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"On voulait montrer une autre version du deuil": "On ira", la comédie qui ose rire de l'euthanasie

Pierre Lottin et Hélène Vincent dans la comédie "On ira" d'Enya Baroux

Pierre Lottin et Hélène Vincent dans la comédie "On ira" d'Enya Baroux - Bonne Pioche Cinéma - Carnaval Production - Zinc

En salles ce mercredi 12 mars, cette comédie dramatique primée au festival de l'Alpe d'Huez raconte le voyage d'une femme atteinte d'un mal incurable pour mettre fin à ses jours. Un film qui s'attaque avec humour à un sujet tabou. Et qui cartonne en avant-premières.

Faire rire en parlant d'euthanasie. C'est le choix osé d'On ira, comédie dramatique en salles ce mercredi 12 mars. Première réalisation d'Enya Baroux, ce film primé en janvier dernier au festival de la comédie de l'Alpe d'Huez raconte le voyage de Marie (Hélène Vincent). Atteinte d'un mal incurable, elle se rend en Suisse pour mettre fin à ses jours.

Prétextant un mystérieux héritage à aller chercher dans une banque suisse, Marie part en voiture avec Bruno (David Ayala), son fils irresponsable et Anna (Juliette Gasquet), sa petite-fille en pleine crise d’adolescence, ainsi que Rudy (Pierre Lottin), un auxiliaire de vie qui devient son complice involontaire.

"J'ai écrit ce film pour rendre hommage à ma grand-mère dont j'étais très proche", explique Enya Baroux. "Elle était très drôle mais elle a eu une fin de vie assez triste, assez opposée à qui elle était. Quand elle est partie, après un cancer, j'ai eu envie d'écrire une histoire qui corrige ce qu'elle a vécu, de lui offrir une fin de vie à son image."

"On a très peur de parler de la mort"

Traiter cette histoire avec humour s'est imposée naturellement. "Dans ma famille - surtout grâce à ma grand-mère - on aborde nos angoisses avec beaucoup d'humour", insiste Enya Baroux, dont le père, Olivier Baroux est l'ex-membre du duo Kad et O et le réalisateur des quatre premiers volets des Tuche. "Le film ne fait pas rire sur la maladie", renchérit Hélène Vincent. "Ce qui fait rire, c'est les dysfonctionnements de la famille."

Si les comédies anglo-saxonnes ou italiennes ont souvent ri de la mort, les comédies françaises se sont rarement risquées sur ce terrain. "En France, on est pudique, pudibond", regrette Hélène Vincent. "En France, on a très peur de parler de la mort et de la maladie."

Pour apporter de la comédie à ce sujet très intime, Enya Baroux s'est appuyée sur ses deux co-scénaristes Philippe Barrière et Martin Darondeau. "Ils se sont emparés du projet sans affect. Comme ce n'était pas leur histoire, ils ont osé aller dans la comédie, dans le gag, dans l'absurde sans avoir peur de froisser l'histoire."

Et toujours avec subtilité, insiste Enya Baroux: "On voulait un humour de situation, de quiproquos et pas forcément de gags potaches. Comme on traitait ce sujet de la fin de vie avec humour, on ne pouvait pas se permettre d'être vulgaire ou graveleux."

Le public rit

Le pari fonctionne. La réalisatrice, qui vient de terminer une tournée d'avant-premières de six semaines, se réjouit de l'accueil réservé à son film. "Nos salles étaient pleines. Je ne sais pas du tout ce que ça prédit pour la sortie et ce n'est pas le sujet. Mais les gens rigolent de ce film. Ils passent un bon moment."

"Si on leur tend la perche sur des sujets qui les concernent - et c'est un sujet qui concerne toutes les générations - ils sont prêts à rire", renchérit la réalisatrice. "J'ai pu parler avec les gens après les séances. Les projections ont laissé beaucoup de place à la discussion et le public nous a livré de beaux témoignages."

Une belle récompense pour ce film qui a mis sept ans à voir le jour. Difficile de convaincre des financiers avec une comédie sur un sujet aussi tabou. "La fin de vie, le suicide assisté, c'est un sujet sur lequel les financiers ne veulent pas du tout s'aventurer et prendre de risque", déplore Enya Baroux.

Une scène du film "On ira" d'Enya Baroux
Une scène du film "On ira" d'Enya Baroux © Zinc

Plusieurs réalisateurs (François Ozon, Stéphane Brizé, Costa-Gavras, Almodovar), se sont frottés au sujet - mais tous ont une renommée internationale. "Une fille de 32 ans qui veut réaliser son premier sur ce sujet, et le traiter en comédie, c'était casse-gueule pour les financiers. Il a fallu trouver les bonnes personnes. Ça a été long."

Contactée cinq ans avant le tournage, Hélène Vincent a toujours cru en On ira. Le personnage de Marie, "tenace" et "admirable", l'a impressionnée. "C'est beau ce désir qu'elle a de mourir avant qu'elle ne soit complètement détruite par la maladie, pour éviter à ses enfants de la voir se déliter sous leurs yeux", souligne l'actrice.

Elle avait déjà joué en 2012, dans Quelques heures de printemps, un rôle similaire de femme condamnée par la maladie et souhaitant mourir dans la dignité. "Et j'ai eu trois quatre fois la maladie d'Alzheimer au cinéma!", s'amuse-t-elle. "Faire un testament ne fait pas mourir, jouer une dame qui meurt non plus."

Membre de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, Hélène Vincent a déjà indiqué à ses deux fils les dispositions à prendre: "Je ne sais pas comment les choses se présenteront, mais si je suis atteinte d'une maladie grave qui me détruit, avant d'être complètement obsolète, je veux aller en Suisse, ou en Belgique, ou au Canada."

"Apprivoiser nos peurs"

"Ce qui me peine, dans cette affaire, c'est l'absence de liberté. Je trouve ça très cruel", ajoute encore Hélène Vincent. Une liberté dont son personnage s'empare: sa dernière apparition à l'écran, avant de mourir, la montre en plein éclat de rire. "L'idée de cette scène est inouïe", salue Hélène Vincent.

"Elle part dans une fête. On voit que tout va bien. Peu importe notre avis sur la question, on aimerait tous que ce soit ça notre dernier moment", analyse Enya Baroux. "J'avais envie de montrer une autre version du deuil. Le deuil de ma grand-mère était très froid, très glauque. On peut aussi être apaisé que quelqu'un soit parti."

"J'aimerais que notre rapport à la mort change", poursuit la réalisatrice. "On a été éduqué à voir la mort comme quelque chose d'assez négatif, d'assez triste. Ça l'est. Mais il y a plein de manières de l'envisager. Peut-être faut-il apprivoiser nos peurs. Je me sens déjà mieux d'en parler avec ce film."

On ira sera projeté à l'Assemblée nationale le mardi 18 mars. "Le message du film est entendu", se réjouit Enya Baroux. "Si ça peut apporter une mini-pierre à l'édifice, et ouvrir le débat, je serais très contente." Accaparée par d'autres obligations, Hélène Vincent n'y sera pas. "Mais s'il faut aller manifester, là je le ferai bien volontiers!"

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV