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Implication éventuelle du "Grêlé", indices… Pourquoi la justice relance l'affaire du meurtre de Saint-Aubin

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Un faisceau d'indices concordants pointe vers une hypothétique responsabilité de François Vérove, connu sous le patronyme du "Grêlé", dans l'affaire d'un meurtre non élucidé datant de 1990.

Le pôle cold case du tribunal de Nanterre est sur tous les fronts en ce début d'année. En parallèle de l'interpellation d'un suspect tout juste mis en examen dans le meurtre non élucidé de Ginette Naime à Ollioules, en avril 2000, le parquet spécialisé a relancé le dossier du meurtre mystérieux de Saint-Aubin, près d'Evry, commis en juin 1990.

L'essentiel de cette affaire débute lorsque des promeneurs font la macabre découverte d'un corps, le 6 juin 1990, dans le bois communal de Saint-Aubin (Essonne). Le corps d'un homme, attaché à un arbre et présentant une plaie par balle au niveau du crâne, est retrouvé.

Un gendarme retraité à l'origine de la relance de l'affaire

La victime est un dessinateur industriel, Gilbert G., âgé de 43 ans. Des éléments intrigants sont retrouvés sur la scène de crime, notamment la balle qui a tué la victime: celle-ci, après expertise balistique, ressort comme étant une ogive de 9mm utilisée dans un MAC modèle 1950, une arme utilisée par les forces de gendarmerie à l'époque.

Toutefois, comme évoqué par le journaliste Thierry Lévêque, invité de BFM Paris Île-de-France ce vendredi pour y présenter son livre Le continent des oublié.e.s, axé sur le récit de quatre cold cases possiblement liés au tueur en série François Vérove dit le "Grêlé", aucun ADN n'avait pu être retrouvé sur la scène de crime à Saint-Aubin.

Pendant près de 35 ans, ce dossier est alors resté considéré comme un cold case impossible à résoudre. Toutefois, sur ce meurtre de 1990, ce sont les gendarmes de la section de recherches de Paris qui ont enquêté des mois durant sous la houlette du directeur d'enquête, Claude Félix, un gendarme aujourd'hui âgé de 78 ans retraité.

Le Grêlé : 35 ans de traque - 29/09
Le Grêlé : 35 ans de traque - 29/09
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C'est au moment de la découverte de l'identité du Grêlé, François Vérove, et de sa profession, un ancien gendarme et policier, que les réflexions reprennent dans la tête de Claude Félix. La corde nouée d'une manière particulière, mais aussi la balle issue d'une arme spécifiquement détenue par des gendarmes et enfin des témoignages.

Une analyse graphologique de haute importance

En effet, dès le lendemain du meurtre, le chéquier de la victime avait été utilisé pour effectuer divers achats autour de la capitale. Parmi les témoignages des personnes ayant été en contact avec le pourvoyeur de ces chèques, plusieurs faisaient état de la présence d'une carte siglée d'un bandeau tricolore, typique là encore de celles détenues par les agents de police ou les gendarmes.

L'accumulation de ces éléments a alors poussé, dans la fin d'année 2024, Claude Félix à décrocher son téléphone pour joindre la juge Nathalie Turquey afin de lui signaler ses suspicions quant à une possible implication de François Vérove dans le meurtre de Gilbert G. L'enquête a donc été rouverte par la juge d'instruction Nathalie Turquey, à la tête de ce pôle cold cases en novembre 2024.

"C'est une procédure étrange car l'auteur est mort. Ce que Madame Turquey essaye de faire, c'est de refaire l'intégralité de son palmarès, entre guillemets, criminel. Là, apparaît un fait un peu singulier, un homme dans un bois, alors que le Grêlé est un tueur de fillettes et de jeunes femmes. Mais ce n'est pas une surprise totale car il a déjà tué un homme, on le sait, dans une autre partie de ce dossier", commente le journaliste spécialiste des affaires judiciaires Thierry Lévêque.

Désormais, les chèques émis par le suspect en 1990 doivent être analysés par des experts graphologiques, afin de déterminer s'il s'agit bien de l'écriture du Grêlé.

"Jusqu'où a-t-il pu utiliser sa fonction de policier?"

Mais alors que le suspect numéro un est désormais mort, depuis qu'il s'est suicidé au Grau-du-Roi en septembre 2021, probablement pour échapper à l'étau qui se resserrait sur sa personne, à quoi peut servir le travail d'enquête? Avant sa mort, il avait laissé une lettre dans laquelle il s'accuse de meurtres, sans donner les noms de ses victimes.

"Il s'agit de savoir jusqu'où il a pu utiliser sa fonction de policier pour se protéger des enquêtes et pour commettre des faits. Il y a eu un problème, il faut le souligner, c'est que le ministère de l'Intérieur n'a pas mené d'enquête administrative séparément de la procédure judiciaire", estime le journaliste Thierry Lévêque.

Ce dernier rappelle qu'une telle enquête avait par exemple été menée, en parallèle même d'une commission d'enquête parlementaire, lorsqu'un policier radicalisé à la préfecture de police de Paris, Mickaël Harpon, avait tué plusieurs de ses collègues dans un attentat en 2019.

Enfin, le travail du pôle cold case de Nanterre sur le parcours meurtrier de François Vérove permet de pouvoir continuer d'élucider des affaires dans lesquelles le Grêlé pourrait être impliqué, permettant ainsi aux familles de victimes d'obtenir la vérité sur ce qui a pu arriver à leur proche défunt, alors qu'elles ont pu rester dans le doute pendant de nombreuses années.

Plusieurs victimes sont attribuées au "Grêlé" en région parisienne, des enfants mais également des adultes. Il tient son pseudonyme du grain de peau irrégulier de son visage identifié par des témoins, ce qui s'est avéré faux quand son identité a été authentifiée. Il est notamment soupçonné d'avoir tué et violé la petite Cécile Bloch, âgée à l'époque de 11 ans, retrouvée morte dans le sous-sol de son immeuble à Paris en mai 1986.

Pauline Revenaz, Dominique Rizet, avec Alexis Lalemant