant à envisager qu'il ait pu faire l'aller-retour depuis la Roumanie vers la France dans cet intervalle.
En juin 2021, Marian Marinescu est mis en examen et placé en détention provisoire. Il sera cependant remis en liberté sous bracelet électronique trois ans plus tard. Selon le procureur Etienne Manteaux, le suspect est à présent seulement placé sous contrôle judiciaire.
Si le procureur requiert aujourd'hui le renvoi de Marian Marinescu devant une cour d'assises, cela ne signifie pas que le suspect va d'office être jugé. Les avocats de la défense et des parties civiles peuvent à présent formuler des observations. C'est ensuite au juge d'instruction de trancher pour ou contre ce renvoi. Il a un mois et dix jours pour prendre sa décision.