Le rappeur Yamê, Victoire de la révélation masculine 2024, sort son premier album "Ébêm"

Après son tube international Bécane en 2023 et son EP Elowi, le chanteur franco-camerounais continue à cultiver son style musical si singulier.

Après une Victoire de la révélation masculine et une première grosse tournée en 2024, l'heure de la confirmation est venue pour Yamê. Ce vendredi 13 juin, le chanteur franco-camerounais sort son premier album intitulé Ébêm. Il est composé de 14 titres, dont Insensé et Shoot déjà illustrés par des clips ou Solo qui a eu droit à une session en direct mise en scène en vidéo.

Inclassable musicalement, celui qui est aussi pianiste mélange rap, jazz et pop auxquels il ajoute des envolées lyriques dont il a le secret depuis Bécane. En 2023, il chante le futur tube extrait de son premier EP (mini-album) Elowi dans un COLORS SHOW, du nom de ce studio situé à Berlin où les artistes du monde entier viennent réenregistrer l'un de leurs sons sur un fond unicolore.

Et avec plus de 96 millions de vues sur sa reprise, Yamê peut se targuer d'être la quatrième vidéo - derrière Bilie Eilish ou Jorja Smith - la plus visitée de la chaîne YouTube qui dépasse actuellement les 8 millions d'abonnés et culmine à plus de 3 milliards de vues au total.

Un succès tel que le titre s'exporte jusqu'en Chine, où un chanteur de rue reprend le refrain planant dans une vidéo aux 6 millions de vues sur TikTok. "C'est incroyable, le gars a ramené ça là-bas ! Je pense pas qu'ils comprennent les paroles mais l'émotion circule", s'amuse-t-il lors d'une rencontre avec l'AFP le 6 juin dernier.

La fin du confinement comme point de départ

Fines tresses et dentition à trous caractéristique, le rappeur a pris la bonne habitude de se faire remarquer sur les réseaux sociaux. Et souvent par les bonnes personnes. Le producteur-star américain Timbaland, qui a travaillé avec Madonna, Jay-Z ou Drake, avait remixé une version acoustique de son morceau Quête.

Dans la foulée de 2023, il a assuré la première partie de Stromae. Plus récemment, il a été convié par l'artiste -M- (Matthieu Chedid) sur le nouvel album du collectif Lamomali.

Un palmarès musical impressionant pour un artiste qui a publié Agent 237, son premier EP de huit titres, seulement en 2021 après une mixtape de deux maigres volumes l'année d'avant. Après avoir écumé les pianos des jam sessions parisiennes, la fin du confinement et la perspective d'un retour au bureau ont été, confiait-il toujours à l'AFP, "la petite goutte de trop" qui a décidé cet employé dans une entreprise de data à se lancer à fond dans son projet musical.

Un héritage important

Né à Cergy-Pontoise dans le Val-d'Oise, le jeune garçon déménage avec ses parents du Cameroun où il vit entre ses cinq et ses dix ans, comme il l'a confié au magazine Numéro le 17 mai dernier. Fils d'un musicien et d'une informaticienne chez Microsoft, Yamê est un parfait mélange entre les deux univers, cultivant son côté "geek" dans la musique.

À la mort de sa mère, il suit son père à Paris. Connu sous le nom de M'Backé Ngoup'Emanty au Cameroun, le chanteur a plus de mal à se faire connaître en France. “On a perdu tous nos moyens financiers. Mon père est fort, il nous a éduqués comme il faut dans un environnement difficile. Et ça nous a bien servi", confiait Yamê dans l'émission Clique du 5 juin dernier.

En son hommage, comme il l'a fait pour Elowi qui signifie "ce qui n'est pas visible" en langue mbo, Yamê l'a laissé choisir le nom de son premier album. Le mot "ébēm" désigne ici "un lieu où les jeunes se posent le soir pour écouter les anciens raconter des histoires".

Question héritage, l'artiste espère bien laisser le sien. Son style particulier, entre piano-voix, arrangements instrumentaux précis et poésie parfois difficile à décoder, se distingue singulièrement du reste de la scène hip-hop. "Je pense que c'est en affirmant ce qui fait qu'on est unique qu'on réussit à toucher les gens", affirme à l'AFP le chanteur.

"Pour moi, le rap, ça reste un genre de niche dont on doit sortir pour toucher le plus de personnes", estime celui qui n'a pas "du tout peur" de s'aventurer dans la pop ou la variété. "Pourquoi faudrait-il refuser de peindre avec certaines couleurs quand tu fais un tableau ?", s'interroge-t-il en conclusion.

Arthur Hachez avec AFP