"Le membre le plus éminent de la famille royale n'est pas celui qu'on croit": le journaliste Marc Roche raconte sa vie chez les Windsor

Une longue table de banquet richement ornée, et encadrée de tapis rouges, avec à un bout la reine Elizabeth II et loin, bien loin de l'autre côté, le journaliste Marc Roche. Cette image illustre la couverture du livre qu'il publie chez Albin Michel, Ma vie chez les Windsor, Les derniers secrets de Buckingham. Dès la couverture, le ton est donné, Marc Roche a gravité une trentaine d'années au sein du "royal rota", autour de la famille royale. Pas tout près, mais pas très loin non plus. Observant tout, et notant tout.
Il raconte donc sa vie de journaliste accrédité pour suivre la famille royale britannique, décrivant avec humour ses rencontres avec les membres de la famille royale, et les cercles qui gravitent autour, le "système" Buckingham Palace à la savante opacité.
"Sous des apparences de transparence, la monarchie a l'art de brouiller les pistes sur des sujets tabous, à commencer par la vie sentimentale, l'argent, et le train de vie. On est amené à la dépeindre telle qu'elle souhaite qu'on la voie plutôt que telle qu'on la voit", écrit-il.
Le "teint de pêche" de la reine Elizabeth
Les membres de cette famille royale, il les a presque tous rencontrés. De la reine Elizabeth II, "le teint de pêche, les yeux bleus, le regard direct, le profil droit, les dents magnifiques et la coiffure permanentée", croisée à plusieurs reprises, à Camilla, personnage semble-t-il le plus chaleureux et équilibré de cette famille.
Marc Roche rencontre Elizabeth II une première fois en 1991 à Harare au Zimbabwe. "Elle était beaucoup plus petite que je ne le pensais, sa main était très molle, elle ne terminait pas ses fins de phrases, mais je me souviens de ses yeux bleus de glace", confie-t-il au micro du Podcast royal.
Surtout, ce sont les échanges avec la souveraine qui marquent le journaliste. Il se souvient d'une "conversation très peureuse". "Elle ne voulait s'avancer sur aucun sujet, elle se méfiait de vous. Et j'ai été très frappé par son art de se débarrasser d'un impudent dans mon style". Elle lui confie tout de même à demi-mots, le 23 avril 2002, son souhait de voir les Français "bien voter", dans le face à face du deuxième tour de la présidentielle, qui oppose Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen.
Mais plus que la personnalité de la reine, c'est ce qu'elle représentait qui impressionne le journaliste: "l'histoire avec un H majuscule", "et cela faisait oublier toute mes impressions plutôt négatives".
"Diana vivait terrorisée"
Parmi cette galerie de personnalités royales, il y a aussi la princesse Diana, sa "voisine" croisée dans des circonstances beaucoup moins formelle, puisque Marc Roche fréquentait le coiffeur chez qui la princesse emmenait ses fils. "Je crois que je lui ai adressé deux fois la parole, et qu'elle a très vite vu que j'étais un journaliste".
Il décrit "une personnalité froide, timide, pas spécialement à l'aise avec le public, toujours sur la défensive, et surtout tétanisée par les médias. Ils faisaient l'assaut de Kensington palace garden pour essayer désespérément de trouver son amant." Il conclut: "c'était une femme qui vivait terrorisée".
Charles, "pingre" et "capricieux"
Le prince Charles, devenu roi Charles, n'est guère mieux loti. Il est décrit comme un personnage autoritaire, et tyrannique avec les personnes qui travaillent pour lui. "Charles III n'est pas a priori sympathique", souligne Marc Roche. "Il est pingre, il déteste la confrontation, il rit de ses propres blagues, il est capricieux, il est terriblement exigeant envers son personnel qu'il paie d'ailleurs très mal". On en a d'ailleurs eu récemment la démonstration, avec la fronde des jardiniers de High House, particulièrement mal traités et payés au minimum syndical.
William, "réactionnaire", Kate, "très froide et peu sûre d'elle"... Peu de membres de la famille royale semblent d'un commerce agréable. Outre Camilla, personnage empreint de "solidité sereine", "rassurante" et "chaleureuse", quelques-uns tirent leur épingle du jeu. Ce sont d'ailleurs souvent des pièces rapportées, comme Sophie Wessex, épouse du plus jeune frère du roi, le prince Edward, "une roturière" pleine de chaleur et sympathique, ou Sarah Ferguson, l'ex-épouse d'Andrew, "marrante et sympathique". Frappée par un énième scandale, la duchesse d'York, risque cependant de se faire beaucoup plus discrète.
Harry "le rebelle"
"Celui que j'aurais beaucoup aimé rencontrer", c'est Harry, note Marc Roche, "c'est le seul qui ait rué dans les brancards, et qui s'est créé une personnalité rebelle". Il est ainsi un des rares analystes à voir dans le "megxit", le départ de Harry et son épouse Meghan pour les États-Unis, "un succès". Pour lui, Harry, "la 'roue de rechange', ne s'est jamais contenté du rôle de figurant" qui lui était assigné. En témoigne sa récente visite surprise en Ukraine auprès des soldats blessés. "Donc je pense que le membre le plus éminent aujourd'hui de la famille royale n'est pas celui qu'on croit, c'est Harry le rebelle".
Ma vie chez les Windsor, Les derniers secrets de Buckingham, éditions Albin Michel, par Marc Roche, 272 pages, 21,90 euros.