Paris: que contient le "plan anti-couteau" déployé par la ville pour faire face aux rixes dans la capitale?

Illustration - L'hôtel de ville de Paris - AFP
"Porter un couteau, c'est se mettre en danger, pas se protéger." Face à l'intensification des rixes et à l'usage croissant du couteau, la ville de Paris met en place un "plan anti-couteau".
La capitale déploie plusieurs mesures, lancées en octobre dernier dans le cadre de l'acte 3 de la stratégie de lutte contre les rixes dans la ville. Ce lundi 27 janvier, une première réunion de travail s'est tenue avec la préfecture de police, la police municipale ou encore le rectorat, autour de 200 professionnels, a appris BFM Paris Île-de-France.
Depuis le lancement de ce nouveau volet, deux jeunes parisiens, Élias et Abass, ont été tués en moins de cinq semaines. Selon des chiffres publiés dans Le Parisien ce mardi, 74 agressions avec couteau ou arme blanche ont eu lieu dans les collèges lors de l'année scolaire 2023-2024, 38 dans les lycées et 18 en primaire à Paris. Et 40 agressions auraient eu lieu depuis le début de l'année 2024-2025, selon des chiffres rapportés par Laurent Paris, le responsable de la sécurité au rectorat de Paris.
Le rectorat et la préfecture de police n'ont pas souhaité confirmer ces chiffres auprès de BFM Paris Île-de-France.
Prévention et sanctions
Selon le préfet de police Laurent Nuñez, une rixe sur deux comprend l’utilisation d’une arme par destination ou d’arme blanche. Ces affrontements concernent à 80% des mineurs. "C'est un phénomène inquiétant", assure-t-il à Franceinfo,
"Nous nous sommes saisis du dossier comme élus locaux", assure Nicolas Nordman, l'adjoint à la maire de Paris en charge de la sécurité sur BFMTV ce mercredi.
"Nous considérons qu'il faut à la fois mener des politiques de prévention, c'est l'objet du plan que nous avons lancé, mais également qu'il y ait des sanctions lorsque la prévention ne fonctionne pas."
Et d'ajouter: "de ce point de vue là, c'est à la police et à la justice de mener ces sanctions".
"Dissuader les jeunes"
Le port d'un couteau, arme blanche de catégorie D, dans la rue est interdit par la loi, quelle que soit sa taille ou son usage supposé. Les contrevenants s'exposent à un risque de peine d'un an d'emprisonnement et une amende de 15.000 euros. Lorsque ce couteau est introduit dans un établissement scolaire, il s'agit d'un délit et peut être puni de sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende, rappelle la ville de Paris.
"C'est dissuader les jeunes de porter ces armes blanches. Il faut lutter contre cette banalisation", défendait toujours Nicolas Nordman sur BFMTV.
"Le copain a un couteau dans son cartable ou son sac de sport alors 'moi, je vais prendre un couteau'. Et quand on leur pose la question: 'c'est pour me défendre'. Non. Il faut leur dire que c'est dangereux", explique-t-il. "Pour eux-mêmes et pour les autres."
135 médiateurs formés
Via ce plan, la ville de Paris lance une campagne publicitaire de prévention et de sensibilisation, mais aussi d'autres actions contre la violence par armes blanches chez les jeunes. Parmi les mesures prévues, il y a la formation des agents de la police municipale et des professionnels au contact des jeunes.
La ville compte au total 135 médiateurs avec deux types d'interventions. Il y a tout d'abord l'équipe parisienne de médiation, soit une cinquantaine d'agents. Des équipes volantes, dédiées à intervenir spécifiquement sur les rixes entre jeunes. Ces effectifs-là seront doublés d'ici à la fin de l'année pour une centaine d'agents.
Les autres médiateurs sont dans les arrondissements, et interviennent pour les rixes, mais ils sont aussi dédiés à d'autres missions plus généralistes de la vie du quartier.
Une sensibilisation en milieu scolaire auprès de collégiens de 4e et 3e aura lieu en classe avec la projection d'un film mais aussi à la sortie des cours avec la présence de ces médiateurs de la ville. Ils sont reconnaissables par leur tenue violette.
"Le parquet est très volontaire"
La ville a également lancé un appel à projet "prévention des rixes entre jeunes à Paris" et prévoit une enveloppe de 200.000 euros consacrée à "des actions de prévention, en rue et sur les réseaux sociaux, et aux initiatives éducatives et de soutien à la parentalité".
"La police municipale ne peut pas d'initiative opérer des contrôles, comme les autres polices municipales. C'est la police nationale qui peut le faire", assure Nicolas Nordman sur BFMTV.
"Il faut qu'il puisse y avoir des contrôles effectués par la police nationale pour saisir les couteaux. Et que derrière, il y ait des poursuites. Que le parquet puisse déférer de manière systématique."
"À Paris, le parquet est très volontaire sur le sujet et défère de manière systématique", ajoute l'adjoint.
"On est arrivés à un tel degré de violence, qu'il faut aujourd'hui réprimer avant de prévenir", indique à son tour Reda Belhaj, porte-parole du syndicat Unité SGP-FO Île-de-France sur BFMTV. "Pourquoi on n'applique pas ces peines? Pourquoi on laisse en liberté sur le terrain?", s'interroge-t-il.
L'opposition agacée
Dans les rangs du groupe Changer Paris, les mesures de ce plan "anti-couteau" agacent. "On a vu un peu les slogans. Quand on voit la gravité des faits qui peuvent être commis après la mort d'un adolescent, ça parait en déconnexion", dénonce Nelly Garnier, conseillère de Paris du groupe de Rachida Dati à BFM Paris Île-de-France.
"C'est déjà le signal d'une incompréhension de la réalité. Ça pourrait passer pour candide mais c'est coupable." Pour elle, derrière le port du couteau, il y a aussi "une problématique de racket". "Le propriétaire du couteau n'est pas la victime, mais l'agresseur".
Son groupe d'opposition dénonce un "enfermement idéologique majeur" de la gauche parisienne et la "culture de l'excuse". Nelly Garnier réitère la demande d'armement de la police municipale parisienne et du développement de la vidéoprotection.