Exposition Sempé: "Le dessin d’humour, comme le jazz, c’est l’humilité"

L'exposition "Sempé - Itinéraire d'un dessinateur de presse, se tient à l'atelier Grognard à Rueil Malmaison" jusqu'au 31 mars. - Exposition Sempé - Rueil Malmaison
Ses minuscules et délicats personnages perdus face à l'immensité du monde ornent en ce moment les colonnes Morris de Paris. Jean-Jacques Sempé, 87 ans, est également célébré à Rueil-Malmaison, où se tient, jusqu'au 31 mars 2020, l'exposition Sempé, itinéraire d'un dessinateur d'humour.
Pour la première fois, une rétrospective retrace la carrière de Sempé de ses débuts en 1950, à sa récente couverture du New Yorker, la 113e, en passant par ses albums et, bien sûr, le Petit Nicolas.
A cette occasion, Marc Lecarpentier, ancien président de Télérama, qui assure avec la galeriste Martine Gossieaux le commissariat de l'exposition, revient sur le parcours de ce dessinateur de l'intime, au trait si émouvant. Il croque pour nous le portrait de Jean-Jacques Sempé en cinq termes.
Le trait
Tout le monde connaît le petit bonhomme de Sempé. Difficile, pourtant de dater la naissance de ce trait, reconnaissable en un clin d'oeil. "Ca s'est fait lentement, souligne Marc Lecarpentier. Les premiers dessins qui sont parus dans Sud Ouest sont des dessins un peu lourds. Mais ce qu'on lui demande à l'époque, c'est du gag. Il faut faire rire. Peu importe la qualité du dessin. Peu à peu, Sempé s'échappe de cela pour aller vers le sourire, et puis finalement, à partir des années 1975, vers un dessin qui n'a plus forcément de légende et qui peut être plutôt comme un petit documentaire sur la société ou sur les individus. L'individu y est placé dans un décor. Il y a un effet de zoom arrière. Peu à peu on va vers la poésie."

L'humilité
Jean-Jacques Sempé est un grand modeste, jamais satisfait de son travail. Il se plaît ainsi à citer Duke Ellington: "La légende veut que Duke Ellington ait dit: 'Le jazz est à la musique classique ce que le dessin d’humour est à la peinture'. Pour moi, ça a toujours été proche. C’est-à-dire que le dessin d’humour, ce n’est pas grand-chose. Comme dans le jazz, l’art, c’est de suggérer. C’est terrible, c’est le contraire de notre époque qui enfle tout. Le dessin d’humour, comme le jazz, c’est l’humilité.”
L'humilité est ainsi un véritable fil rouge dans sa carrière. "Ce n'est pas feint", assure Marc Lecarpentier. "Il dit toujours 'j'ai fait ce que j'ai pu. J'ai ramé pour faire et j'ai fait ce que j'ai pu. Et finalement, j'ai fait des petits crobards, des petits dessins'. Il a juste cette idée qu'il fait du petit documentaire très modeste." Cette modestie se double d'une très grande timidité. "Lorsqu'il se retrouve dans un dîner, raconte Marc Lecarpentier, c'est un monument et les gens osent à peine venir lui parler. D'ailleurs, ils n'ont pas tort, parce que quand on lui parle, il a une telle timidité, qu'il est très gêné par les compliments. Il peut rester très silencieux. Une des choses qu'il préfère dans la vie, c'est se taire."
La musique
Jean-Jacques Sempé s'est rêvé pianiste et la musique est la grande passion de sa vie. "Je crois que sans elle, je serais devenu fou, beaucoup plus fou que je ne suis", confiait Sempé à Europe 1 en 2017, au moment de la sortie du livre Musiques: conversations avec Marc Lecarpentier, évoquant les musiciens de son panthéon personnel, de Duke Ellington à Debussy. Le jazzman Duke Ellington est, "l'homme que j'ai le plus aimé au monde" livrait-il au Monde en mars dernier. Aujourd'hui encore, Sempé prend des leçons de piano.

Le sport
Le sport, comme la musique est très présent dans l'oeuvre de Sempé. Le vélo, qu'il a beaucoup pratiqué, mais aussi le football. "Sempé a eu une enfance un peu compliquée à Bordeaux, avec des parents difficiles à supporter, évoque Marc Lecarpentier. Son refuge c'était le patronage, les activités du mercredi après-midi, qui à l'époque étaient le jeudi. Il y jouait au football. Et puis il s'inventait des vies. Il raconte par exemple qu'un jour il est allé à la pharmacie chercher des médicaments et il a expliqué au pharmacien qu'il était le fils du plus grand joueur de Bordeaux de l'époque. Le pharmacien était ébloui, parce qu'il aimait le football. Il a inventé pendant une demi-heure sa vie de fils d'un grand footballeur, ce qui était totalement faux. Aujourd'hui, Il passe encore beaucoup de temps à regarder le football. Il est toujours très amoureux du sport."

Le New Yorker
Sempé est un des rares Français à avoir eu ses dessins en couverture du prestigieux magazine américain, c'est en tout cas celui qui en a publié le plus. En septembre dernier, était publiée la 113e couverture de Sempé pour le New Yorker. Sa première couverture remonte à 1978. "Cela s'est fait assez tard dans sa carrière, évoque Marc Lecarpentier. La directrice artistique du New Yorker avait entendu parler de ses albums. Quelqu'un l'appelle, vient chez lui et lui demande à emporter quelques dessins pour les montrer à Monsieur Shawn, le directeur du New Yorker. Sempé est très ému, très impressionné, parce que c'est le rêve de sa vie, de travailler pour le New Yorker, depuis qu'il a 16-17 ans. Parce que c'est à la fois impertinent, décalé, intelligent et subtil, tout ce qu'il va essayer de faire pendant toute sa vie. Monsieur Shawn voit les dessins et on l'appelle pour lui commander une couverture."
sempé - itinéraire d'un dessinateur d'humour
Exposition à l’atelier Grognard Rueil-Malmaison 8 novembre 2019 – 31 mars 20. 6, avenue du Château de Malmaison 92500 Rueil-Malmaison.
Plein tarif : 6 €, Tarif réduit : 4 €