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Gare du Nord: un rapport sur l'état du bâtiment pointe des "risques majeurs pour les vies humaines"

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D'un danger d'incendie sur la façade historique au risque d'un effondrement des gares transilienne, RER et bus, la gare du Nord serait un nid de problèmes structurels, selon un rapport contesté par la SNCF.

D'inquiétants problèmes de sécurité dans la plus grande gare d'Europe. Un rapport, remis au tribunal administratif le 2 février, pointe d'importants risques de sécurité à la gare du Nord, dans le 10e arrondissement de Paris.

Rédigé par l'expert François Pinchon mandaté par la société StatioNord, cette note, révélée par Le Parisien puis consultée par BFMTV, alerte sur de nombreux problèmes de construction de la gare. Ces derniers mettent en péril la sécurité des voyageurs et du personnel SNCF.

Dans ses conclusions, François Pinchon a ainsi détecté la présence de trois dangers majeurs au sein de l'actuelle gare du Nord, notamment en termes d'effondrements et d'incendie.

Un risque d'effrondrements à la chaîne

Le rapport pointe du doigt un premier risque d'effondrement. D'après les analyses de l'expert, la gare banlieue (la gare transilienne) ne résisterait pas à un choc ferroviaire: si un train venait à se coucher en entrant en gare, les poteaux en béton entre les voies 33 et 34 sont bien trop proches des rails pour résister à l'accident.

À la structure "déjà fragilisée" s'ajoute aussi une circonstance aggravante, après un "grave défaut de construction": la dilatation n'a pas été prise en compte. La note est claire, le risque d'un déraillement de train entraînerait alors un effondrement de la totalité de la gare banlieue sur le public.

Cet accident engendrerait également une réaction en chaîne, entraînant l'effondrement de la gare de bus, située au-dessus, et la "mezzanine RER" "qui n'est pas dimensionnée pour résister à un scénario" de ce type et qui se trouve sous la gare transilienne. En heures de pointe, le trafic gare du Nord dépasse les 30.000 personnes, c'est donc autant de monde qui serait mis en péril.

Si la situation reste inchangée à ce jour, c'est aussi car la restructuration des lieux serait bien trop onéreuse. "Il faut revoir toutes les structures", précise noir sur blanc le rapport.

Ce type d'accident s'est déjà produit en France, le dernier en date le 22 novembre en gare de Carcassonne. Un train de marchandise a déraillé et entraîné avec lui 400 mètres de voies ferrées.

Des blocs de plusieurs tonnes en suspens

Le rapport Pinchon a observé un autre risque d'effondrement sur le site, cette fois au niveau de la façade d'un immeuble appartenant à la SNCF, au 112 rue de Maubeuge.

Des éléments en béton préfabriqué de trois à quatre tonnes chacun se sont détachés de la structure à cause d'une "corrosion foisonnante des attaches". Ils peuvent chuter à tout moment, alors qu'ils surplombent une zone fréquentée par le public, la voie n°2 de la gare, elle-même proche de la voie dédiée aux Eurostar.

Si le groupe ferroviaire avait entrepris une sécurisation provisoire à l'été 2021, aucun travail complémentaire et définitif n'a été entrepris à la mi-janvier, jour de rédaction du rapport.

Les vibrations des trains peuvent rapidement faire évoluer la situation. L'expert note aussi un "fait très aggravant", venant s'ajouter à ces risques: la présence d'une zone de fontis active, c'est-à-dire un effondrement soudain du sol en surface.

En 2017, un affaissement de 35 à 60 millimètres avait été observé sur les voies. La SNCF est particulièrement attentive à cet effet de surface et surveille donc depuis des années cette zone. Les locaux restent malgré tout occupés par du personnel SNCF à ce jour.

En décembre dernier, un bloc de béton se serait déjà effondré sur les voies de la ligne H, selon le syndicaliste SUD Rail et conducteur de train Transilien Xavier Bregail. Au micro de BFMTV, il explique aussi avoir remarqué des fissures et de la rouille à certains endroits.

Un risque d'incendie de la façade historique de la gare

Enfin, la troisième grande menace relevée par le rapport de StatioNord montre un risque d'incendie de la façade historique. Une partie de la structure comprend un plancher, situé au deuxième étage, qui ne présente aucune "stabilité au feu et degré coupe-feu indispensables pour la sécurité des personnes".

Une nouvelle fois, une circonstance aggravante vient rendre la situation encore plus inquiétante. Ici, le plancher de 80 mètres de long et 10 mètres de large recouvre un inter-étage en bois parcouru de réseaux électriques.

En d'autres termes, un incendie entraînerait la chute du plancher sur les bureaux des personnels SNCF travaillant juste en dessous, qui eux-mêmes s'effondreraient sur les commerces de la gare localisés au rez-de-chaussée.

Cela présente des "risques majeurs pour les vies humaines des personnes qui circulent dans ces lieux".

La passerelle d'attente des trains Eurostar, située à proximité, "serait très probablement impactée voire elle aussi emportée", estime le rapport.

À la base du rapport, le litige entre la SNCF et StatioNord

Le rapport a été rédigé par l'expert judiciaire François Pinchon. Mandaté par StatioNord, il avait pour mission de valider un certain nombre de faits autour de l'état du bâtiment auprès du tribunal administratif et du tribunal de commerce.

La société était anciennement chargée de reprendre en main la modernisation de la gare du Nord. Un projet abandonné par la SNCF en 2021, et qui est maintenant source de litige avec les deux acteurs.

Cet expert, qui a mené l’expertise suite à la catastrophe du tunnel du Mont Blanc notamment, a rendu deux rapports en se basant sur des centaines de documents techniques, afin d'appuyer la société StatioNord.

Au départ mandaté pour étudier les arguments de la SNCF lors de la rupture du contrat avec StatioNord, François Pinchon a ainsi décelé de nombreux risques pour les vies humaines des centaines de milliers de personnes qui foulent les quais de la gare du Nord chaque année.

Un rapport "inexact et biaisé" selon la SNCF

Dans un communiqué, la SNCF conteste tant la méthode que les conclusions de François Pinchon: "ce document, utilisé de façon malveillante, n’est pas un travail d’expert", estime la société ferroviaire.

Il "se base sur les seuls éléments à charge fournis par Ceetrus, sans visite sur le terrain, et sans vérification auprès des services de la SNCF", continue-t-elle.

"Il est en outre inexact et biaisé dans l’objectif de dédouaner Ceetrus dans le cadre du procès qui l’oppose à SNCF Gares & Connexions qui veillera à ce que la vérité soit rétablie devant les tribunaux", se défend la SNCF.

La compagnie de transport affirme ne pas transiger avec la sécurité "et prend naturellement toutes les mesures nécessaires pour assurer la parfaite sécurité de ses clients et de ses personnels".

Juliette Moreau Alvarez