Paris: la mairie dénonce des accusations mensongères après une vidéo sur le cimetière parisien de Pantin

"Ce scandale que la mairie de Paris voudrait enterrer". Ce lundi, Pierre Liscia, conseiller régional Libres! d'Île-de-France, a publié une vidéo sur son compte Twitter, vue plus d'un million de fois, intitulée "Cimetière parisien de Pantin: le témoignage choc d'un agent municipal".
Dans cette vidéo tournée à l'intérieur du cimetière de Pantin, plus grand de France et de Paris, l'élu interroge un fossoyeur de la ville de Paris. Ce dernier, suspendu depuis juin 2022 selon Le Parisien, explique que des ossements jonchent les sols et affirme que certains employés dépouillent les cadavres. Des propos mensongers pour la mairie qui ont provoqué sa colère.
Des exhumations à la pelleteuse?
"J'ai l'impression que la ville de Paris ne veut pas que ce scandale éclate. Mais je ne peux plus me taire, ça m'est insupportable", déclare Didier Decleve, gardien des cimetières de la ville de Paris dans la vidéo de Pierre Liscia.
Sur les images captées par le conseiller régional, des os sont visibles à proximité des tombes. Mais, auprès de nos confrères du Parisien, Pierre Liscia avoue "s'être éloigné de la réalité". Certaines images d'ossements présentées dans la vidéo proviennent ainsi d'une vidéo YouTube publiée il y a quatre ans. Le conseiller régional assure tout de même avoir pu filmer un crâne humain.
Pour expliquer l'apparition de ces os, l'employé municipal interrogé dans la vidéo présente deux versions: celle officielle de la mairie de Paris et la sienne.
"La version officielle de la ville, c'est qu'à cause des mouvements des sols et de la terre qui bouge, les os remontent et vont se disperser après au niveau des divisions", expose-t-il. "La vraie version, c'est que certains collègues font les exhumations à la pelleteuse alors que la loi impose de les faire à la main. (...) Donc forcément, il y a des restes qui sont sur place et qui ne sont pas ramassés."
Également interrogé par nos confrères du Parisien, l'agent municipal explique que les pelleteuses sont autorisées "pour le début de l’opération" mais que "la machine doit s’arrêter à 20 cm du cercueil, et ensuite c’est l’homme qui doit terminer avec respect, sortir le cadavre et récupérer les ossements".
Des chiffres "manipulateurs et indignes"
"C'est très réglementé et on doit avoir une certaine décence au niveau du corps. Le fossoyeur descend dans la fosse et doit récupérer le corps à la main pour le déposer dans un reliquaire", précise Didier Decleve dans la vidéo de Pierre Liscia.
En général, le fossoyeur "fait 5 à 6 exhumations en une matinée", mais selon lui, certains de ses collègues se "vantaient de faire 20, 30 à 40 exhumations" en un jour. Une recherche de la quantité qui s'explique par la rémunération que touche l'employé pour chaque exhumation, affirme l'agent. "Un fossoyeur touche un peu moins de 2 euros. Donc en faisant une vingtaine d'exhumations en une matinée, il peut augmenter sa paie de 300 à 400 euros", précise-t-il.
Toutefois, selon Paul Simondon, adjoint au maire en charge des affaires funéraires, s'il existe bien une prime d'un peu moins de 2 euros pour compenser la pénibilité, "jamais aucun d’eux ne choisit le nombre d’exhumation réalisé", explique-t-il au Parisien.
"Depuis 2019, il y a eu en moyenne 1190 exhumations par an dans le cimetière de Pantin, qui compte 145.000 concessions. Dès lors les chiffres avancés sont mensongers, manipulateurs et indignes", réplique par ailleurs la mairie de Paris sur son compte Twitter.
L'agent dénonce aussi des vols sur les dépouilles
À la question des exhumations viennent s'ajouter des vols sur les dépouilles, selon l'agent municipal. "Lorsqu'une personne est exhumée, on retrouve régulièrement des bijoux, des colliers, des bagues. Au lieu d'être remis dans le reliquaire, ces bijoux sont récupérés pour être revendus", expose Didier Decleve.
En 2018, quatre hommes, dont trois fossoyeurs du cimetière de Pantin, avaient ainsi été jugés pour des soupçons de vol en réunion et d'atteinte à des cadavres après avoir arraché des dents en ors et des bijoux dans des sépultures. L'un des employés avait été interpellé en possession de onze dents en or.
Si le phénomène concerne "la totalité du cimetière", l'ancien fossoyeur confie que "les divisions de confession juive" sont encore plus en proie à ces pillages.
"J'ai prévenu ma hiérarchie, mais derrière j'ai subi des pressions, des menaces. D'ailleurs je vais passer en conseil de discipline et j'ai même une demande d'inspection général de la part de la maire de Paris", affirme Didier Decleve. Selon Le Parisien, le dossier qui donne lieu à un conseil de discipline n'a toutefois rien à voir avec ces dénonciations.
Une vidéo "honteuse"
De son côté, la mairie de Paris s'est empressé de démentir les accusations formulées à son encontre. "Les accusations scandaleuses de Pierre Liscia sont fausses et intolérables", s'insurge Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris.
En réponse aux accusations avancées par le conseiller régional, Paul Simondon estime que la vidéo de Pierre Liscia "est honteuse et répand des accusations totalement mensongère".
La mairie "saisit l'autorité judiciaire"
Interrogé par BFM Paris Ile-de-France, Paul Simondon explique qu'"aucun signalement, aucune plainte pour des faits de vols sur des dépouilles", n'a été fait à la mairie. "Si bien sûr nous en avions, l'enquête serait immédiate. Mais nous n'en avons pas, il s'agit donc d'une manipulation et de diffamation totale", regrette-t-il.
Selon lui, les informations formulées dans la vidéo de Pierre Liscia "véhiculent des clichés totalement antisémites en faisant croire qu'il y a des réserves d'or dans les sépultures". Des accusations "complètement fausses", "scandaleusement mensongères" et "totalement irresponsables" selon l'adjoint au maire.
Questionné par BFM Paris Ile-de-France également, Pierre Liscia se dit "surpris de la réaction de la ville de Paris qui nie tout en bloc dans la mesure où il y a plusieurs éléments qui corroborent la version de ce fossoyeur. Il y a également le témoignage d'autres agents municipaux".
Dans un document transmis par Pierre Liscia et consulté par BFM Paris Ile-de-France, un autre agent évoque ainsi auprès de l'inspection général des cimetière de Paris en septembre dernier, les faits évoqués dans la vidéo.
"J'ai peur en exhumation car on sort les ossements avec la pelleteuse et ce n'est pas conforme. J'ai des collègues qui parlent d'argent tout le temps. Moi, je propose que l'on fasse un forfait pour éviter ce système de prime", retranscrit le document.
Pour le conseiller régional, avec l'appui de ce document officiel, "la moindre des choses serait de faire la lumière sur ce dossier et de rassurer les familles des défunts".
Pierre Liscia a saisi le procureur de la république de Paris et d'autres responsables politiques ont annoncé avoir saisi le ministère de l'Intérieur. "Face à la gravité de ces accusations mensongères et sans fondement, la ville de Paris a décidé de saisir l’autorité judiciaire", annonce pour sa part la mairie sur Twitter.