"Elle était sous emprise": les difficultés de l'enquête sur le suicide de Krisztina Rády, l'ex-épouse de Bertrand Cantat

S'agissait-il d'un "suicide forcé"? Cette question traversera l'enquête préliminaire ouverte par le Parquet de Bordeaux ce jeudi 24 juillet. Celle-ci porte sur d'éventuels faits de "violences volontaires" commis par Bertrand Cantat sur son ancienne compagne et mère de ses enfants, Krisztina Rády, après sa disparition survenue il y a quinze ans.
Krisztina Rády, l'ex-épouse de Bertrand Cantat, s'était suicidée par pendaison à son domicile, en janvier 2010. Son corps avait été découvert par l'un de ses enfants, alors que le chanteur de Noir Désir dormait, à l'étage du dessous, dans le logement.
Quatre enquêtes en 2010, 2013, 2014 et 2018 ont été, par la suite, ouvertes après le suicide de Krisztina Rády. Elles ont toutes été classées sans suite. Mais une mini-série documentaire sur le chanteur de Noir Désir (De rockstar à tueur: le cas Cantat) diffusé sur Netflix en mars dernier est venue apporter de nouveaux éléments sur cette affaire.
• Pourquoi l'enquête a-t-elle été rouverte?
C'est à la faveur de ce documentaire Netflix que Renaud Gaudeul, le procureur de Bordeaux a souhaité reprendre l'enquête. "Une première" dans l'histoire judiciaire, affirme-t-il sur RMC. En visionnant la mini-série, le magistrat s'est rendu compte que "certaines choses qui figuraient dans le documentaire n'étaient pas dans le dossier pénal".
"L'un des éléments essentiels, c'est l'existence d'un dossier médical dans un établissement hospitalier de la région bordelaise, qui attesterait des violences (subies par Krisztina Rády), avant ce décès. Si on le retrouve, ce serait la première fois qu'un élément médical viendrait en soutien de ces accusations de violences volontaires", explique Renaud Gaudeul. Ce dossier médico-légal avait été évoqué par un soignant, qui témoignait sous couvert d'anonymat dans un des épisodes de la mini-série Le Cas Cantat.
• L'enquête peut-elle être rouverte sous la qualification de "suicide forcé"?
Le "suicide forcé", ou harcèlement moral sur conjoint qui mène au suicide, est une infraction inscrite dans le code pénal depuis 2020. Si le cas de Krisztina Rády peut faire écho à cette catégorie d'infraction, la qualification de "suicide forcé" ne peut être retenue car les faits, datant de 2010, sont antérieurs à cette loi.
"Il faut appliquer la loi telle qu'elle existait à l'époque", indique ainsi le Procureur de Bordeaux sur les antennes de RMC. Ce dernier rappelle que l'enquête est rouverte sur "d'éventuels faits de violences volontaires", qui constituaient "déjà une infraction pénale" en 2010.
• Quelles sont les difficultés de cette enquête?
Certes, les temps ont changé et l'enjeu de la lutte contre les violences faites aux femmes est mieux appréhendé qu'auparavant. Néanmoins, il reste toujours des angles morts.
"Dans le cas des violences faites aux femmes, surtout dans le cadre conjugal, ce sont des infractions qui se commettent dans l'intimité, et il est toujours assez dur d'avoir des preuves", note Sirine Sehil, élève avocate en droit pénal et militante féministe, sur le plateau de BFMTV ce vendredi 25 juillet.
Des éléments d'autant plus difficiles à obtenir quand les rapports de couple sont aussi complexes. "Madame Rády avait, à l'époque, témoigné en faveur de Monsieur Cantat, rappelle-t-elle. Elle était probablement - à 99,9% - sous emprise."
En ce sens, Sirine Sehil souligne donc l'importance des "personnes qui ont témoigné pour ce documentaire mais qui n'avaient pas été entendues précédemment - ce qui constituera tout l'enjeu de cette enquête".
Philippe Laflaquière, l'ancien juge d'application des peines qui a décidé de la libération conditionnelle de Bertrand Cantat en 2007, a salué sur BFMTV l'ouverture de cette nouvelle enquête. "Je pense que c'est une excellente décision car on a toujours intérêt à ce que la vérité émerge, a-t-il déclaré. Cela sera sans doute très difficile, mais il le faut."