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Paris Île-de-France

Grigny: la mairie souhaite que Coca-Cola arrête de prélever de l'eau dans la nappe phréatique

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Le maire de Grigny estime le procédé obsolète et travaille à un accord avec la multinationale pour que cette dernière se fournisse en eau de ville.

"Un procédé has-been." Alors que la France veut tendre vers une utilisation de la ressource en eau de plus en plus responsable, l'entreprise Coca-Cola est pointée du doigt par les acteurs locaux franciliens. Elle est accusée de trop utiliser une nappe phréatique d'Essonne.

"C'est un anachronisme", juge Philippe Rio, maire de Grigny et vice-président en charge de l'eau au sein de la collectivité Grand Paris Sud sur BFM Paris Île-de-France. "Aujourd'hui l'eau, bien public, exige que nous puissions préserver les ressources naturelles." L'édile a récemment demandé à Coca-Cola d'arrêter de puiser dans la nappe phréatique.

"La situation exige que nous changions de modèle"

L'entreprise américaine est propriétaire de deux usines en Île-de-France: à Clamart, dans les Hauts-de-Seine, et à Grigny, en Essonne. En 2020 à Grigny, 750.000 m3 d'eau ont été utilisés pour produire 590 millions de litres de boissons. En moyenne, pour un litre de boisson embouteillée, l'usine de Grigny utilise 1,27 litre d'eau.

"Il y a d'autres solutions qui sont possibles", continue Philippe Rio. "Nous avons fait d'autres propositions et nous travaillons à changer de système. Nous le savons, dans le futur, le stress hydrique va aller en s'amplifiant. La situation exige que nous changions de modèle."

De plus, l'entreprise est la seule à utiliser la nappe phréatique en question. Aucun agriculteur n'utilise l'eau, il n'y a pas non plus de forages pour l'eau domestique qui y sont présents. "C'est uniquement à usage industriel", assure l'élu.

La multinationale affirme déjà payer une redevance à l'Agence de l'eau Seine-Normandie. Mais ce que le maire de Grigny souhaite, c'est que l'entreprise se fournisse auprès de la Régie publique de l'eau. "Comme elle le fait sur les autres territoires, à Dunkerque, à Toulouse, ou même à Clamart", précise Philippe Rio.

"Toutes ses usines en France utilisent de l'eau de ville", explique-t-il. "Nous sommes en capacité de lui fournir les quantités demandées, voire même demain s'il y a des augmentations, nous pouvons assurer leur matière première."

Dans ce cas, l'entreprise internationale achèterait l'eau à hauteur de 3,5 euros le mètre cube à la Régie publique de l'eau, comme toute entreprise du Grand Paris Sud.

Autorisé à prélever jusqu'à 1.200.000 m3 par an

Oui, mais voilà: Coca-Cola étant propriétaire de son terrain, l'entreprise est en droit de disposer des eaux souterraines, selon l'article 552 du Code civil. Le géant américain, bien que gourmand en eau, est donc dans la légalité. Coca-Cola dispose également d'un arrêté préfectoral datant de juillet 2012, l'autorisant à prélever jusqu'à 1.200.000 m3 d'eau par an. Cette limite n'a, selon la préfecture, jamais été dépassée.

Un autre arrêté préfectoral de 2016 autorise l'usine à exploiter ses installations mais demande à "l'exploitant d'être en mesure de mesurer quotidiennement ses prélèvements en eau", rappelle la préfecture à BFM Paris Île-de-France.

"L’un des enjeux environnementaux du site est en effet la maîtrise de sa consommation en eau. Le site prélève des eaux souterraines au moyen de trois forages qui ont été établis selon les règles communes à ces installations industrielles."

Des prescriptions relatives à la sécheresse figurent également dans cet arrêté. "En fonction des seuils de vigilance, d’alerte, d’alerte renforcée ou de crise, l’exploitant devra mettre en place des mesures allant de la sensibilisation des personnels pour économiser l’eau, jusqu’à l’arrêt de tout ou partie de la production", rapporte l'administration.

Un accord en cours pour se raccorder au réseau public

Pour Philippe Rio, étant rattrapé par les enjeux climatiques d'aujourd'hui, il faut tout de même rapidement "passer à autre chose".

"Il y a je crois de la part de Coca une volonté de se mettre aussi aux normes environnementales", estime l'édile. "Et donc tant mieux, j'espère que nous y arriverons très bientôt. [...] Coca a bien compris que la responsabilité sociétale des entreprises est regardée de près."

Ce mardi, "un grand pas a été franchi", se félicite par ailleurs Philippe Rio sur l'antenne de BFM Paris Île-de-France. "Le principe [d'arrêter de pomper dans la nappe phréatique] a été acté par le groupe Coca-Cola". Les conditions techniques d'un raccordement de l'usine au réseau public de distribution d'eau de la ville sont en train d'être créées, a-t-il précisé auprès de l'AFP.

Dans un communiqué, Coca-Cola Europacific Partners (CCEP), l'embouteilleur en Europe occidentale du géant américain des boissons gazeuses, précise également que l'accord reste "en discussion".

"Nous sommes en discussion permanente avec la municipalité, la préfecture et les autorités compétentes et travaillons actuellement avec la municipalité à des modalités pour acheter de l’eau de ville pour une partie de nos boissons."

L'industriel avait déjà entamé depuis plusieurs années une politique de limitation de sa consommation d'eau. Sur le site de Grigny, CCEP France a investi pour réaliser des économies d'eau supérieures à 50.000 m3 par an.

Juliette Moreau Alvarez