Concert de Booba à Paris: un show impressionnant et maîtrisé mais inégal

Le rappeur français Booba en concert à Abidjan, le 30 avril 2023 en Côte d'Ivoire - Issouf SANOGO
Célébrer plus de trente ans de carrière le temps d’un seul concert: la promesse avait de quoi faire rêver. Ce vendredi 10 octobre, le rappeur Booba a investi Paris La Défense Arena pour le premier de ses trois shows dans la capitale, devant près de 40.000 spectateurs. Un lieu que l'artiste de 48 ans connaît bien, puisqu'il s'y était déjà produit en 2018, deux mois à peine après sa bagarre avec Kaaris à Orly.
Ce nouveau spectacle, baptisé Nemesis – nom de la déesse grecque de la colère et de la justice – se voulait à la hauteur du statut du Duc de Boulogne: monumental, symbolique, et intense. À 48 ans, Booba avait promis de revisiter ses classiques et de faire vibrer ses plus grands tubes. Et si l'énergie et le show était bien au rendez-vous, l’ensemble a parfois manqué de rythme et de surprises, avec peu d’invités pour dynamiser la soirée.
Une entrée impériale à la Jules César
Dès l’ouverture des portes à 18 heures, l’effervescence se faisait sentir à Paris la Défense Arena. Dans la salle, le public reflète l’étendue de la carrière de Booba: on y trouve des trentenaires/quadragénaires nostalgiques, bercés par Temps mort ou Panthéon, venus revivre leurs années collège/lycée, mais aussi des jeunes auditeurs, parfois accompagnés par leurs parents, pour qui il s'agit du premier concert.
Pour faire monter la température avant l’arrivée du D.U.C, Couvre Feu Sound System ouvrait la soirée. Le trio formé par Jacky Brown, DJ Phaxx et Lord Issa -, connu pour avoir animé dans les années 2000 une émission culte sur Skyrock, puis sur OKLM Radio (la station lancée par Booba lui-même), a livré un set taillé pour rassembler toutes ces générations.
Entre Sefyu, Nessbeal ou la Fonky Family pour les nostalgiques, et Werenoi, PNL ou La Mano pour les plus jeunes, le collectif a tissé un pont entre deux époques du rap français. Une mise en jambe efficace, parfaitement calibrée pour préparer l’entrée du maître des lieux.
Puis, à 21 heures, les lumières s'éteignent. Un homme surgit sur scène pour annoncer l’arrivée de Booba. "Le boss, c'est lui", affirme le speaker. "Les noms passent mais la légende reste. (...) Pas d’héritier, pas de pitié. 30 ans de règne. Zéro compromis. Ce soir, ce n’est pas un concert: c’est une prise de pouvoir". Le ton est donné.
Soudain, Booba apparaît, perché sur une passerelle en hauteur, tel un gladiateur entrant dans son arène. Drapé d’une cape rouge et d'un plastron doré, rappelant Jules César, il surplombe la foule avant d'entamer son célèbre tube A.C Milan. Une entrée impériale, à la mesure de celui qui règne sur le rap français depuis plus de trois décénies.
Pluie de tubes et scénographie XXL
Une fois le show lancé, Booba déroule sa setlist monumentale: Attila, Friday, Paradis, Tombé pour elle, Kalash (sans Kaaris), Sale Mood (avec Bramsito), Madrina (sans Maes), ou encore Au bout de mes rêves, interprété aux côtés du groupe Trade Union... Les morceaux s’enchaînent sans relâche sous les acclamations d’une salle comble qui connaît les paroles par coeur.
La mise en scène, elle, se veut à la hauteur de l’événement. Pour l’occasion, un écran géant de 1.500 m2 a été installé à Paris La Défense Arena. Ambiance salle de cinéma garantie. Sur scène, des flammes, des effets pyrotechniques et des jeux de lumières millimétrés viennent rythmer chaque morceau et amplifier l’intensité du show.
Pour Boulbi, Booba quitte la scène principale et emprunte une passerelle pour rejoindre une seconde scène, au centre de la fosse. La foule exulte et c'est à nouveau la pluie de tubes: Jour de paie, Tony Sossa, Trône, Pitbull - qui sample l'air de piano si reconnaissable de Mistral Gagnant de Renaud -, Numéro 10 où le rappeur se laisse aller à un bain de foule, ou encore Garcimore.
"Vous ne me verrez peut-être plus sur scène avant un moment. Alors profitons-en", lance Booba au bout d’une heure et demie de show. Viens ensuite un segment spécial 92i, où le rappeur est rejoint sur scène par Chaax et Keman, deux de ses jeunes protégés.
Intermède électro déceptif et final en apothéose
Puis, Booba quitte la scène et un duo de DJ prend les platines pour un intermède électro. Ce passage, clin d’œil au label house SubLife, récemment lancé par l’artiste, peine toutefois à convaincre. Trop long, il brise le rythme du show et l’énergie de la salle. Dans le public, l'attente se fait sentir et certains en gradins n'hésitent pas à se rasseoir pour faire une pause ou profiter pour passer aux toilettes.
Malgré tout, le show redémarre rapidement en fanfare avec Wesh Morray, Validée et Scarface. La salle célèbre aussi la victoire du PSG au son de DD (pour Désiré Doué, NDLR), devant un drapeau géant du club, avant que Booba n’enchaîne avec Médicament, sans Niska. Bridjahting et Gato prennent ensuite le relais pour l'impressionnant Mové Lang, au milieu des fumigènes et des pogos.
Après plus de deux heures intenses de show, Booba achève son concert en douceur. Sur scène, un orchestre a été installé pour l'accompagner sur ces derniers morceaux: Comme une étoile, Petite fille, ou encore une réinterprétation émouvante de 92i Veyron.
Pour conclure en apothéose, le Duc choisit Dolce Camara, son tube phare sorti en 2024, qu’il interprète à trois reprises. Mais l’absence du rappeur SDM, avec qui il partage d'habitude le morceau, laisse un léger goût d’inachevé aux spectateurs présents. "La piraterie n’est jamais finie", clame Booba, avant de disparaître derrière les coulisses. Clap de fin à une soirée mémorable qui rappelle pourquoi le rappeur des Hauts-de-Seine reste un incontournable du rap français malgré les années.