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83 heures de cavale dans les Cévennes après un double meurtre: le procès de Valentin Marcone s'ouvre

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Valentin Marcone a tué son patron et un collègue aux Plantiers dans les Cévennes en mai 2021, pour dit-il un conflit lié au travail. Sa cavale pendant plus de trois jours avait marqué les esprits.

"Excusez-moi je me rends, excusez-moi." Le 14 mai 2021, à 19h15, Valentin Marcone se rend, sans opposition, à la patrouille de gendarmes qui passe à proximité des lieux où il se cachait. L'homme était alors cerné, une opération de ratissage menée par le GIGN était en cours. Hagard, affaibli, dénutri, le fugitif vêtu de sa tenue de camouflage était activement recherché depuis 83 heures et le terrible double meurtre commis aux Plantiers.

Trois jours plus tôt, peu après 8 heures du matin, la quiétude de la commune d'à peine 300 habitants des Plantiers est troublée par trois tirs. Valentin Marcone vient de tuer Luc Teissonnière, son patron à la scierie, et Martial Guérin, un de ses collègues. Puis il s'est débarrassé de l'arme dans un châtaignier puis s'est caché dans un abri de sanglier. Un double meurtre pour lequel il comparaît à partir de ce mercredi 24 janvier devant la cour d'assises du Gard. L'accusé a toujours reconnu les faits, mais le mobile reste flou.

Deux balles dans la tête

Valentin Marcone était déjà connu dans sa commune, certains habitants l'ont décrit comme agressif. Le jeune homme de 29 ans était en conflit ouvert avec l'ancien maire des Plantiers pour laquelle il avait travaillé. Il a d'ailleurs déposé une plainte devant le conseil des prud'hommes pour dénoncer des manquements de sécurité de la part de son employeur. Depuis quelques mois, Valentin Marcone évoque auprès de ses proches des désaccords avec son nouveau patron dans la scierie dans laquelle il travaille depuis 2018.

Ce matin du 11 mai, Valentin Marcone est parti "un peu énervé" au travail, selon sa femme, et la mère de sa fille, entendue par les gendarmes. Les choses ont dégénéré, selon Vincent, un autre collègue, peu après son arrivée à la scierie vers 8 heures. Luc Teissonnière, le patron, fait remarquer à Valentin Marcone qu'il n'a pas dit bonjour. Ce dernier lui répond par un "ferme ta gueule" et demande à tous ses collègues d'en faire autant. Martial Guérin observe qu'il a un "sérieux problème".

Valentin Marcone sort son arme: il tire à deux reprises sur Luc Teissonnière, l'atteignant à la tête et dans la nuque, puis dirige son arme vers Martial Guérin. Ce dernier est tué d'une balle à la tête. Le tireur se rend alors à son domicile, se change pour une tenue camouflage puis s'empare d'une carabine. A sa belle-mère présente, il répond que si les gendarmes le suivent, il leur tirera dessus. Ce que l'accusé nie aujourd'hui.

Chasse à l'homme

De par la gravité des faits et la personnalité du fugitif, un amateur du tir sportif, connaisseur du terrain, une véritable chasse à l'homme est lancé mobilisant 300 gendarmes en plus des 60 membres du GIGN. Les habitants des Plantiers sont eux appelés à rester chez eux. Une zone de 15 km² dans le massif des Cévennes est passée au peigne fin, là où sera découvert Valentin Marcone.

Pendant l'instruction, le trentenaire a toujours assuré n'avoir ce matin-là pas prévu de tuer ses collègues. Une version qui na pas été retenue par le juge d'instruction qui l'a renvoyé pour assassinat. Le magistrat a estimé que "la circonstance qu'il se présente sur son lieu de travail avec une arme de poing chargée et dont l'usage lui est familier, et avec un gilet pare-balle, indique nécessairement qu'il avait l'intention de s'en servir".

La question du mobile et de la personnalité

Si des tensions étaient déjà connues entre Valentin Marcone et son employeur Luc Teissonnière, le trentenaire a nié dans un premier temps une mésentente avant de reconnaître une accumulation de points de crispations, à savoir des brimades dont il faisait l'objet, selon lui, et un conflit sur des heures supplémentaires. Son père a assuré auprès de Midi Libre que son fils souhaitait "s'expliquer" et "avoir besoin d'être écouté" par la cour d'assises.

"Dans ce procès, on sait tout, mais on ne sait rien, déplore auprès de BFMTV.com Me Rémy Nougier, avocat des parties civiles. Il y a des contradictions entre ce que raconte Valentin Marcone et ce que raconte Vincent, le collègue qui a assisté à ce drame qui se passe en quelques secondes et qui a appelé les gendarmes en racontant avec précision les faits. Il n'a aucun intérêt à mentir."

Vincent, aujourd'hui âgé de 22 ans, est d'ailleurs cité comme témoin lors de ce procès devant la cour d'assises du Gard. "Il est le contradictoire de Valentin Marcone, poursuit l'avocat. Il sait qu'on l'attend, que tout le monde a des questions à lui poser." Son témoignage est d'autant plus attendu qu'il contredit la version de l'accusé qui explique que son passage à l'acte a également été motivé par une menace de licenciement formulée lors d'une conversation privée entre son patron Luc Teissonnière et le jeune collègue, et surprise par Valentin Marcone.

"Et même si c'était vrai, est-ce que ça justifie que Luc Teissonière soit mort de deux balles dans la tête? Est-ce que ça justifie de tuer Martial Guérin, un collègue qui n'avait pas d'autorité sur lui?", interroge Me Nougier.

Autre point important de ce procès: la personnalité de Valentin Marcone. Les experts ont relevé chez le jeune homme une personnalité à tendance "paranoïaque", présentant un fort sentiment de persécution pouvant expliquer son passage à l'acte. Valentin Marcone, qui s'était isolé, refermé sur lui-même depuis son installation aux Plantiers quelques années auparavant, avait notamment installé un système de vidéosurveillance à son domicile et sur son véhicule.

Un accusé à la personnalité sensible, "se traduisant par une méfiance soupçonneuse, une psychorigidité, une grande susceptibilité et un sentiment général de dénigrement", selon l'expert psychiatre. Ce dernier a estimé que son discernement était altéré au moment des faits mais pas aboli, le rendant accessible à une sanction pénale. Si cet élément était retenu par la cour, la peine encourue pour ces assassinats - la réclusion criminelle à perpétuité - serait allégée.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV