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Cinéma

"Tralala", des frères Larrieu, 1er film français avec des acteurs masqués: "On ne voulait pas éviter la réalité"

Mathieu Amalric dans "Tralala"

Mathieu Amalric dans "Tralala" - Pyramide

Cette comédie musicale joyeuse et mélancolique avec Mathieu Amalric sort ce mercredi 6 octobre. Ses réalisateurs racontent pourquoi ils ont choisi d'intégrer la réalité du Covid à leur histoire.

Sélectionnée en juillet dernier au festival de Cannes et en salle à partir de ce mercredi 6 octobre, la comédie musicale Tralala est le premier film français où le casting joue avec un accessoire qui fait désormais partie de notre quotidien: le masque de protection respiratoire contre la Covid-19. Mathieu Amalric, Josiane Balasko, Mélanie Thierry ou encore Jalil Lespert et Maïwenn se livrent à cet étrange spectacle dont les musiques ont été composées par Philippe Katerine, Bertrand Belin, Dominique A, Jeanne Cherhal, Etienne Daho et SEIN.

Le film suit un homme nommé Tralala (Mathieu Amalric), chanteur de rue et clochard céleste. Après avoir rencontré un soir une jeune femme, il se rend à Lourdes pour la retrouver. Sur place, il croise une sexagénaire (Josiane Balasko) qui croit reconnaître en lui son fils disparu vingt ans auparavant aux Etats-Unis. Tralala décide alors d'endosser ce rôle et de vivre pleinement avec sa nouvelle famille.

Le personnage de Tralala mélange Vernon Subutex de Virginie Despentes, Charlot et Philippe Katerine, qui devait à l'origine jouer le rôle. "Au début, on lui avait proposé de tout faire: de jouer, de composer la musique, puis il a disparu", se souvient Jean-Marie Larrieu. "Il était très occupé, en orbite avec son album. Quand il y a eu le scénario, il s'est senti mal. Il fait du cinéma pour être en vacances de lui-même, nous a-t-il dit, et là le rôle était trop proche de lui."

Lui trouver un remplaçant ne fut pas facile, ajoute Arnaud Larrieu: "Beaucoup d'acteurs français avaient très peur de venir chanter. Ils avaient peur du ridicule. Les actrices moins." Mathieu Amalric, un des acteurs les plus téméraires du cinéma français, capable d'apparaître dans un film érotique comme dans un James Bond, n'a pas hésité une seule seconde. D'autant que Tralala détourne les codes de la comédie musicale traditionnelle: "Les personnages se mettent peu à peu à chanter. Ce sont eux et non le récit qui portent la musique", résument les réalisateurs.

Pour les frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu, réalisateurs de Tralala, tourner avec des comédiens masqués a été une évidence. Pas question pour eux de gommer une réalité si extraordinaire - d'autant que des films (Drive My Car, Julie (en 12 chapitres), Les Intranquilles) et des séries (This is Us, Grey's Anatomy) ont déjà intégré dans leur narration la pandémie. "Je trouve cela dingue que lorsqu'il se passe quelque chose d'aussi incroyable de ne pas vouloir le filmer sous prétexte qu'on a écrit l'histoire avant", indique Arnaud Larrieu.

Les deux frères ont pris "assez tôt" la décision de montrer la France covidée. "C'est une manière de dire que la réalité du moment est importante. Les masques en sont une partie intégrante et on voulait que la comédie musicale arrive là-dessus", indique Jean-Marie Larrieu. "On ne voulait pas éviter la réalité", acquiesce Arnaud Larrieu, séduit par le décalage entre le visage masqué des comédiens et l'impératif de la comédie musicale de voir les personnages chanter: "C'était étrange", confirme-t-il. "Le chant, c'est précisément la bouche."

Jalil Lespert, qui incarne l'antagoniste du film, s'est battu pour conserver le plus longtemps possible à l'écran son masque. "Il était prêt à le garder jusqu'au bout", confie Jean-Marie Larrieu. "Ça lui plaisait. Peut-être ne voulait-il pas être reconnu dans ce film! Mais ce n'était pas possible: chanter nécessite un dévoilement. Chanter masqué, ça ne le fait pas du tout: les gens n'entendent pas la chanson. C'était son moment de vérité, il fallait que Jalil tombe le masque."

"L'humour et l'ironie passent moins avec le masque"

Diriger des acteurs dont on ne voit pas le visage n'est pas une chose aisée: "On s'est rendus compte qu'à cause du masque les acteurs jouaient plus avec les yeux", détaille Jean-Marie Larrieu.

Le chanteur Bertrand Belin dans "Tralala"
Le chanteur Bertrand Belin dans "Tralala" © |Copyright Pyramide Distribution
"Certains, comme le chanteur Bertrand Belin, ne respectait pas le protocole. Maïwenn, elle, a très vite enlevé le masque. Ce qui était étonnant, c'est que pour parler moins fort, il vaut mieux enlever le masque, parce que le masque oblige à parler un peu fort. Quand le personnage de Maïwenn doit se confier, elle l'enlève pour pouvoir parler doucement. Ca nous a permis de faire de jolis effets à l'écran."

La séquence phare du film, située dans une boîte de nuit baptisée "Le Paradis", prend une autre signification avec la pandémie. Cette séquence de dix-sept minutes où l'ensemble du casting danse sur le dancefloor ressemble presque à de la science-fiction dans un contexte où les boîtes de nuit sont restées fermées pendant plus d'un an et demi. "Au scénario, nous avions déjà imaginé ce lieu comme une utopie où avaient lieu les retrouvailles et les révélations de nos personnages. C'est une belle coïncidence."

Tourner en pleine pandémie a été le principal challenge de ce film réalisé rapidement, en vingt-sept jours à peine: "Ce qui était nouveau et compliqué, c'est que nous étions tous masqués [dans les coulisses]", confie Arnaud Larrieu. "Nous étions masqués toute la journée, avec des changements de masques toutes les quatre heures. La communication était dure. On a vu que l'humour et l'ironie passaient beaucoup moins avec le masque. C'était assez militaire [comme tournage]."

La crise sanitaire n'étant pas près de se terminer, les frères Larrieu vont continuer à mettre en scène des comédiens masqués dans leur film. Leur prochain film aura ainsi "des genres de masques", annoncent-ils mystérieusement.

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV