Paris: un rapport pointe des insuffisances en matière de santé et émet 71 préconisations

Le siège de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), à Paris. - OLIVIER LABAN-MATTEI © 2019 AFP
Comment mieux préserver la santé des Parisiens? C'est en somme l'objet d'un rapport qui a été remis ce lundi à Emmanuel Grégoire, premier adjoint d'Anne Hidalgo à la mairie de la capitale.
L'audit se veut un point d'étape, une évaluation des politiques sanitaires des dernières années, voire de la décennie. Il a pris la forme de dizaines de visites et d'auditions, conduites depuis janvier sous la direction de Jean-Pierre Lecoq, le maire du 6e arrondissement, qui a été nommé président de la Mission d'information et d'évaluation (MIE) de la Santé.
Le dossier a été finalisé en juillet par une dizaine d'élus. Lourd de plus de 200 pages, il dresse en premier lieu une liste de problématiques et décrit un système "en tension".
"Limiter les inégalités de santé"
De manière globale, "au sein du système de santé, la situation de l'hôpital apparaît difficile, tant à l'AP-HP que dans le secteur privé du fait des politiques hospitalières conduites ces dernières années qui se sont traduites par des fermetures de lits", pointe le rapport.
D'autant que, "plus récemment, les difficultés de recrutement ont entraîné des fermetures de services, le plus souvent à titre temporaire". "La crise des Urgences médicales est emblématique des difficultés du système de santé", résument les auteurs.
Si la situation sanitaire est néanmoins jugée "meilleure" à Paris que dans d'autres régions françaises, il est constaté que "des patients rencontrent depuis quelques années des difficultés croissantes pour accéder à un médecin conventionné dans le secteur 1, du fait de la diminution de leur nombre dans certains quartiers" et ce, même si "les acteurs publics mènent des actions pour remédier à cette situation avec le soutien de la collectivité parisienne, notamment à travers le dispositif Paris Med".
Consommation de crack, Covid-19...
L'audit salue le travail du service de la protection maternelle et infantile, dirigé par la mairie, pour "limiter les inégalités de santé" et appelle à développer encore davantage les dispositifs de médiation et de politique localisés, à l'échelle de l'arrondissement voire du quartier, en particuler en matière de santé mentale.
En outre, le document revient sur les limites de la gestion de la lutte contre la consommation de drogue. Celle-ci "se heurte d’abord à la sous-estimation des risques dans le public, établit le rapport. De nombreuses structures de soins existent sur le territoire parisien, mais les politiques conduites semblent souffrir d'un déficit de coordination, en particulier s'agissant de la lutte contre le crack".
Ou encore, c'était inévitable, sur la pandémie de Covid-19, dont on peut "tirer les premiers enseignements". Si "les acteurs de la santé ont été amenés à se concerter et à organiser leurs actions pour lutter contre le coronavirus", "leur coopération semble encore devoir être améliorée". Et d'ajouter: "Quant aux actions dites 'd’aller vers' les populations les plus éloignées du système de santé, elles pourraient être davantage déployées à Paris".
Plus de concertation
Une fois passé cet inventaire, les auteurs du rapport dressent une liste de 71 préconisations devant permettre de solutionner les dysfonctionnements précédemment cités. Ces dernier sont proposés non seulement à la Ville de Paris mais aussi à la région Île-de-France et, plus largement encore, à l'État.
Les premières suggestions générales portent sur le pilotage de la santé. Le rapport préconise entre autres d'"établir un diagnostic territorial pour construire une vision commune des besoins à l'échelle microlocale des quartiers", d'inclure dans le dialogue les associations, les institutions et les patients, et également d'"impliquer davantage les maires d'arrondissement" dans les débats.
Autres idées mises en avant dans l'audit: obtenir de l'État la création d'Objectifs nationaux de Santé Publique -lesquels seraient débattus annuellement au Parlement après un travail territorialisé- sur les besoins de santé, revoir le fonctionnement du conseil d'administration de l'AP-HP et y inclure élus, personnels soignants et usagers, ou encore plaider auprès de l'AP-HP pour la création de postes de médecins partagés entre la ville et l'AP-HP, de façon à pouvoir cofinancer les emplois.
Le lien santé-environnement
Le rapport se penche aussi sur la question de la santé environnementale. Celui-ci recommande en particulier à la mairie de Paris d'étudier la possibilité de créer un observatoire de la santé environnementale et d'inclure le critère de la santé dans l'ensemble des choix politiques.
Dans la même veine, l'audit milite pour la mise en place de critères d'éco-conditionnalité dans la commande publique, "afin d'interdire certaines substances nocives", ou encore d'accroître le nombre d'inspecteurs en charge de la surveillance de l'hygiène et de la salubrité.
S'agissant de l'accès au soin, il serait judicieux, selon les auteurs, de "consacrer une part plus importante des locaux des bailleurs sociaux à l'installation de professionnels de santé", de recenser les professionnels de santé proposant des visites à domicile et de faciliter, par le biais du 3975, la mise en relation avec des patients en difficulté avec le numérique.
L'audit prévoit également d'autres réformes à l'AP-HP pour attirer les soignants et ainsi faciliter l'accès aux soins. La première: généraliser à l'ensemble des salariés de l'AP-HP une prime coût de de la vie indexée sur leur salaire. La seconde: obtenir chaque année un bilan annuel des lits et services fermés, du délai d'attente avant prise en charge et du nombre de patients.
Sur le même thème, la MIE appelle l'État à augmenter les capacités d'accueil des facultés de médecine pour qu'elles puissent former un nombre suffisant de professionnnels, à créer dans chaque service d'urgence un sous-service spécifique aux plus de 75 ans et à promouvoir un seul numéro d'urgence, le 112, avec des moyens supplémentaires.
Un vote au prochain Conseil de Paris
La Mission d'information et d'évaluation de la santé s'est en outre intéressée aux besoin de santé de publics spécifiques. Et notamment les femmes, pour qui un recensement et une cartographie de l'offre de soins serait la bienvenue.
À l'échelle nationale, la MIE défend la reconnaissance de l'endométriose comme une Affection de longue durée et plaide pour une meilleure formation à son dépistage et sa prise en charge.
S'agissant des personnes âgées, la Ville est appelée à gonfler son offre dans les Ehpad, de manière à atteindre le ratio de 0,8 personnel par résident, et à développer l'accès aux soins palliatifs pour les patients en fin de vie.
D'autres mesures proposées concernent la création d'un plan d'action en cas de futures épidémies, la mise en place de périmètres autour des écoles pour protéger les enfants des publicités pour la cigarette ou les fast-foods ou encore la reconnaissance de l'addiction comme une maladie prise en charge par la Sécurité sociale.
Tous les groupes du Conseil de Paris se sont mis d'accord sur les 71 propositions présentées dans le rapport. Elles seront soumises au vote lors du prochain Conseil de Paris, prévu du 11 au 14 octobre.